Après des années de reconstruction, le Parti de l'Istiqlal a pu se repositionner en force sur la scène politique. Résultat de sept ans de redressement d'un parti qui aspire maintenant à occuper le sommet du podium électoral. Récit d'un "come-back". Ce vendredi, tous les projecteurs braquent leurs lumières sur Bouznika qui abrite le 18ème Congrès général du Parti de l'Istiqlal. 3600 congressistes élus y sont conviés pour renouveler les instances internes du parti et élire le nouveau Secrétaire Général. Candidat à sa propre succession, Nizar Baraka aspire à un deuxième mandat. Il fait face à Rachid Afilal. Selon plusieurs militants contactés par nos soins, le 18ème Congrès est une chance pour raffermir davantage l'unité du parti. Il y a une profonde conviction chez beaucoup d'Istiqlaliens que le choix doit porter sur le Secrétaire le plus capable de fédérer tout le monde autour de lui. Nizar Baraka démarre la course avec de fortes chances de succéder à lui-même vu que sa candidature a été validée unanimement par le Comité exécutif.
Renaissance Les militants lui sont reconnaissants d'avoir redoré le blason du parti après une période difficile marquée par des reculades électorales. Une période où le parti a vu son image ternie et dégradée à cause d'une crise d'identité. Ce qui a poussé les militants, désireux d'une personnalité consensuelle capable de rassembler, à faire le choix de Nizar Baraka au 17ème Congrès général. Arrivé en 2017 à la tête de l'Istiqlal, après un bref mandat à la tête du Conseil économique, social et environnemental, Nizar Baraka a pris les rênes de la formation de la Balance avec un esprit de renouveau. L'objectif était de redorer l'image du parti, fort altérée. Il s'est employé à ramener les héritiers d'Allal El Fassi à leur authenticité en renouant avec un discours modéré loin du populisme qui prévalait à l'époque sur la scène politique. "Il est incontestable que le mandat du Secrétaire Général correspond au retour aux fondamentaux", insiste Allal Amraoui, député du Parti de l'Istiqlal, convaincu que l'actuel ministre de l'Equipement et de l'Eau a incarné une "légitimité historique et intellectuelle" qui a redonné de la crédibilité au parti. Le député de Fès reconnaît que Nizar Baraka a rationalisé le discours du parti qui s'est depuis éloigné des considérations politiciennes vers le débat d'idées. "L'image de Nizar Baraka s'est répercutée sur la perception du parti par les électeurs", fait remarquer Abdelhafid Adminou, membre du Comité central du parti et professeur de Droit public à l'Université Mohammed V-Souissi.
Le choix de l'opposition constructive Depuis 2017, l'Istiqlal s'est résolument forgé l'image d'une force de proposition. D'où son choix de passer à l'opposition constructive à l'époque du gouvernement Saâd-Eddine El Othmani. Ce vent de renouvellement a immédiatement touché le Parlement où les groupes parlementaires ont vite basculé vers la critique raisonnable loin du "trash talk"qui avait dominé l'hémicycle pendant des années à l'époque où le populisme fut en vogue. Par chance, la période 2019- 2021, marquée par des débats majeurs, a été une aubaine pour le parti de s'affirmer. Chose faite pendant les consultations relatives au Nouveau Modèle de Développement où l'Istiqlal a vivement plaidé pour le retour à l'Etat-Providence et pour l'abandon du néolibéralisme effréné des gouvernements précédents ,qui n'a fait qu'accroître les inégalités. Idem pour la réforme électorale où l'Istiqlal s'est distingué par son mémorandum signé en commun avec le PAM et le PPS. À chaque prise de parole en public, les cadres istiqlaliens ont centré leur discours sur le social, le soutien à la classe moyenne et la lutte contre les inégalités, au point d'en faire un slogan de la campagne électorale intitulée : "L'équité maintenant !". Le parti a frappé là où ça fait le plus mal puisque le social fut le parent pauvre du gouvernement précédent.
8 septembre 2021 : La résurgence électorale Sur fond d'un ras-le-bol populaire contre le PJD et sa majorité morcelée, cette stratégie s'est avérée gagnante sur le plan électoral où le parti est parvenu à retrouver sa place naturelle. Le bon score de son bras syndical, l'UGTM, arrivé deuxième aux élections professionnelles, a été annonciateur du comeback de l'Istiqlal. Quelques mois plus tard, les élections du 8 septembre ont fait du parti la troisième force politique du pays derrière le RNI et le PAM. C'est le fruit du pari sur un programme centré sur l'Etat-Providence avec une vision détaillée et adaptée pour chaque région. Le parti a également tiré profit de sa campagne électorale numérisée avec un usage intense des réseaux sociaux qui lui ont permis de toucher des millions d'utilisateurs. Score qualifié de "remontada politique", par des experts du Policy Center for the New South (PCNS) dans une étude rétrospective des élections. Le parti est passé de 44 à 81 sièges à la Chambre des Représentants, et a obtenu 17 sièges à la deuxième Chambre en plus des dix sièges de l'UGTM qui, pour la première fois, a pu constituer un groupe parlementaire. Le parti est arrivé deuxième aux élections des Conseils régionaux, dont il préside quatre. A cela s'ajoute la présidence de 270 collectivités territoriales. Au bout du compte, le parti est parvenu ainsi à effacer le lugubre souvenir de 2016 où il avait perdu la moitié de ses électeurs. Ce score honorable a ouvert la voie de la majorité. L'Istiqlal a été le premier parti à se voir convier officiellement par Aziz Akhannouch à rejoindre le gouvernement avec quatre portefeuilles ministériels, en plus de la présidence de la Chambre des Conseillers. Sur le plan interne, le parti a réorganisé ses structures, que ce soit le Comité central, le Comité exécutif ou le Conseil national qui ont retrouvé leur fonctionnement normal. Les réunions sont redevenues régulières, le débat s'est apaisé et les divergences canalisées loin des polémiques. Maintenant, l'enjeu durant le 18ème Congrès est de renouveler les instances dirigeantes et d'amender l'organisation interne. Architecture du Conseil national, renouvellement du Comité exécutif, refonte du corps de l'Inspection du parti, autant de sujets qui devraient être tranchés.
Un nouveau programme pour l'ultime victoire ! Aussi, le parti est appelé à réinventer son projet politique, une charge confiée aux multiples sous-commissions thématiques issues de la Commission préparatoire dont les rapports seront soumis aux congressistes. "Il y a évidemment des aspects fondamentaux de l'idéologie istiqlalienne à préserver", rappelle Allal Amraoui, ajoutant qu' « il est impératif de préparer des réponses plus audacieuses aux nouveaux défis auxquels fera face notre pays dans les prochaines années, à savoir le changement climatique, la justice territoriale et les défis sociaux. J'estime que le parti a le potentiel de proposer des idées novatrices ». En définitive, la stabilité organisationnelle ainsi que les succès électoraux ont redonné confiance aux Istiqlaliens qui aspirent désormais à remporter les prochaines élections. "Un objectif réaliste", juge Abdelhafid Adminou, qui estime nécessaire d'injecter du sang neuf dans les organes de décision pour y parvenir. Pour sa part, M. Amraoui pense que l'Istiqlal est en mesure de proposer un nouvel horizon politique dans la continuité des grandes réformes actuelles. Trois questions à Allal Amraoui : « Le mandat de Nizar Baraka a été synonyme de retour aux fondamentaux » * Quel bilan tirez-vous du premier mandat de Nizar Baraka à la tête de l'Istiqlal ? À mon avis, si on veut résumer le mandat du Secrétaire Général en une phrase, ce sera le retour aux fondamentaux. Les sept dernières années, le parti s'est évertué à retrouver ses idéaux et ses valeurs fondatrices en tant que parti historique indissociable de l'Histoire du Maroc. C'est incontestable. Le parti est revenu à son identité à la fois dans son discours, son programme et sa façon de faire la politique. On peut dire également que le parti a redoré son image grâce à un discours modéré et penché plus sur les préoccupations des citoyens que sur les considérations politiciennes. En tant qu'Istiqlaliens, nous pouvons être fiers de la gestion des élections qui fut une véritable réussite, à mes yeux, grâce à une campagne de communication efficace qui nous a permis de regagner la confiance des électeurs.
* Quelles sont les principales réalisations du parti avec Nizar Baraka à sa tête ? D'abord, le premier acquis est la légitimité morale, politique, historique et intellectuelle qu'a pu incarner le Secrétaire Général. C'est un acquis inestimable. Aussi, il est incontestable qu'il a contribué grandement à l'amélioration de l'image du parti par sa réputation, son discours, sa compétence et, surtout, du fait qu'il se distingue remarquablement d'une tendance populiste qui a prévalu sur la scène politique à un certain moment. En incarnant une certaine simplicité et une pondération, le Secrétaire Général a fait du parti une force de proposition qui s'est illustrée lors des débats majeurs sur le Nouveau Modèle de Développement, le programme électoral puis gouvernemental... etc. Le parti s'est également approprié la question de l'Etat social en en faisant le pilier de son programme.
* Quel bilan faites-vous de la participation de l'Istiqlal au gouvernement ? Nous sommes satisfaits par le bilan positif du gouvernement, auquel l'Istiqlal contribue grandement, sur tous les plans. Encore faut-il communiquer davantage sur le travail accompli et les réalisations de l'Exécutif. Je rappelle que les réalisations qui ont été faites correspondent au programme gouvernemental. Il y a eu des progrès notables dans la généralisation de la couverture sociale, l'aide sociale directe, la refonte du système de santé et de l'Education nationale, sans oublier le dialogue social qui a été institutionnalisé et a été fructueux après l'accord du 30 avril 2022. Il y a eu d'autres réformes majeures telles que la Charte de l'Investissement et les réformes du système judiciaire qui sont en cours. Cela signifie que l'Exécutif est en phase avec son programme. Trois questions à Abdelhafid Adminou : "Les électeurs assimilent l'image du Parti de l'Istiqlal à son leadership" * Dans quelle mesure le Parti de l'Istiqlal s'est-il transformé depuis le 17ème congrès ? Il est clair que l'arrivée de Nizar Baraka à la tête de l'Istiqlal a entraîné un changement au sein du parti qu'on peut expliquer comme un retour à ses valeurs authentiques. Ceci l'a conduit à se positionner en force sur la scène politique à la faveur des élections du 8 septembre 2021 qui l'ont mené à rejoindre la majorité et participer au gouvernement. Les portefeuilles ministériels confiés à l'Istiqlal prouvent son poids au sein de l'alliance. Il y a eu également un changement majeur au niveau du discours du parti qui a choisi de se focaliser davantage sur le social et la nécessité de rendre justice à la classe moyenne. C'est l'une des raisons de son succès électoral lors des élections législatives. Aussi, le fait que l'Istiqlal ait réussi à intégrer plusieurs points de son projet au programme gouvernemental a renforcé son poids aussi bien dans la majorité que sur la scène politique.
* A quel point l'arrivée de Nizar Baraka a-t-elle redoré l'image de l'Istiqlal? C'est un point essentiel. Maintenant, les électeurs assimilent l'image du parti à celle de son leadership qui a pu lui redonner une crédibilité. Durant ces dernières années, le parti, à travers tous ses organes, s'est investi dans ce sens, ce qui s'est avéré fructueux compte tenu de la respectabilité dont il jouit aussi bien auprès de ses alliés qu'auprès de ses adversaires politiques.
* Le parti aspire atteindre le sommet de la scène politique lors des prochaines échéances électorales. En quoi le Congrès général est si important pour atteindre un objectif aussi ambitieux ? À mon avis, il s'agit d'un objectif réaliste. Le chemin reste long, mais le Congrès général est une étape cruciale puisque c'est une occasion de remettre de l'ordre dans les structures du parti. Le Congrès est l'occasion d'injecter du sang neuf et de renouveler les cadres dans les organes de décision. Le nouveau leadership devrait refléter la diversité de la société marocaine et une meilleure représentativité des régions. Aussi, ce rendez-vous s'inscrit dans un contexte de moralisation de la vie publique dont le Secrétaire Général fait une priorité. Le parti devrait travailler beaucoup sur cet aspect pour la simple raison qu'il s'agit d'une façon de renforcer son capital de confiance auprès des électeurs. C'est l'unique chemin qui mène vers les succès électoraux.