L'Afrique du Sud s'apprête à présider un G20 sous haute tension dans un contexte de bouleversements géopolitiques et de rivalités croissantes. Cette première tenue du sommet sur le sol africain représente un moment crucial mais aussi un défi redoutable pour Pretoria, confronté à des tensions régionales, à des fragilités internes et au retour tonitruant de Donald Trump à la Maison-Blanche. Les Etats-Unis ont annoncé le 7 février ne plus fournir d'aide ou d'assistance à l'Afrique du Sud, citant une loi sur l'expropriation qu'ils jugent discriminatoire. Cette loi «permettrait au gouvernement sud-africain de saisir les propriétés agricoles de la minorité ethnique des Afrikaners sans compensation», a dénoncé le président américain Donald Trump dans un décret gelant l'aide, et qui mentionne également l'accusation de génocide portée par l'Afrique du Sud contre Israël. Depuis, Washington multiplie les griefs contre le gouvernement de Ramaphosa. La présidence sud-africaine du G20 intervient alors que le multilatéralisme se fissure. «Le véritable enjeu n'est pas seulement la défense des intérêts africains, mais la gestion d'un G20 où l'un de ses membres les plus influents [les Etats-Unis] se désengage activement», analyse l'Institute for Security Studies. L'Afrique du Sud, malgré l'adhésion de l'Union africaine au G20 en 2023, revendique toujours un rôle de porte-voix du continent. Or, sa diplomatie, peu équilibrée, se heurte à des relations délicates avec le Maroc, le Nigéria et le Rwanda. Un équilibre fragile sur le continent Avec Kigali, Pretoria peine à masquer des désaccords profonds. La situation sécuritaire en République démocratique du Congo alimente les tensions, chaque capitale soutenant des camps opposés. Paul Kagame, qui ne cache plus ses critiques envers Cyril Ramaphosa, fragilise encore l'influence sud-africaine. Autre point de crispation : le Maroc. Soutien indéfectible de du Polisario, l'Afrique du Sud voit son positionnement contesté par l'alignement stratégique de Rabat avec Washington et plusieurs capitales européennes. L'accord tripartite de 2020 a consolidé le poids diplomatique de Rabat. Depuis, la rivalité entre les deux capitales se traduit désormais au sein des organisations multilatérales. Quant au Nigeria, Pretoria entretient avec lui une relation ambivalente, entre coopération et concurrence. Alors que les deux économies dominent le continent, l'approche transactionnelle de Trump pourrait renforcer l'axe Washington-Abuja, accentuant l'isolement sud-africain. Partenaire clé des Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, le Nigeria pourrait s'imposer comme un interlocuteur privilégié, reléguant Pretoria au second plan. Un rapport de force avec Washington À ces défis s'ajoute une confrontation diplomatique ouverte avec les Etats-Unis. La procédure sud-africaine contre Israël devant la Cour internationale de justice a provoqué l'ire de Washington. L'administration Trump, à peine installée, marque déjà sa distance : le secrétaire d'Etat Marco Rubio a annoncé son absence à la réunion des ministres des affaires étrangères du G20, prévue les 20 et 21 février. Ce désengagement pose une question de taille : Donald Trump se rendra-t-il au sommet de novembre, où Pretoria doit lui transmettre la présidence du G20 pour 2026 ? L'hypothèse d'une absence, voire d'un affrontement ouvert, inquiète. «L'Afrique du Sud pourrait se retrouver face à une présidence inédite : un G20 où la présence américaine est réduite, hostile, ou tout simplement inexistante», souligne l'ISS. Sur le plan intérieur, les difficultés s'accumulent. La crise énergétique, le chômage et les tensions budgétaires limitent la marge de manœuvre du gouvernement impopulaire. Dans ce contexte, le sommet du G20 devient une épreuve de crédibilité pour M. Ramaphosa, qui espère inscrire son nom dans l'histoire comme premier président africain du groupe.