Bank Al-Maghrib (BAM) pourrait relever son taux directeur (TD), lors de sa prochaine réunion prévue le 26 septembre, de 3% actuellement à 3,50% d'ici fin 2023, et à 4% fin 2024, selon Fitch Solutions. « Il s'agit d'une révision à la baisse par rapport à nos prévisions précédentes de 4,00% pour fin 2023 et de 4,50% pour fin 2024, car nous prévoyons désormais une décélération plus rapide de l'inflation au 2ème semestre 2023 en raison des mesures prises par le gouvernement pour contenir la hausse des prix intérieurs. Après que les chiffres de l'inflation de juillet nous aient surpris à la baisse, à 4,9% en glissement annuel contre nos attentes de 5,1%, nous nous attendons désormais à ce que l'inflation s'établisse en moyenne à 4,7% au 2ème semestre 2023, contre 5,1% précédemment. Néanmoins, même si BAM a maintenu son taux directeur lors de sa dernière réunion du 20 juin après l'avoir augmenté chaque trimestre de 50 points de base depuis septembre 2022 (150 points de base au total), la déclaration de juin a souligné la nécessité de prendre en compte les effets décalés du resserrement monétaire, prévoyant ainsi toujours un ton relativement belliciste », explique l'agence de notation internationale dans un récent rapport consacré à la conjoncture de l'économie marocaine. Quoiqu'il en soit, Fitch Solutions s'attend à ce que BAM augmente, lors de la prochaine réunion de son Conseil d'administration prévue le 26 septembre, le taux directeur de 50 points de base à 3,50%. Selon l'agence de notation internationale, la principale raison qui va pousser la banque centrale à relever son taux directeur pour assurer la stabilité des prix est que l'inflation demeure élevée. « Malgré une contraction mensuelle en mai et juin suite aux mesures gouvernementales visant à lutter contre la hausse des prix, nous pensons que l'inflation restera relativement stable au second semestre et qu'il est peu probable qu'elle descende en dessous de 4,0% d'ici la fin de l'année. En effet, nous nous attendons à un rebond des prix mondiaux des matières premières, en particulier des matières premières agricoles et liées à l'énergie, ce qui maintiendra l'inflation à un niveau relativement élevé dans les mois à venir malgré une décélération. L'inflation restera donc supérieure à l'objectif implicite de 2,0% de BAM et devrait inciter la banque à relever son taux directeur », commente Fitch.
Trajectoire des taux d'intérêt à long terme
Par ailleurs, lors de la réunion de décembre 2023, l'agence de notation internationale prévoit que la banque centrale maintiendra son taux directeur. « Nous pensons que le ralentissement de l'inflation incitera BAM à faire une pause en décembre afin de prendre en compte les effets décalés du resserrement monétaire. BAM restera également prudente pour ne pas exercer de pression significative sur la croissance, car la demande intérieure reste relativement modérée », explique la même source. À l'avenir, Fitch prévoit que BAM relèvera son taux directeur de 50 points de base au premier semestre 2024, pour le porter à 4,00%, et qu'il le maintiendra par la suite. C'est pour deux raisons principales. Premièrement, Fitch pense que BAM voudra réduire son différentiel de taux d'intérêt négatif avec la BCE (Banque Centrale Européenne) afin de préserver son taux de change fixe. « Le dirham marocain est indexé sur un panier de devises composé de 40% USD et 60% EUR, avec une marge de fluctuation de 5,0%. Si l'introduction d'une marge de fluctuation en 2018 et son élargissement en 2020 permettent à BAM plus de liberté dans la conduite de sa politique monétaire, un différentiel de taux d'intérêt négatif avec la BCE ferait toujours peser des risques sur la politique de change du royaume. Etant donné que l'écart de taux d'intérêt actuel entre le taux directeur de BAM et la facilité de dépôt de la BCE est de -75 points de base, ce qui représente la première fois que cet écart est négatif depuis la création de la BCE, nous nous attendons à ce que BAM décide finalement de resserrer davantage sa politique monétaire », souligne Fitch. Deuxièmement raison, Fitch s'attend à ce que l'inflation reste élevée à moyen terme, principalement à cause de la suppression progressive des subventions gouvernementales sur le gaz butane et le sucre à partir de 2024, comme indiqué dans le plan budgétaire à moyen terme du gouvernement. Ceci, combiné à une légère augmentation des prix mondiaux des matières premières et à une demande intérieure plus forte en 2024, entraînera une inflation moyenne de 4,1% en 2024. Ainsi, avec une inflation supérieure à l'objectif et à la tendance historique, et une croissance économique qui s'accélère, Fitch pense que BAM finira par augmenter son taux directeur en 2024.
Risques pour les perspectives
L'agence de notation internationale indique, néanmoins, qu'une inflation plus forte que prévu constitue un risque à la hausse pour les prévisions de taux d'intérêt. « Bien que ce ne soit pas notre point de vue principal, dans le cas où l'inflation s'avérerait plus résistante que nos prévisions actuelles, BAM pourrait augmenter le taux final au-delà de notre prévision actuelle de 4,00%. Une inflation plus forte pourrait être due à une augmentation plus significative des prix mondiaux des matières premières ou à une contraction de la production agricole, qui sont devenues plus fréquentes dans le Royaume récemment en raison de conditions météorologiques défavorables », explique la même source. À l'inverse, poursuit Fitch, les inquiétudes concernant l'activité économique au Maroc ou le revirement de la décision du gouvernement de supprimer progressivement les subventions pourraient inciter BAM à maintenir son taux directeur pour le reste de l'année 2023. « Alors que la croissance s'est accélérée au 1er trimestre 2023 en raison de la forte croissance des exportations, la consommation privée et l'investissement ont été faibles, la première augmentant de seulement 0,1% en glissement annuel, tandis que le second se contractait de 2,6% en glissement annuel. Si ces performances modérées persistent au second semestre, cela pourrait pousser BAM à être plus prudente dans son cycle de resserrement, et éventuellement à tolérer une inflation légèrement plus élevée à moyen terme afin de soutenir l'activité économique, s'abstenant ainsi de relever davantage les taux d'intérêt. De même, l'inflation pourrait être inférieure à nos attentes actuelles si le gouvernement choisissait de ne pas poursuivre la suppression progressive des subventions sur le gaz butane et le sucre. Cela inciterait BAM à s'abstenir de toute nouvelle augmentation des taux d'intérêt », conclut Fitch.
A.CHANNAJE Le marché des changes sous la loupe d'AGR La paire USD/MAD a évolué de 1,24% passant de 9,99 à 10,11 durant la période allant du 21 au 25 août, selon Attijari Global Research (AGR). Le dollar américain s'apprécie ainsi pour la 4ème semaine consécutive pour repasser au-dessus des 10 DH pour la première fois depuis le mois de juin, indique AGR dans sa récente note « Weekly Mad Insights – Currencies ». À l'origine, un double effet positif, soit un effet panier de +0,32% en lien avec la hausse du dollar et un effet liquidité important de +0,92%. AGR fait également savoir que les spreads de liquidité du dirham poursuivent leur resserrement passant de 0,73% à 1,66% cette semaine, alors que les flux exports, qui étaient soutenus par les transferts des Marocains résidant à l'étranger (MRE), deviennent moins importants à l'approche de la rentrée et de la fin de la période estivale. AGR anticipe une hausse de la volatilité sur l'USD/MAD. « Nous relevons des tensions de plus en plus visibles sur la liquidité du MAD. Une situation qui pourrait accentuer sa volatilité de la paire USD/MAD lors des semaines à venir », ajoute-t-elle.