On connaît peu de choses sur l'Azerbaïdjan, sinon qu'il est un pays immensément riche en hydrocarbures, et un acteur qui compte dans le Caucase, surtout après sa victoire retentissante au Haut Karabagh. Bakou se déclare comme un allié du Maroc, dont il soutient l'intégrité territoriale. Son ambassadeur, Nazim Samadov, nous en parle. Interview. -Au Maroc, on ne connaît que peu l'Azerbaïdjan, pourtant, les relations sont amicales entre les deux pays. A quel point sont-elles profondes ? - Le leader historique de l'Azerbaïdjan, Heydar Aliyev, est la personne qui a jeté les fondements des relations entre nos deux pays en effectuant une visite en 1994 à Casablanca pour participer au Sommet de l'Organisation de la Coopération Islamique (OCI). Pendant sa visite, il a rencontré feu Sa Majesté le Roi Hassan II, et c'est à ce moment-là que les deux grands hommes ont défini les contours d'une coopération bilatérale, basée sur le soutien réciproque. Leur stratégie se développe par l'engagement de leurs fils : le Président de la République d'Azerbaïdjan SE M. Ilham Aliyev et Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Personnellement, je puis vous dire que les relations sont fondées sur des bases solides. - Que pensez-vous de l'état actuel des relations bilatérales, sachant que le niveau de lacoopération demeure très faible actuellement ? - On peut dire que la pandémie a eu son effet sur le développement des relations bilatérales car, pendant cette période-là, il y avait moins d'échanges au niveau gouvernemental et personnel. Maintenant, de janvier à avril 2023, on a constaté une croissance remarquable des arrivées touristiques du Maroc vers l'Azerbaïdjan. Elles ont augmenté de 56%. Les chiffres d'affaires ont aussi considérablement augmenté en 2022. A partir de la date de mon arrivée au Maroc, cinq visites au niveau de dirigeants ont été effectuées entre l'Azerbaïdjan et le Maroc, 4 visites au niveau ministériel, une visite au niveau parlementaire, une visite au niveau judiciaire et 2 visites pour participer à des compétitions sportives. On discute aussi de deux autres visites au niveau parlementaire dans les deux pays. Cela montre l'intérêt que portent les deux pays pour renforcer la coopération bilatérale et la pousser à un niveau supérieur. En réalisant la stratégie décrite ci-dessus, je pense qu'on pourra renforcer les relations bilatérales et passer ainsi à la vitesse supérieure. - Concernant la question du Sahara, à ce que l'on sache, vous adoptez une position favorable au Maroc, pouvez-vous nous détailler la position de l'Azerbaïdjan ? - Notre position de principe est le soutien de la souveraineté et de l'intégrité territoriale du Royaume du Maroc, ainsi que des efforts des Nations Unies et de l'Envoyé spécial du Secrétaire Général pour parvenir à une solution durable et équitable à la question du Sahara, sur la base des Résolutions de l'Organisation des Nations Unies et celles du Conseil de Sécurité, y compris la Résolution 2654, en particulier lorsqu'elle fait référence au plan d'autonomie proposé par le Maroc. Je souligne que les efforts marocains sont sérieux et crédibles pour faire avancer le processus vers une solution définitive. L'Azerbaïdjan espère que le sujet de Sahara sera résolu un jour pour la prospérité et le bonheur des populations de la région. - Vous êtes porteur de l'ambition de hisser les relations entre l'Azerbaïdjan et le Maroc à un niveau supérieur, quelles sont vos priorités et quelle est votre stratégie ? - Effectivement, mon rôle est de développer les relations bilatérales au plus haut niveau. Les deux pays, l'Azerbaïdjan et le Maroc, ont beaucoup de choses en commun. Ils partagent des valeurs et des traditions communes, la même religion, une culture riche et un leadership fort. Avec une situation géopolitique compliquée, les deux pays ont le même souci de préserver leur intégrité territoriale, sachant que l'Azerbaïdjan a aussi un problème de séparatisme au Haut Karabagh. De mon point de vue, la stratégie de coopération sera focalisée sur le renforcement du partenariat, surtout dans les domaines économique et humanitaire. Il est également important de créer des conditions favorables aux entrepreneurs des deux pays pour renforcer le commerce. En parallèle, il faut faciliter les échanges entre les peuples des deux pays en éliminant les barrières et en créant les conditions nécessaires. Comme vous savez, toute relation réussie doit être basée sur une bonne connaissance mutuelle. C'est pour cela qu'il faut que les deux pays apprennent à mieux se connaître à travers les sociétés civiles. A cet égard, je trouve qu'il est important de donner plus d'informations au public marocain sur les réalités politiques, économiques et culturelles de l'Azerbaïdjan et vice-versa. Je pense que les efforts dans toutes ces directions en même temps pourront donner des résultats efficaces. -Quels sont les secteurs d'intérêt commun où les deux pays peuvent approfondir leur coopération ? - Ici, on peut parler de la coopération dans le secteur énergétique : nous avons des hydrocarbures, vous avez une bonne expérience du développement des énergies renouvelables. L'Azerbaïdjan pourrait participer à des projets énergétiques dans la région. Le tourisme est un sujet où on peut coopérer. En éliminant les barrières et en établissant un vol direct, on pourrait considérablement augmenter les échanges entre les peuples. Les investissements mutuels et la participation aux appels d'offres dans les deux pays sont aussi des pistes importantes de coopération. L'Azerbaïdjan invite le Maroc à investir dans les territoires d'Azerbaïdjan récemment libérés de l'occupation ; ici, il y a un grand potentiel pour la coopération. - Y aura-t-il des visites de responsables de haut niveau au Maroc ? - Au niveau des ministres, comme je l'ai déjà mentionné, il y avait plusieurs visites les derniers 6 mois. Cette tendance va continuer. On attend une visite du ministre des Affaires étrangères d'Azerbaïdjan, en tant que co-président de la Commission Intergouvernementale entre l'Azerbaïdjan et le Maroc, pour participer à la 2ème session de la Commission. Le Président du Comité de Travail, avec les Communautés Religieuses, effectuera une visite en fin d'année. Ces visites sont importantes pour signer les accords, comprendre mieux le système du partenaire et connaître ses vis-à-vis. Encadré Le 10 mai : un anniversaire particulier Cette année, l'Azerbaïdjan célèbre un anniversaire particulier. Le 10 mai correspond au 100ème anniversaire de la naissance du leader national du peuple azerbaïdjanais, fondateur de l'Etat azerbaïdjanais indépendant, Heydar Aliyev, qui a été le premier leader azerbaïdjanais à visiter le Maroc. Selon M. Samadov, il s'agit d'une personnalité puissante, grâce à laquelle le peuple d'Azerbaïdjan a surmonté avec succès des épreuves historiques et politiques difficiles et a obtenu son indépendance. « Le peuple azerbaïdjanais est entré dans un nouveau siècle et un nouveau millénaire précisément à la lumière de l'intellect de Heydar Aliyev », explique notre interlocuteur, ajoutant que « l'Azerbaïdjan moderne, qui avance avec confiance sur la voie du progrès constant, est le triomphe du credo de la vie de Heydar Aliyev ». Pour rappel, l'Azerbaïdjan a restauré l'indépendance de l'Etat dans les années 90 du siècle dernier. Nazim Samadov explique que son pays « était menacé d'être rayé de la carte politique du monde et de perdre son statut d'Etat en raison de l'agression arménienne, des pressions extérieures et des conflits internes ». « Répondant à la demande urgente du peuple et revenant au pouvoir à un moment difficile où se décidait notre sort, Heydar Aliyev a sorti notre pays de l'emprise de la désunion sociopolitique et de l'anarchie, a surmonté le déclin profond observé dans tous les domaines, et tracé la voie du développement durable de l'Etat, qu'il a reconstruit et protégé des attaques de toutes sortes », conclut l'ambassadeur.