Taux directeur et Inflation Bank Al-Maghrib (BAM) décidera-t-elle l'augmentation de son taux directeur? C'est la question qui agite actuellement les opérateurs économiques et les investisseurs internationaux en prévision de la prochaine réunion du Conseil de BAM, prévue le 27 septembre courant. Pourtant, c'est la mesure audacieuse engagée par les Banques centrales européenne (BCE) et américaine (FED) de relever leurs taux d'intérêt pour contrer le choc inflationniste mondial culminant autour de 9%, qui éloigne les perspectives d'une reprise économique en 2022 et compromet, à moindre mesure, celle de l'année suivante. Pour protéger leurs économies paralysées par les effets de la crise sanitaire, les banques centrales à travers le monde ont procédé, dès 2020, à la baisse de leurs taux directeurs, notamment la BCE qui l'a maintenu à 0% et la FED qui a déprécié son taux de 1,75% à 0,25%, afin de soutenir l'activité économique en stimulant le crédit, l'investissement et la consommation. Accommodante et proactive, la politique monétaire initiée dès lors par BAM a permis d'absorber les répercussions de la pandémie et de maîtriser la dynamique récessionniste en réduisant progressivement le taux directeur de 25 pbs à 2 % puis au taux actuel de 1,5 % en juin 2020. Ce taux, qui demeure le plus bas historiquement, constitue une composante importante de la politique « d'aisance monétaire » adoptée par BAM suite à l'arrêt brutal de l'activité économique causé par la pandémie. L'objectif étant pour l'Autorité monétaire de soutenir l'accès au crédit des entreprises et des ménages. En 2021, l'amélioration du contexte sanitaire dans le monde a été caractérisée par un effet de rattrapage engendrant un rebond de croissance estimé à 6%, après une sévère récession de l'ordre de -4,5%. Ce stimulus économique provoque alors une flambée des prix des matières premières dont les cours ne seraient plus sous la menace potentielle d'une cessation d'activité. Une dynamique vigoureuse enrayée, au 1er trimestre 2022, par l'enlisement du conflit russo-ukrainien qui entraîne des perturbations des chaînes d'approvisionnement et une raréfaction des matières premières à l'origine de plusieurs déséquilibres macroéconomiques, dont, notamment, l'inflation qui atteint des taux inédits aux alentours de 5,5% au Maroc et dans le monde. Maîtrisée dans un premier temps par le maintien du taux directeur à 1,5% par BAM pour préserver le pouvoir d'achat des citoyens et créer les conditions optimales de la croissance économique, cette inflation importée résulte principalement d'une demande accrue contre une offre limitée par des difficultés globales d'approvisionnement. De l'avis du spécialiste en finance, Zakaria Garti, l'inflation mondiale n'émane pas uniquement du contexte géopolitique international et aux effets de reprise, elle tient également, pour une part, à la politique des taux bas ou quasi-nuls par conjoncture, pratiquée par la BCE et la FED depuis plusieurs années, soit une injection massive de liquidité qui s'est accentuée pendant la crise sanitaire par des mesures monétaires destinées à soutenir les économies. Et de préciser dans une déclaration à la MAP que le resserrement monétaire opéré récemment par la FED, qui relève pour la première fois depuis les années 90 son taux d'intérêt à 2,25%, vise à pallier la surchauffe de l'activité économique causée par le grand volume de liquidité en circulation aux Etats-Unis, contrairement aux pays européens dont l'inflation résulte du renchérissement des prix des matières premières, notamment les produits énergétiques. Sur le plan national, M. Garti explique que BAM adopte, depuis le déclenchement de la pandémie, l'attitude du « wait and see » pour plusieurs raisons, dont l'exogénéité de l'inflation qui n'est pas propre à l'économie nationale, et le fait que ne soit pas là une destination privilégiée de la « hot money », capitaux qui se déplacent régulièrement entre différents pays à la recherche des taux d'intérêt les plus compétitifs. Ces deux facteurs, selon le spécialiste, n'engagent pas BAM à anticiper « aussi rapidement » l'ajustement de son taux directeur dans l'hypothèse de maintenir les capitaux étrangers dans le circuit de l'économie nationale, d'autant plus que la stratégie conciliante de la Banque centrale se défend des décisions pouvant potentiellement produire un « effet de panique » contraire à la dynamique économique. Par sa conduite précautionneuse, BAM examine l'évolution de la hausse des taux dans le monde qui commence à ralentir l'inflation mondiale et stabiliser les prix de l'énergie ce qui pourrait écarter l'éventualité pour l'Autorité monétaire de recourir au processus de revalorisation de son taux directeur, a estimé M. Garti, notant que la Banque centrale procèdera, le cas échéant, à une hausse inférieure à celle observée en Europe et aux Etats-Unis, soit 50 pbs répartis entre septembre et décembre tel qu'envisagé par l'agence de notation américaine Fitch Ratings. À la fois stimulant de l'activité et frein à l'inflation, le taux de la Banque centrale est appelé à jouer un rôle majeur dans la relance économique, en dépit de la récente correction des prévisions de croissance à 1,5% pour l'année 2022 contre 3,2% prévus initialement par la Loi de Finances 2022. La prochaine réunion de BAM révélera ainsi les contours de la nouvelle politique monétaire susceptible de sécuriser le rebond de croissance de 4,5% attendu en 2023.