Digitalisation des commerçants : le ministère de l'Industrie et du commerce et le groupe Attijariwafa Bank s'allient    Digitalisation des commerçants : le ministère de l'Industrie et du commerce et le groupe Attijariwafa Bank s'allient    *Le Maroc porté à la présidence de l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'Homme*    Egalité des genres: Naïma Ben Yahia met en avant à New York les avancées du Maroc    SM le Roi, Amir Al Mouminine, se recueille sur la tombe de Feu SM le Roi Mohammed V [Vidéo]    Real Madrid : Kylian Mbappé absent des entraînements avant le choc en LdC    Système de la santé: Le Chef du gouvernement préside une réunion de suivi    Les complots de l'Algérie pour cibler Nouakchott et entraver le rapprochement maroco-mauritanien au milieu des transformations régionales    Fortes précipitations à Casablanca-Settat : Mobilisation générale à la SRM-CS, avec plus de 800 agents, 180 hydrocureuses et pompes déployés    Digitalisation : Attijariwafa Bank et le ministère de l'industrie accompagnent les commerçants    Le Maroc absorbe 33 % des exportations russes de pulpe de betterave en janvier    Washington : Discussions entre le Maroc et un représentant de l'administration Trump    La France interdit à 801 responsables algériens d'entrer sur son territoire    France : Marion Maréchal mise en examen pour diffamation contre une ONG musulmane    Riyad souhaite mettre fin à la crise ukrainienne dans le respect des principes de souveraineté    Lalla Khadija : Grâce, héritage et avenir d'un Maroc en majesté    Ursula von der Leyen: « L'Europe doit prendre davantage le contrôle de sa propre défense »    Séisme d'Al Haouz : Tizi N'Test, la faille à l'origine du drame, décryptage scientifique    Guerre commerciale: près des deux tiers des PME canadiennes impactées    Ramadan : Avant «dourouss hassania», un sultan a tenu des causeries pour étudier Sahih al-Bukhari    Manchester United enterre Old Trafford pour un nouveau stade de 100.000 places    Disparition de deux enfants marocains lors d'une tentative de passage vers Ceuta    Conseil de gouvernement : réforme des zones économiques et accords internationaux à l'ordre du jour    Estados Unidos: Conversaciones entre Marruecos y la administración Trump    Maroc : l'ANEF et Eucaforest unissent leurs efforts pour l'excellence sylvicole    Débat autour du concept de liberté dans les contextes arabe et occidental    Soutien à l'édition et au livre : ouverture des candidatures pour l'année 2025    Dislog Group acquiert Venezia Ice pour renforcer sa position dans l'industrie agroalimentaire    Dislog Group takes full control of Venezia Ice in a strategic move    Epson brise les barrières : Les femmes dans le leadership technologique et le chemin à parcourir    Prévisions Météo. De nouvelles pluies arrivent cette semaine accompagnées d'une baisse des températures    Températures prévues pour le mercredi 12 mars 2025    Foot égyptien: Menace sur le derby Ahly-Zamalek prévu ce soir    CAF : Le Président en réunion avec les Unions régionales et le Comex avant l'AGE de mercredi    «Basmat al-Tourath» : Le Maroc en animation, une histoire qui bouge !    Célébration de la journée mondiale du théâtre: un programme national couvrant les différentes régions du Royaume    El Jadida : Quand Kabour illumine la nuit des jeunes filles rurales à Ouled Hamdane !    Brahim Diaz, ambassadeur de "Orange Koora Talents"    Darmanin « remercie énormément les services marocains » pour leur contribution à « la sécurité de la France » [Vidéo]    Morocco and Algeria see sharp decline in arms imports, SIPRI report    Botola D1/ 24: Le Raja s'offre le CODM à Meknès !    Regreso de las lluvias en todo Marruecos tras un invierno con déficit    Le député PI Mohamed El Hafid condamné à deux ans de prison pour détournement de fonds publics    La Commune de Casablanca refuse la cession du Complexe Mohammed V et réaffirme sa propriété    Pluies et neiges abondantes : Un espoir pour l'agriculture et les réserves d'eau au Maroc    Amérique latine : Des habitudes culinaires nord-africaines et arabes héritées d'Al-Andalus    Maroc-France : accompagnement de neuf start-up marocaines du jeu vidéo    Dubaï : Les designers Hicham Lahlou et Cheick Diallo signent une œuvre d'exception    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Interview-Nabil Ayouch : « Pour incarner Touda, il fallait une actrice capable de porter toute l'histoire sur ses épaules »
Publié dans L'opinion le 21 - 12 - 2024

Dans cette interview, le réalisateur marocain Nabil Ayouch revient sur la genèse de Everybody Loves Touda. Entre choix artistiques audacieux, collaboration avec Nisrin Erradi et défis de production, il dévoile les coulisses de ce film qui célèbre l'authenticité et l'héritage culturel marocain.
* En racontant l'histoire d'une Cheikha, un personnage profondément ancré dans l'Histoire et la société marocaines, cela a-t-il nécessité un important travail de documentation ?
Absolument, le processus de documentation a été central dans l'élaboration de ce film. C'est une véritable fabrique. Pour chaque projet, je m'engage dans un travail quasi anthropologique, depuis Ali Zaoua jusqu'à aujourd'hui, en passant par Much Loved, Les Chevaux de Dieu, Haut et Fort et, bien sûr, Everybody Loves Touda.
Je prends le temps d'étudier mes sujets et mes personnages, mais aussi les âmes qui m'inspirent. Dans le cas de ce film, ce sont les Cheikhats. Mon lien avec elles remonte à 25 ans, lorsque j'ai mis en scène un spectacle vivant au château de Versailles, pour l'ouverture du Temple du Maroc. Depuis, elles n'ont cessé d'habiter mon imaginaire et certains de mes films, comme Les Chevaux de Dieu ou Razzia. Avant de réaliser Everybody Loves Touda, j'ai rencontré plusieurs d'entre elles, écouté leurs récits de vie et étudié leurs textes.
L'Aïta, cet art si particulier, exige une compréhension profonde. J'ai exploré ses subtilités et le rôle crucial que les Cheikhats ont joué dans l'Histoire culturelle et sociale du Maroc. Ce sont ces récits et cette documentation qui ont donné naissance au scénario d'Everybody Loves Touda.

* Pourquoi avoir choisi Nisrin Erradi pour incarner le rôle de Touda ?
Tout d'abord, parce que je distribue mes rôles en fonction des qualités que je perçois chez les actrices, et Nisrin s'est imposée comme une évidence. Je l'ai rencontrée il y a une quinzaine d'années, alors qu'elle était encore étudiante à l'ISADAC. Je l'ai redécouverte plus récemment dans Adam, le film réalisé par ma femme, Maryam Touzani. Son interprétation m'a frappé par sa puissance et sa sincérité.
Mais au-delà de son talent d'actrice, c'est sa personnalité qui m'a convaincu. Nisrin est une femme courageuse, déterminée et sans concessions dans sa vie quotidienne. Ce sont précisément ces traits qui résonnent avec le personnage de Touda. En écrivant ce rôle, elle m'a inspiré, et j'ai su qu'elle serait la seule capable de l'incarner. Pour moi, c'était une certitude : ce film, je le tournerais avec elle, et avec personne d'autre.

* Comment s'est déroulée votre collaboration avec Nisrin Erradi, notamment concernant l'évolution de son personnage ?
La collaboration avec Nisrin a été particulièrement intense. Nous avons travaillé ensemble pendant un an et demi pour préparer ce rôle, ce qui a inclus une formation rigoureuse pour qu'elle puisse incarner son personnage avec crédibilité. Elle s'est immergée dans l'univers des Cheikhats grâce à des figures emblématiques comme Khadija El Bidaouia, que nous avons malheureusement perdue durant la préparation, mais aussi Siham El Mesfiouia et Houda Nachta. Khadija nous a laissé un héritage précieux, un petit parlage, que Nisrin utilise d'ailleurs dans le film.
Nous avions une exigence : atteindre une certaine vérité et authenticité, car l'Aïta est un art riche, que nous ne voulions en aucun cas trahir. Dans le film, Touda n'est pas encore une Cheikha accomplie, mais c'est son rêve, son ambition. Pour cela, Nisrin devait maîtriser non seulement le chant, mais aussi tout un langage corporel et émotionnel qui reflète cette quête. Ce travail minutieux a été essentiel pour que son interprétation touche au plus juste.
* Le personnage de Touda nécessitait l'apprentissage d'un langage et d'un dialecte spécifiques pour être interprété avec authenticité. Comment cela a-t-il été intégré dans la préparation de Nisrin Erradi ?
Absolument, le Raosse est un code linguistique fondamental dans les échanges quotidiens des Cheikhats. Il était donc indispensable que Nisrin maîtrise cette langue pour donner vie à son personnage avec justesse. Mais cela fait partie intégrante du travail d'une actrice, surtout lorsque celle-ci est aussi exigeante que Nisrin. Elle s'est pleinement investie dans cette formation.
Endosser le rôle de Cheikha, un personnage profondément enraciné dans le patrimoine et les traditions marocaines, demande bien plus que de jouer. Cela exige de s'imprégner de l'âme du personnage, d'en comprendre les subtilités et de les incarner avec fidélité. Nisrin a su relever ce défi avec un dévouement impressionnant, permettant au film de rendre hommage à cet héritage unique.

* Vous avez fait le choix de travailler avec un enfant pour incarner un personnage sourd-muet. Comment avez-vous trouvé l'acteur idéal pour ce rôle ?
Diriger un enfant est une expérience magnifique, mais ce choix n'a pas été simple. J'ai d'abord hésité entre prendre un enfant réellement sourd-muet ou un enfant capable d'interpréter ce rôle avec vérité. Finalement, j'ai découvert Joud, qui a démontré un potentiel incroyable et une écoute impressionnante. Il a réussi à incarner ce personnage avec une authenticité remarquable. Je pense sincèrement qu'il a un avenir prometteur dans le cinéma, tant il est talentueux et captivant à l'écran.
* Derrière la caméra, on ressent un travail minutieux pour capturer chaque sentiment et chaque scène avec une subtilité frappante. Comment avez-vous abordé cet aspect dans Everybody Loves Touda ?
La mise en scène est une véritable passion pour moi. Bien souvent, on s'attarde sur les sujets que mes films abordent, mais on évoque rarement le travail de réalisation qui les sous-tend. Or, Everybody Loves Touda est avant tout un film de mise en scène.
Mon objectif était de saisir les émotions à travers le parcours d'une femme durant une année, dans toute sa diversité. Qu'il s'agisse des moments où elle se produit sur scène, des performances vibrantes qu'elle offre, ou des instants plus intimes de solitude et de vulnérabilité, j'ai voulu explorer la complexité de ses sentiments. Cela se reflète particulièrement dans certaines scènes, notamment celle de la fin, où la caméra plonge dans son visage, au cœur de ses émotions.
Ce travail exige une sensibilité extrême, une attention à chaque nuance. Venant du théâtre, j'ai toujours été passionné par la direction d'acteurs et par l'art de la mise en scène. Pour moi, le cinéma, c'est avant tout cela : raconter une histoire à travers les émotions et les subtilités des personnages.

* Le plan-séquence emblématique du film est à couper le souffle. Pouvez-vous nous parler de ce choix artistique audacieux ?
C'est une pure folie, ce plan-séquence. Il dure près de huit minutes dans le film, et il nous a fallu trois mois de préparation pour le rendre techniquement possible. Sur une scène de théâtre, puis sur place, nous avons répété inlassablement, encore et encore, pour surmonter une logistique complexe : 30 étages, six plateaux différents, un ascenseur exigu... Tout semblait techniquement impossible.
Mais je ne recherchais pas l'exploit technique. Mon objectif était de libérer l'émotion de Nisrin Erradi, de lui permettre de s'exprimer pleinement sans interruption. Je savais que si je coupais ce plan, je ne parviendrais jamais à capter la profondeur et la richesse de sa performance, particulièrement dans la descente de l'ascenseur.
Ce plan-séquence, c'est le cœur du film. Il traduit à lui seul les rêves de gloire, d'élévation sociale, mais aussi les désillusions et la complexité du parcours de Touda. La caméra, collée au plus près de Nisrin dans l'habitacle de l'ascenseur, capture une palette d'émotions extraordinaires, entre exaltation et désillusion. Ce n'est ni blanc ni noir : c'est un mélange subtil d'émotions que seule une prise continue pouvait restituer.
Cette scène a été un véritable défi pour l'ensemble de l'équipe. L'espace réduit, le positionnement du steadycam, la coordination des techniciens... tout cela semblait insurmontable. Pourtant, après une vingtaine de répétitions et une persévérance sans relâche, nous avons réussi à tourner ce plan en une seule prise. Ce moment, au-delà de sa prouesse technique, incarne toute la complexité et la beauté de Everybody Loves Touda.

* Réaliser un film avec une telle exigence visuelle et artistique demande des moyens conséquents. Comment avez-vous réussi à financer ce projet ambitieux ?
J'ai choisi de réaliser mon rêve de la manière dont je le voyais. Ce film, avec son exigence de mise en scène et son esthétique particulière, nécessitait des moyens considérables. Cela a impliqué d'aller chercher des financements partout où c'était possible. Nous avons commencé par le Maroc, avec le soutien du CCM, puis nous avons élargi à d'autres pays comme la France, la Belgique, les Pays-Bas, la Norvège et le Danemark. Ce processus a été long, mais indispensable pour être à la hauteur de l'ambition visuelle et artistique du film, et pour qu'il ait un véritable impact et une pérennité.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.