Au dernier jour du sommet Russie-Afrique à Saint-Pétersbourg, Vladimir Poutine a déclaré que Moscou et les 49 pays représentés s'engageaient, dans le cadre du multilatéralisme qu'ils promeuvent, à lutter contre le «néocolonialisme». Le rideau est tombé sur le deuxième sommet Russie-Afrique, tenu les 27 et 28 juillet à Saint-Pétersbourg. Lors d'une intervention le second jour, aux côtés du président de l'Union Africaine (UA) et des Comores Azali Assoumani, Vladimir Poutine a annoncé que la Russie et l'ensemble des pays africains qui étaient représentés lors de ce sommet s'engageaient à bâtir un monde «juste, démocratique et multipolaire». «Nous avons noté également notre volonté de lutter contre le néocolonialisme, les sanctions illégitimes ainsi que les tentatives de saper les valeurs traditionnelles», a également déclaré le président russe. La déclaration adoptée à l'issue de ce sommet prévoit notamment, en plus d'une coopération accrue dans les domaines de l'approvisionnement alimentaire, l'énergie et l'aide au développement, que Moscou aidera les pays africains à «obtenir réparation pour les dégâts économiques et humanitaires causés par les politiques coloniales» occidentales, y compris «la restitution des biens culturels» pillés. Le sommet s'est terminé donc sur une note plus chaleureuse qu'il n'avait commencé. Le président comorien, également président de l'UA, a félicité avec enthousiasme le président russe pour «la très bonne réussite» de ce sommet «pour Vladimir Poutine, et pour nous les Africains», a-t-il insisté. Mais si espoir il y a, pour un essor concret de la coopération russe et pour une meilleure représentation dans les instances multilatérales, la prudence est toutefois de mise surtout concernant la question des céréales. Le président comorien a répété à qui veut l'entendre, que les dons russes ne suffisaient pas, qu'il fallait un cessez-le-feu avec l'Ukraine et que les Etats africains qui souffrent de cette guerre étaient prêts à se poser en «médiateurs». La veille, le président congolais Denis Sassou-Nguesso avait également souligné que «lorsque deux éléphants se battaient, c'était l'herbe qui était écrasée». Ces deux dirigeants n'étaient pas sur la photo de famille avec Vladimir Poutine, pas plus que les présidents bissau-guinéen et sénégalais, Umaro Sissoco Embalo et Macky Sall.
Entre la mendicité et la quête d'un partenariat
Ibrahim Traoré, le président de la transition au Burkina Faso, a de son côté, décidé de «laver son linge sale en famille» lors d'une table ronde réunissant tous les partenaires présents à ce sommet. Traoré, profitant de l'occasion de se retrouver pour la première fois devant une telle assemblée, s'est adressé frontalement à la vingtaine de chefs d'Etat et de gouvernement réunis autour de Vladimir Poutine . S'excusant d'abord auprès des anciens que ses propos pourraient vexer, il affirme chercher à comprendre comment, avec tant de richesses, l'Afrique est aujourd'hui le continent le plus pauvre, s'interrogeant aussi pourquoi les chefs d'Etat africains, traversent le monde à mendier ? «Il faut que nous, chefs d'Etat africains, arrêtions de nous comporter en marionnettes qui dansent à chaque fois que les impérialistes tirent sur les ficelles», s'est-il insurgé. Une telle diatribe que le président sénégalais n'a pas laissé passer. Macky Sall a répondu au capitaine Traoré, dès le début de son intervention : «Pour répondre à notre jeune frère, notre cadet : les chefs d'Etat ne sont pas venus ici pour mendier. Nous n'allons pas ailleurs pour tendre la main. Nous travaillons pour un partenariat d'égale dignité entre les peuples. C'est le même discours qu'on tient à Dakar, ici à Saint-Pétersbourg, ou à Washington. Et ce combat transcende les générations». Macky Sall croit que la coopération russo-africaine a du potentiel, s'en prenant lui aussi à l'impérialisme et au néocolonialisme. «L'Afrique a besoin d'infrastructures de développement [...], de chemin de fer [...] d'électricité, de barrages, elle a besoin de la sécurité collective», a plaidé cet ancien président de l'UA. Dans sa volonté d'aider les pays africains, Moscou entend également leur permettre d'acquérir plus de poids sur la scène internationale, plaidant pour une réforme du Conseil de sécurité de l'ONU en leur faveur et une intégration de l'Union Africaine au sein du G20.
Ali B. L'Afrique "victime collatérale des sanctions sur le système SWIFT" Les sanctions financières contre la Russie ont des effets jusqu'en Afrique, qui a, par exemple, du mal à acheter ses engrais, explique à Sputnik la militante panafricaine Nathalie Yamb. La mise au ban du système SWIFT des banques russes complique notamment les achats africains à la Russie. S'approvisionner en engrais relève désormais du parcours du combattant, puisqu'il faut passer par des intermédiaires étrangers. Certains pays africains sont par ailleurs poings et pieds liés par leur utilisation du franc CFA, rattaché à l'euro, souligne la militante. D'où l'urgence pour les économies émergentes "d'inventer une architecture financière" alternative, afin de ne plus subir le contrecoup de ce genre de mesures occidentales. Les logiques de sanctions s'appliquent aussi très directement à l'Afrique, à travers le principe d'extraterritorialité du dollar, rappelle aussi Nathalie Yamb. Les Etats-Unis se servent en effet du privilège attaché au billet vert pour intervenir dans les affaires africaines. Ce qui rend nécessaire une vraie dédollarisation, via par exemple un retour à l'étalon-or, explique la militante. Pour ce faire, les Etats africains seraient bien inspirés de raffiner et de stocker leur or, plutôt que de le vendre, ajoute Nathalie Yamb, qui se dit persuadée que ce processus de dédollarisation va gagner en importance.