Inconnu du grand public, Nicolas Oufkir a annoncé sa candidature aux élections législatives partielles à la 9ème circonscription des Français de l'étranger. Franco-Marocain, il porte un projet dit « social » et, en matière de diplomate, il reste convaincu que le salut entre Rabat et Paris passe par la reconnaissance de la marocanité du Sahara. Interview. Concernant les services consulaires, beaucoup de gens s'en plaignent. S'agit-il d'une priorité pour vous ?
- Evidemment, il est absolument vital de les améliorer. Il n'y a pas meilleur moyen que d'augmenter le budget pour renforcer les ressources humaines et assurer ainsi un accueil digne aux usagers.
Pensez-vous que la reprise de la coopération consulaire suffit pour faire oublier le souvenir des restrictions ?
- C'est désolant en vérité. Je pense que la responsabilité de cette décision incombe seulement au gouvernement d'Emmanuel Macron qui en porte la responsabilité. Cela a été perçu comme une sanction à l'encontre des Marocains, dont plusieurs ont manqué des évènements familiaux, des congrès et des rendez-vous cruciaux à cause de ces restrictions. On ne peut pas prétendre punir, pour reprendre l'expression de Jean Castex, un pays ami sous prétexte du non-retour des migrants illégaux. Il est évident que le Maroc et la France ont des liens historiques qu'il ne convient pas de sacrifier inutilement. La droite française mesure très bien la profondeur de l'amitié franco-marocaine. Raison pour laquelle elle a été très critique vis-à-vis du président. Aujourd'hui, la politique étrangère de Macron à l'égard du Maroc n'est plus tenable. Il faut aller de l'avant et améliorer les services le maximum possible.
Pensez-vous que la crise actuelle entre le Maroc et la France est soluble à court terme ?
- On ne peut pas prétendre avoir de bonnes relations avec le Maroc et conduire une politique aussi ambiguë à son égard. Il faut de la clarté. Je pense que le problème c'est Macron et sa politique. La réplique de la source marocaine à Jeune Afrique a été claire à ce sujet. Pour ce qui me concerne, en tant que Franco-Marocain, je suis bien placé pour savoir ce qu'attendent les Marocains de la France et les Français du Maroc. Pour régler la crise actuelle, il y a deux moyens : la pression et la pédagogie. Au cas où je serai élu, je joindrai mes efforts aux députés ayant la même préoccupation afin de faire pression sur le gouvernement et le pousser à voir les choses différemment. Aussi faut-il expliquer qu'il vaut mieux capitaliser sur le potentiel actuel entre les deux pays. La France, je rappelle, est un grand pourvoyeur d'IDE au Maroc. C'est plus d'investissements et de partenariat qu'il nous faut actuellement.
Et la question du Sahara, pensez-vous qu'il est temps que Paris prenne une position plus audacieuse et en reconnaître la marocanité ?
- Oui. Je le pense profondément pour la simple raison que le Sahara a été historiquement marocain. Il ne faut pas se raconter d'histoires. La France a, certes, soutenu l'initiative d'autonomie que propose le Maroc. Mais maintenant, on ne sait plus où se situe le gouvernement de Macron qui met plus d'énergie à faire plaisir à l'Algérie dans sa démarche de rapprochement. Il est temps de clarifier les choses. La France peut reconnaître la marocanité du Sahara en appuyant le plan d'autonomie sans réserve.
Vous vous présentez pour la première fois. Comment comptez-vous convaincre les électeurs ?
- En fait, je me présente en tant que Français qui connaît les soucis de mes concitoyens expatriés. Je porte ma candidature avec trois priorités. D'abord la scolarisation. Il m'est inconcevable que la scolarité soit gratuite en France alors qu'elle est payante dans les établissements français au Maroc. C'est une différence de traitement. Du coup, je milite pour une scolarité gratuite en faveur des enfants de nationalité française dans les établissements en gestion directe. Je plaide également pour l'assurance maladie obligatoire, dont beaucoup de Français expatriés sont privés. Quand on est un quelqu'un, non fonctionnaire installé au Maroc, par exemple, on doit cotiser à la Caisse des Français de l'Etranger (CFE) et ça coûte très cher. Beaucoup de nos concitoyens ne peuvent se le permettre tandis que nos compatriotes de la métropole bénéficient gratuitement de la protection universelle maladie (PUMA ). Je ne comprends pas ce décalage. Je propose, donc, un régime universel de couverture base, applicable à tout le monde sans exception. Ceci vaut aussi pour les retraites, dont les personnes non-fonctionnaires ne bénéficient pas et se trouvent obligées de cotiser pour eux-mêmes. Il faut payer 35% du revenu mensuel alors que le taux de cotisation est beaucoup plus faible pour les Français de l'Hexagone. Donc, si je suis élu, j'appellerai le gouvernement à allouer un budget spécifique pour financer un système de retraite pour les Français expatriés afin de diminuer de 25% le taux de cotisation comme on le fait pour les catégories aidées. Je plaide également pour le droit au compte bancaire. Comme vous le savez, dès qu'un Français quitte la France, il se voit dépourvu de compte bancaire et, du coup, il lui est difficile de faire des transferts et investir ou épargner en France. Ce qu'on propose, c'est d'établir un partenariat avec la banque postale pour permettre l'ouverture des comptes et la dématérialisation des procédures pour les Français de l'étranger. Aussi, on recommande la possibilité de crédits immobiliers pour des investissements en France. Par ailleurs, il y a le souci du retour des expatriés dont personne ne parle. Force est de constater que le retour est tellement difficile pour les familles qui peinent à scolariser leurs enfants, trouver un logement, s'inscrire à pôle-emploi... Pour faciliter les choses, on préconise un guichet unique relatif à toutes les démarches de rapatriement de quelques types que ce soit.
Comment comptez-vous faire face à la concurrence qui s'annonce acharnée compte tenu de vos adversaires ?
-On me pose souvent cette question depuis que j'ai annoncé ma candidature. Ma stratégie est simple. Elle consiste à s'adresser aux abstentionnistes qui n'ont pas encore dit leur dernier mot. Je rappelle qu'à peine 40% des inscrits dans les listes électorales de la 9ème circonscription ont voté. L'abstention risque d'être plus grande dans les partielles. C'est pour cette raison que je me mobilise. L'ex-député a été élu avec 10.000 voix seulement. Donc, il y a de la marge puisqu'il y a 120.000 électeurs à convaincre. Nous comptons, moi et mon équipe, faire du porte-à-porte en commençant par Rabat et les environs. Selon les statistiques du ministère des Affaires étrangères, il y a 17.000 électeurs, un électorat important pour nous. Nous avons également des équipes actives à Casablanca. En plus, nous allons faire une tournée dans le Royaume. Pour convaincre les gens, il faut des promesses de proximité. J'ai déjà fait savoir que j'ouvrirai un bureau permanent au Maroc aussitôt élu. Il est important que le député lui-même reste toujours joignable et ne pas laisser les affaires à sa remplaçante. En ce qui concerne la concurrence, nous avons, d'un côté, Mme Taverse, la candidate du parti présidentiel, qui avait soutenu, en 2017, la sénatrice Leila Aïchi, une pro-polisario. Il y a un candidat qui a eu des ennuis judiciaires et un autre dont l'élection a été invalidée lors du dernier scrutin. Je me présente comme alternative.
Propos recueillis par Anass MACHLOUKH
Un Franco-Marocain qui vise l'Assemblée nationale Né au Maroc en 1985, Nicolas Oufkir a passé une bonne partie de sa vie entre le Maroc, la France et le Canada. Il est d'ailleurs trinational : Français, Canadien et Marocain. Il obtient d'abord un Bachelor en informatique avant de s'orienter vers des études supérieures en sciences politiques, d'abord à l'Université de Sherbrooke au Canada puis à Sciences Po Bordeaux. Il se lance dans la recherche scientifique et publie un ouvrage sur le terrorisme international en 2016 puis co-publie un second ouvrage sur le terrorisme en Afrique en 2019. Il est actuellement installé au Maroc où il s'investit en tant qu'entrepreneur et professeur de sciences économiques et sociales. Son expérience dans le secteur privé, combinée à son expertise académique, lui a permis de développer une vision solide et pragmatique du monde qui l'entoure. Il est père de deux enfants et parle couramment le français, l'anglais et l'arabe. Le 17 octobre 2015, avec le soutien de plusieurs partisans, il co-fonde avec des militants le parti Le Pouvoir Citoyen, un mouvement politique situé au centre de l'échiquier politique français, et il en devient le président.