Malgré les perturbations du régime algérien et de sa junte médiatique, la délégation marocaine au Sommet arabe s'est montrée efficace. En témoignent les résultats positifs obtenus lors de ce rendez-vous panarabe. Après deux jours d'échanges, de concertations, mais aussi d'hostilité et de polémique, le 31ème Sommet de la Ligue arabe, organisé en Algérie, s'est soldé par un bilan positif pour le Royaume, qui, malgré les contraintes, n'a pas joué la chaise vide. La délégation marocaine, menée le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a fait bonne figure et sa dynamique positive a permis d'aboutir à des consensus sur moult projets de résolution dans leurs aspects politique, économique et social. Sauf que la tâche n'a pas été facile, comme l'a bien indiqué l'ambassadeur du Maroc en Egypte, représentant permanent du Royaume auprès de la Ligue arabe, Ahmed Tazi, dans une déclaration à l'Agence MAP. En effet, depuis son arrivée à Alger, la délégation marocaine a été victime des manigances algériennes. Le premier test était l'accueil froid réservé à Bourita, et le refus d'accès aux deux tiers de la délégation médiatique marocaine, contrainte de retourner au Maroc, dès son arrivée à l'aéroport, pour des raisons toujours inconnues. Les impairs se sont enchaînés par l'incident de la chaîne internationale algérienne AL24 News, laquelle a diffusé sur son site électronique une carte du monde arabe différente de celle adoptée par la Ligue des Etats arabes. Un geste qui a été vivement contesté par le chef de la diplomatie marocaine, amenant la Ligue arabe à publier un communiqué pour tirer les choses au clair. A cela s'ajoutent les infox selon lesquelles le ministre aurait quitté le lieu où se tenait la réunion préparatoire des ministres des Affaires étrangères du Sommet arabe suite à un accroc avec le chef de la diplomatie algérienne. Dans un contexte aussi délétère, Il ne fallait donc pas s'attendre à voir SM le Roi Mohammed VI effectuer le déplacement pour le Sommet. Une démarche concluante Commentant la posture marocaine, Zakaria Abouddahab, expert en relations internationales et professeur à l'Université Mohammed V à Rabat, souligne que «les instructions royales voulaient que la délégation marocaine résiste à toute tentative de provocation et défende, intramuros et dans les règles de l'art, les intérêts vitaux du Maroc». Démarche concluante, selon lui, lorsqu'on sait que, non seulement l'incident sur la carte amputée du Royaume a été dépassé, mais la déclaration d'Alger a remercié les efforts louables déployés par SM le Roi Mohammed VI, en sa qualité de président du Comité Al-Qods, pour le soutien à la cause palestinienne et à d'autres causes communes arabes. Dans la résolution adoptée au sujet des développements de la cause palestinienne, le Sommet arabe a également salué la médiation directe dans laquelle s'est engagé le Royaume du Maroc, sous la conduite clairvoyante du Souverain, avec les Etats-Unis d'Amérique, qui a abouti à un accord sur l'ouverture permanente du pont Allenby/Roi Hussein reliant la Cisjordanie à la Jordanie et qui constitue le seul débouché des Palestiniens vers le monde. La résolution s'est également félicitée du rôle du Maroc et plus précisément de l'accord de Skhirate dans le processus de résolution de la crise libyenne. Douche froide pour le régime algérien, qui a vu le Royaume recueillir les félicitations, sur ses propres terres. Puis, le plus grand acquis du Royaume est la déclaration d'Alger qui rejette toute forme d'ingérence dans les affaires internes des pays arabes et insiste sur la nécessité de trouver des solutions arabes aux problématiques arabes, à travers le renforcement du rôle de la Ligue arabe dans la prévention des crises et leur résolution de manière pacifique, ainsi que la consolidation des relations interarabes. Ceci étant, alors qu'il y a à peine une semaine, le Conseil de Sécurité a inscrit, noir sur blanc, l'implication d'Alger dans l'affaire du Sahara, en appelant à la reprise des tables rondes avec la participation de «toutes les parties concernées». Il fine, et comme le souligne Zakaria Abouddahab, le Maroc s'est montré coopératif et réceptif à toute démarche visant à rehausser le niveau d'opérabilité de la Ligue arabe et sa contribution effective à la résolution des conflits interarabes et grâce à cette maturité politique, il est sorti gagnant. Tandis que le régime des généraux a raté l'occasion de montrer à la communauté internationale qu'il est capable de travailler main dans la main avec le Royaume et de tourner la page des conflits. Saâd JAFRI 3 questions à Zakaria Abouddahab «La question iranienne n'a pas accaparé les débats ou les attentions»
Zakaria Abouddahab, expert en relations internationales et professeur à l'Université Mohammed V à Rabat, nous livre son analyse du Sommet arabe tenu à Alger. - Comment évaluez-vous les conclusions du Sommet arabe, constitue-t-il un pas en avant vers l'action arabe commune ? - Le 31ème Sommet de la Ligue arabe, organisé en Algérie les 1er et 2 novembre, constitue à mon avis une étape transitoire pour revoir le cadre d'action d'une organisation en perte d'effectivité. Ce Sommet a été surmédiatisé. Le fait qu'il se tient en Algérie lui a donné une tonalité particulière, par la symbolique de la date du 1er novembre, mais aussi compte tenu des tensions majeures entre le pays hôte du Sommet et le Royaume du Maroc. Des spéculations ont été faites en ce qui concerne la qualité des participants et le niveau de représentation. Mais au final, ce qui compte maintenant, c'est la déclaration d'Alger adoptée le 2 novembre à l'issue du Sommet et le suivi qui devrait lui être donné. Il en sera ainsi de la manière avec laquelle les pays arabes appuieront la candidature de la Palestine en tant que membre à part entière à l'ONU, de la méthodologie de résolution des conflits et des situations de crise dans le monde arabe (Syrie, Libye, Yémen...). Ce sera donc le test de la réussite de ce Sommet et non seulement les déclarations qui en ont résulté. - La proximité entre l'Algérie et l'Iran a également été évoquée lors du Sommet. En quoi ce rapprochement impacte-t-il les relations entre Alger et les pays arabes ? - La question liée aux ingérences iraniennes a été discutée lors du Sommet, mais elle a été escamotée dans la déclaration finale. Du moins, aucune référence expresse n'y a été faite dans le texte, lequel a fait mention aux ingérences étrangères de manière générale. Les participants ont donc préféré y faire seulement allusion, compte tenu des divergences des points de vue à ce propos. L'Algérie et le Qatar, par exemple, entretiennent de bonnes relations avec l'Iran et la menace y afférente n'est pas perçue de la même manière. En tout état de cause, la question iranienne n'a pas accaparé les débats ou les attentions, compte tenu du contexte mondial plus focalisé sur les conséquences globales du conflit armé en Ukraine et les effets problématiques du changement climatique. La sécurité alimentaire s'est ainsi imposée dans les débats. - La Déclaration d'Alger, et après... - En somme, la Ligue arabe gagnerait à être réformée en profondeur afin qu'elle soit appropriée par les populations elles-mêmes. Le citoyen est plus préoccupé par le quotidien, par les prix des denrées alimentaires qui augmentent en flèche ou celui des hydrocarbures, par la protection médicale dont il devra bénéficier, par le logement décent auquel il devra accéder... Les questions géopolitiques restent donc secondaires par rapport à ses soucis de tous les jours. Difficile donc de parler d'un projet de création d'espace économique arabe commun alors que des frontières, terrestres et aériennes, sont fermées, et des relations diplomatiques unilatérales rompues ! Autant dire la nécessaire refondation du paradigme sur lequel a été ordonné l'épistémologie de l'Organisation arabe. Recueillis par S. J.