A l'occasion de la Journée mondiale contre le travail des enfants, lundi 12 juin, le Haut-Commissariat au Plan (HCP) a publié une note mettant en évidence la réalité de ce phénomène socio-professionnel, qui est vécu davantage comme une contrainte due aux facteurs de précarité sociale et familiale. Selon le Haut-Commissariat au Plan, en 2022, on recensait au Maroc 127.000 enfants âgés de 7 à 17 ans engagés dans une activité économique, soit 1,6% de cette tranche d'âge qui compte 7.690.000 enfants. Parmi eux, 104.000 se trouvaient en milieu rural, représentant ainsi 3,3% de cette population, tandis que 23.000 s'activaient en milieu urbain, soit 0,5% de cette catégorie. Le phénomène du travail des enfants prédomine chez les garçons par rapport aux filles, et il est fréquemment lié à la déscolarisation. En effet, parmi les enfants impliqués dans des activités économiques, on observe que 81,5% sont de sexe masculin. De plus, 91% d'entre eux ont entre 15 et 17 ans, et une grande majorité, soit 82%, réside en milieu rural. Quant à leur situation scolaire, 12,2% sont encore inscrits à l'école, 85,3% ont abandonné leurs études et 2,5% n'ont jamais fréquenté l'école. La présence des enfants au travail montre cependant une tendance à la baisse régulière. En comparaison avec l'année 2021, le nombre de ces enfants a diminué de 14%. De plus, par rapport à 2017, cette diminution est encore plus marquée, atteignant 48,6%. Le travail des enfants demeure prédominant dans le secteur de l'agriculture, avec une concentration significative dans les zones rurales. En effet, 76,5% des enfants travaillant en milieu rural sont employés dans le secteur de l'"agriculture, forêt et pêche". Dans les zones urbaines, les enfants sont principalement employés dans les "services", représentant 56,3% des travailleurs enfants, suivis par l'"industrie" avec 24,7%. Dans les zones rurales, près de trois quarts des enfants au travail (71,6%) occupent des postes d'aides familiales, apportant leur soutien au sein de leur propre famille. En revanche, en milieu urbain, la situation diffère légèrement, avec 49,2% des enfants au travail occupant des postes de salariés, 30,6% étant des apprentis et 16% agissant en tant qu'aides à la famille.
Multiplication de risques
Constat inquiétant : six enfants au travail sur dix (soit 60,5% des cas) se trouvent exposés à des conditions de travail dangereuses, soit 77.000 enfants au total. Cette réalité préoccupante équivaut à 1% de l'ensemble des enfants appartenant à cette tranche d'âge. Parmi ces enfants exerçant des activités professionnelles à risque, une majorité (75,2%) provient des milieux ruraux, tandis que 89,6% sont des garçons et 86,3% ont entre 15 et 17 ans. Pis encore, près de 88,6% des enfants travaillant dans le secteur de l'industrie sont confrontés à des dangers potentiels liés à leur travail. Cette proportion élevée a de quoi inquiéter, au regard des risques auxquels ces enfants sont exposés au quotidien. De même, les secteurs de la construction et des services ne comportent pas moins de risques, avec respectivement 87% et 77,4% des enfants concernés par des travaux dangereux. Même dans le secteur de l'agriculture, qui peut sembler moins dangereux, près de la moitié des enfants (48,4%) effectuent des tâches présentant des risques pour leur sécurité et leur santé, souligne le rapport.
Disparités géographiques
Le phénomène du travail des enfants touche 89.000 ménages au Maroc, soit environ 1 % de l'ensemble des ménages du pays. Cette problématique est principalement présente dans les zones rurales, où l'on recense 69.000 ménages concernés, tandis que les villes comptent 21.000 ménages touchés. Une donnée intéressante mérite d'être relevée, à savoir que près de 8,3 % de ces foyers sont dirigés par des femmes. Selon les indications du HCP, il s'avère que ce sont principalement les ménages de grande taille qui sont les plus touchés par le phénomène du travail des enfants. En effet, la proportion de ménages ayant au moins un enfant travaillant est plus faible pour les ménages de petite taille et augmente progressivement avec la taille du ménage. Les statistiques révèlent qu'environ 0,4 % des ménages composés de trois personnes ont au moins un enfant au travail. Cependant, cette proportion augmente progressivement à mesure que la taille du ménage s'accroît. Parmi les ménages comptant six personnes ou plus, la proportion atteint 3,2 %. En effet, les caractéristiques socio-professionnelles du ménage, et en particulier celles du chef de famille, jouent un rôle important dans la prévalence du travail des enfants. Les statistiques montrent clairement une corrélation entre le niveau d'instruction du chef de ménage et le phénomène du travail des enfants. Selon le HCP, la proportion de ménages ayant au moins un enfant au travail est significativement plus élevée, soit 1,5 %, parmi les ménages dont le chef de famille n'a aucun niveau d'instruction. En revanche, cette proportion devient insignifiante parmi les ménages dont le chef de famille possède un niveau d'instruction supérieur.
La nature du travail du parent, facteur influent
Il est intéressant de noter que les caractéristiques professionnelles du chef de ménage ont également un impact significatif sur le phénomène du travail des enfants. Les statistiques révèlent que les enfants au travail sont répartis de manière variable selon le secteur d'activité du chef de famille. Parmi les enfants au travail, on constate que 48,4 % proviennent de ménages dirigés par des exploitants agricoles. Ce secteur semble être particulièrement touché par le travail des enfants, ce qui peut s'expliquer par les conditions économiques précaires et les pratiques traditionnelles dans l'agriculture. Environ 17,1 % des enfants au travail sont issus de ménages dirigés par des manœuvres, tandis que 20,7 % proviennent de ménages dirigés par des cadres moyens, des employés, des commerçants, des conducteurs d'installations ou des artisans. Cette répartition met en évidence que le phénomène du travail des enfants n'est pas spécifique à un secteur d'activité, mais touche également un éventail de professions variées. D'autre part, 13,4 % des enfants au travail proviennent de ménages dirigés par des inactifs, ce qui dénote l'importance des facteurs de précarisation liés à des situations de chômage ou à l'absence de revenus réguliers au sein de ces foyers.