Finie l'époque pas si lointaine où nous autres marocains ressentions une certaine fierté lorsque notre patrimoine culturel et immatériel était reproduit et imité par d'autres peuplades. Finie aussi l'époque récente où la réaction de nos autorités face à la multiplication des actes de spoliation culturelle se limitait à l'aspect préventif, via des inscriptions d'éléments de notre patrimoine auprès d'instances internationales comme l'UNESCO ou l'ICESCO. La signature, lundi 15 avril à Rabat, de deux accords de partenariat portant sur la préservation du patrimoine culturel national à travers la protection de la propriété intellectuelle, entre le ministère de la Culture d'une part, et celui de l'Industrie et du commerce et l'OMPIC d'autre part, marque l'entrée du Maroc dans une phase plus offensive. Alors que le premier accord consiste essentiellement en la sensibilisation autour de l'importance de la protection du patrimoine marocain en y associant les professionnels, les artisans et les opérateurs concernés, le deuxième est quant à lui plus incisif. Il vise en effet à financer les opérations réalisées par le Royaume dans le domaine de l'inscription, à travers l'OMPIC, du patrimoine culturel auprès des institutions internationales, en mettant en place un plan d'action pour organiser les opérations d'inscription des éléments du patrimoine marocain dans le monde. Longtemps cantonné à une compétence plutôt locale qu'internationale qui profitait d'avantage aux opérateurs étrangers plutôt que marocains, une tendance dont témoigne le déficit flagrant du nombre de demandes de brevets d'inventions déposés par les nationaux en 2023 et qui ne dépasse guère les 271 demandes contre 2531 demandes émanant d'opérateurs internationaux, l'OMPIC devient ainsi le fer de lance de la nouvelle stratégie nationale pour la préservation de notre patrimoine.
S'il importe de saluer l'implication du ministère de l'industrie et du commerce via l'OMPIC dans cette stratégie, il aurait été pertinent d'y adjoindre d'autres départements comme celui des Affaires Etrangères au vu du rôle de sentinelles qui devraient être dévolu à nos représentations diplomatiques à travers le monde dans la traque des spoliations. Il aurait été également opportun d'inclure le ministère de l'enseignement supérieur, qui devraient d'ores et déjà s'atteler au lancement de formations adéquates au profit de nos futurs juristes à même de permettre de faire l'économie de cabinets internationaux pour les éventuels futurs procès. Idem pour le ministère de la justice qui pourrait s'occuper du cadre légal et juridique, ainsi que de la signature des accords internationaux de partenariat juridique relatif à la protection du patrimoine. Idem enfin pour le ministère du travail et celui du tourisme et de l'artisanat qui devraient persévérer dans leur chantier d'amélioration des conditions de travail et d'apprentissage de nos artisans, à même de réduire le flux de migration non encadrée qui permet le transfert de nos savoirs ancestraux à des pays mal intentionnés.
Face au gigantisme du chantier qui débute, toute aide serait la bienvenue et doit s'inscrire dans un cadre global. Au front de ce combat qui s'annonce long, les acteurs professionnels devraient s'impliquer plus hardiment dans la protection de leurs créations qui sont pourtant censées être historiquement protégées par des appellations d'origine, malheureusement non contrôlées, tel que la Jellaba Bziwiya, la Belgha Ziwania, la Zerbiya Rbatia et bien d'autres. Au-delà du Zellije, du Tajine et du caftan qui subissent les assauts de nos voisins algériens, au-delà aussi de la Belgha qui vient d'être détournée par un géant de la mode comme Balenciaga, la vigilance doit également être globale et concerner tous les aspects de notre patrimoine y compris celui biologique at agricole qui a été longtemps spolié par des pays comme Israël qui nous concurrence désormais sur le marché de l'huile d'argan et des dattes Mejhoul. Cette vigilance est d'autant plus souhaitable que l'organisation de la coupe du monde en 2030 aura des impacts incalculables sur l'image de marque de notre pays et de notre patrimoine qui ne manqueront pas d'attiser d'avantages l'appétit des spoliateurs. Mais au même temps, cet événement planétaire aura également pour effet de nous mettre sous les projecteurs. Ce qui nous impose d'être irréprochables notamment en ce qui concerne l'éradication des ateliers et des lieux de vente de produits contrefaits de marques internationales. Charité bien ordonnée commence par soi-même.