Sous la direction d'Aziz Akhannouch, le Maroc continue de perdre du terrain en matière de lutte contre la corruption. L'exécutif est pointé du doigt pour son inaction et son manque de volonté politique, illustré notamment par le gel de la Commission nationale de lutte contre la corruption, que le chef du gouvernement n'a jamais convoquée en trois ans, en violation de ses propres engagements. Pire encore, son gouvernement a retiré le projet de loi sur l'enrichissement illicite, vidant ainsi de sa substance une réforme cruciale pour garantir la transparence et la reddition des comptes. Le Maroc continue de marquer le pas en matière de lutte contre la corruption, selon le dernier rapport annuel de Transparency International, publié ce mardi. Le royaume s'est classé 99e sur 180 pays, avec une note de 37 sur 100, en recul par rapport à son rang de 97e en 2023, où il obtenait un score de 38. Cette contre-performance prolonge une tendance négative amorcée en 2018, année où le Maroc figurait encore à la 73e place. Une dégradation structurelle du classement Lors d'une conférence de presse tenue à Rabat, Azeddine Akesbi, membre de l'Association marocaine de lutte contre la corruption, a souligné que le Maroc «subissait une érosion constante de sa position sur l'indice de perception de la corruption», témoignant «d'un affaiblissement des mécanismes institutionnels de contrôle et de sanction.» Il a pointé une «défaillance systémique», alimentée par «un manque de volonté politique avéré et l'absence de réformes structurelles à même d'inverser la tendance actuelle.» De son côté, Ahmed Bernoussi, secrétaire général de l'association, a mis en exergue la perte de 26 places en sept ans, insistant sur «les entraves législatives et institutionnelles» freinant la transparence et la reddition des comptes. Il a critiqué «les lacunes de la loi sur l'accès à l'information qui comporte de nombreuses restrictions empêchant un accès effectif aux données d'intérêt public.» Il a également souligné «l'urgence d'adopter un cadre normatif rigoureux sur les conflits d'intérêts et la déclaration de patrimoine», tout en critiquant «la marginalisation des institutions de contrôle dont les rapports, selon lui, sont ignorés ou contestés par l'exécutif.» M. Bernoussi a notamment cité les travaux du Conseil de la concurrence, qui a documenté des pratiques oligopolistiques dans plusieurs secteurs clés. Il a mis en cause le manque d'application effective des recommandations de ces institutions, laissant selon lui la porte ouverte à des ententes frauduleuses et des abus de position dominante au détriment des citoyens et de l'économie nationale. Un désengagement gouvernemental dénoncé Dans un contexte marqué par un essoufflement des réformes en matière de gouvernance, Transparency Maroc a récemment annoncé la suspension de sa participation à la Commission nationale de lutte contre la corruption. L'ONG reproche au chef du gouvernement «de ne pas avoir convoqué la commission depuis trois ans, bien que son règlement intérieur mentionne deux réunions annuelles obligatoires.» Elle pointe également «le retrait du projet de loi sur l'enrichissement illicite, une mesure qui aurait permis de criminaliser l'accumulation injustifiée de richesses par des responsables publics.» À cela s'ajoute l'adoption de dispositions jugées préoccupantes, comme celles contenues dans le projet de loi sur la procédure fiscale, qui limite les possibilités de poursuites judiciaires en matière de détournement de fonds publics. Un coût économique colossal et un frein au développement L'Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC) estime que le coût de la corruption au Maroc avoisine les cinq milliards de dollars par an, soit une ponction de 3,5 % à 6 % du PIB. Son président, Mohamed Bachir Rachdi, s'appuie sur des évaluations d'institutions internationales pour justifier cette estimation, rappelant que les pratiques de favoritisme, de clientélisme et de détournement de fonds freinent l'investissement, accentuent les inégalités et compromettent les objectifs de croissance. Il insiste sur la nécessité de faire de la rupture avec les logiques de rente et d'opacité un pilier central du modèle de développement national afin de restaurer la confiance des citoyens et des investisseurs. Pour M. Rachdi, seule une approche systémique reposant sur une judiciarisation effective des affaires de corruption et un renforcement du contrôle des acteurs économiques et politiques, permettra d'inverser la tendance. Dans un contexte où le Maroc cherche à attirer plus d'investissements étrangers et à soutenir son positionnement dans les chaînes de valeur mondiales, l'incapacité à endiguer la corruption pourrait constituer un sérieux handicap, entravant l'évolution de l'économie et l'émergence d'une gouvernance transparente et efficiente, alors que Aziz Akhannouch veut rester au pouvoir jusqu'à 2030.