La transition vers la norme Euro 6B ne concernera finalement que les véhicules légers. Les véhicules lourds qui sont pourtant les plus polluants ne seront obligés de se conformer que dans deux ans. Chaque année au Maroc, la pollution atmosphérique tue plus de Marocains que le Coronavirus durant la phase la plus meurtrière de la crise sanitaire. Une donnée qui devrait logiquement interpeller les autorités concernées. Si en trois ans, le virus a tué plus de 16.000 personnes dans notre pays, un rapport de la Banque Mondiale sur le coût de la dégradation de l'environnement indiquait en 2017 déjà que la pollution de l'air extérieur au Maroc était à l'origine de 8.750 décès, dont pratiquement la moitié à Casablanca. Un coût humain qui s'est aggravé depuis, surtout que les facteurs de la pollution atmosphérique ont également augmenté avec le développement industriel et, surtout, avec l'élargissement continu du parc automobile et routier du Royaume. Si le rapport de la Banque Mondiale attribue plusieurs milliers de morts en 2017 à la pollution atmosphérique, le nombre des personnes qui souffrent à des degrés différents de pathologies causées directement par la mauvaise qualité de l'air devrait certainement se chiffrer en millions. Nouveau cadre réglementaire
Une situation catastrophique contre laquelle les autorités concernées ont essayé de remédier, en mettant en place notamment un nouveau cadre réglementaire qui devait dès l'année 2023 proscrire «les véhicules polluants». Annoncée depuis plusieurs mois déjà, cette mesure «s'inscrit dans le cadre des efforts du Royaume pour protéger l'environnement, et ce, en application de l'article 24 du décret n° 2.10.421 du 29 septembre 2021», qui stipule entre autres que «les véhicules à moteur ne doivent pas émettre de fumées, de gaz toxiques, corrosifs ou odorants, dans des conditions susceptibles d'incommoder la population, de compromettre la santé et la sécurité publiques ou de porter préjudice à l'environnement». Concrètement, depuis quelques jours, les véhicules du type Euro 4 ne seront plus acceptés à l'homologation. À partir du 1er janvier 2024, les véhicules qui ne sont pas alignés à la norme Euro 6B ne pourront plus être immatriculés; Poids lourds épargnés
Ce nouveau cadre réglementaire devait initialement s'appliquer à toutes les catégories de véhicules. Les personnes souffrantes de maladies liées à la pollution atmosphérique devront manifestement prendre leur mal en patience puisque le tiers du parc automobile national, constitué de véhicules lourds - et considéré comme la part la plus polluante en termes d'émission de particules - ne sera pas concerné par la nouvelle réglementation. Pour cette catégorie de véhicules, le ministère du Transport et de Logistique et le ministère de la Transition énergétique ont décidé de prolonger le délai de 24 mois supplémentaires. Cet ajustement a été publié au Bulletin Officiel du 29 décembre 2022 sous la forme d'un arrêté commun formulé par les deux ministères concernés, et aurait été décidé suite à des consultations avec les professionnels qui estimaient que la crise sanitaire et l'inflation ne leur permettaient pas de s'engager immédiatement dans cette transition. À noter que les premiers concernés, à savoir les usagers, n'ont pas eu leur mot à dire dans ces consultations. Industrie de véhicules électriques
Pour optimiser la décarbonation du secteur du transport au niveau national, plusieurs observateurs estiment nécessaire pour le Royaume d'encourager l'installation de nouveaux éco6systèmes d'industries automobile électrique, notamment pour les autocars. En l'absence d'une offre locale de véhicules électriques pour le transport des personnes notamment, le pays devra d'ici 2026 continuer à privilégier des modèles thermiques à l'image de la commande de 227 autobus par la ville de Fès dans le cadre d'un programme d'investissement de 420 MDH. À noter que les diverses villes du Royaume, selon certaines sources professionnelles, totalisent actuellement plus de 2600 bus et près de 800 minibus dont les coûts économiques et environnementaux restent très importants dans un secteur du transport qui dépend d'énergies fossiles 100% importées. Le secteur est par ailleurs responsable de plus de 30% des émissions nationales de GES et dont les seuls dégâts économiques en termes de pollution atmosphérique dévorent plus de 1% du PIB chaque année. Affaire à suivre. Omar ASSIF L'info...Graphie 3 questions à Saïd Sebti « Il y a un effort énorme à faire, notamment dans le domaine du transport urbain » Président du collectif Casa Environnement et précédemment professeur à la Faculté des sciences de Casablanca Ben M'sik, Saïd Sebti répond à nos questions.
- Est-ce que le Maroc est un pays particulièrement touché par le phénomène de pollution atmosphérique ? - Toute la planète est concernée par cette problématique et encore plus les pays en voie de développement parce qu'il s'agit d'une forme de pollution dont les conséquences sont dangereuses et quasiment immédiates, surtout pour les populations les plus vulnérables (personnes âgées, malades ou asthmatiques, enfants...). Certains types de pollution se répercutent sur la santé publique à long terme. Ce n'est pas le cas de la pollution atmosphérique dont l'impact néfaste est rapide. - La pollution atmosphérique au Maroc dépasse-t-elle les nouveaux seuils établis par l'OMS ? - Dans la majorité des cas, les niveaux de pollution atmosphérique enregistrés au Maroc sont au-dessus des nouveaux seuils de pollution atmosphérique préconisés par l'OMS. C'est le cas notamment des agglomérations marocaines, dont Casablanca, où des unités industrielles sont implantées dans le périmètre de la ville. Cela dit, les activités industrielles ne sont pas les seules à participer à cette pollution puisque le résultat final est cumulatif et prend également en considération les configurations des espaces urbains dont certains ne permettent pas une bonne circulation de l'air pour dissiper la pollution. - Est-ce que les chantiers de transition environnementale menés par le Maroc permettront de rester dans les seuils de pollution atmosphérique recommandés par l'OMS ? - Je pense que nous sommes en bonne voie. Cela dit, le rythme de mise en œuvre de ces chantiers devrait accélérer. Il y a un effort énorme à faire, notamment dans le domaine du transport urbain. À cela, il faudrait ajouter une attention particulière à la pollution atmosphérique générée par les activités informelles. La lutte contre la pollution atmosphérique est par ailleurs un enjeu de santé publique qui dépend du développement général et de l'implication des populations qui doivent être conscientisées pour participer activement. Recueillis par O. A.