Dans le cadre de sa visite de travail au Maroc, M. Mze Abdou Mohamed Chanfiou, ministre comorien de l'Economie, de l'Industrie, des Investissements, chargé de l'Intelligence Economique, entend faire du Royaume un partenaire privilégié pour la relance de son programme de développement « le Plan Comores Emergents à l'horizon 2030 ». Explications. - Dans quel cadre, Monsieur le ministre, s'inscrit votre visite au Maroc ? - Tout naturellement, il faut le dire, le Maroc est un pays frère de l'Union des Comores. Notre visite s'inscrit dans le cadre de la dynamique du partenariat entre nos deux Etats et qui ont des relations historiques depuis des décennies. C'est aussi le signe de la vitalité de la coopération qu'entretiennent l'Union des Comores et le Royaume Chérifien. Dans cette optique, je suis ici pour rencontrer mes homologues ministres, institutions marocaines, opérateurs économiques privés. En effet, l'Union des Comores a engagé, à l'initiative de SE M. Azali Assoumani, Chef de l'Etat et Président de la République, un plan de développement appelé « le Plan Comores Emergents à l'horizon 2030 », qui est la visibilité imprimée de cette ambition. Donc, cette visite est la continuité de la Conférence de Partenaires au Développement (CPAD) tenue à Paris en décembre 2019, laquelle a permis de mettre en perspective la vision de l'émergence des Comores, en déroulant le programme du PCE. Et le Maroc a été le premier partenaire à manifester un grand intérêt à ce Plan, et a pris part à la CPAD avec une forte délégation conduite par SE M. le ministre des Affaires étrangères, accompagné par des personnalités et de hauts dirigeants du secteur privé marocain. Il est, à cet effet, normal que cette visite commence par le Maroc dans le cadre de la relance des partenariats bilatéraux et du secteur privé pour mobiliser l'ensemble des financements qui puissent soutenir le PCE. - Justement, où en êtes-vous aujourd'hui avec le Plan Comores Emergents ? - Comme je l'ai dit avant, ma présence est la continuité de la Conférence de Paris qui s'est tenue en décembre 2009 avec un écho très favorable et des résultats qui sont allés au-delà de nos prévisions. Il y a eu des annonces de plus de 4,3 milliards de dollars. Après cette Conférence, le Président de la République a mis en place des dispositifs qui allaient mobiliser les ressources. Malheureusement, la crise sanitaire est venue ralentir sinon stopper la marche du PCE car, à l'instar des autres pays, il fallait d'abord gérer la pandémie liée à la Covid-19. Autrement dit, la dynamique lancée en 2009 a été mise en berne par la crise sanitaire, et c'est bien normal car les priorités étaient ailleurs pour tout le monde, la lutte contre la Covid-19 d'abord. Maintenant que la crise sanitaire est derrière nous, il est temps de remobiliser les partenaires publics et privés au développement, les pays frères et amis pour relancer le programme d'investissement du PCE, entre autres dans les domaines du tourisme, de l'économie bleue, de l'agriculture, des infrastructures, du numérique, la finance, ainsi que les secteurs sociaux tels que la santé, l'éducation et l'eau. C'est l'objet aujourd'hui de ma mission au Maroc. - Ce qui explique une confiance mutuellement partagée entre l'Union des Comores et le Maroc. Concrètement, comment se situe leur partenariat ? - C'est vrai, cette confiance entre nos deux Etats est absolue. Comme je l'ai dit avec mes homologues que j'ai déjà rencontrés, la ministre de l'Aménagement du territoire et la ministre chargée de la Transition numérique, ce sera ainsi aussi pour les autres prévus durant mon séjour. Dans cette optique, la coopération Sud-Sud nous permettra de tirer davantage des leviers pour notre programme du PCE à travers les importantes expertises dont dispose le Maroc. L'exemple en la matière est le domaine de l'éducation nationale dont mon pays a bénéficié et continue d'en bénéficier et dont les résultats sont très visibles. Je le dis souvent que tout ce que nous engageons dans cette coopération est couronné de succès. Aujourd'hui, si l'on fait des statistiques, la majorité des hauts cadres comoriens sont formés au Maroc. Le Président de la République et son épouse en sont la parfaite illustration. De cet exemple, on peut pousser vers la partie économique. C'est pour cela que nous voulons redynamiser la coopération économique entre l'Union des Comores et le Maroc, à l'instar du domaine de l'éducation et qui est très concret. Cela concernera tous les secteurs : le numérique, les BTP, l'aménagement du territoire, le transport (aérien et maritime), l'industrie, le tourisme, l'agriculture, l'élevage, le tourisme, les finances, etc. Tout est programmé de sorte que le volet économique entre nos deux pays reflète l'excellence de la coopération politique, en mobilisant le secteur public et le secteur privé marocains. - En la matière, quelles sont les offres que propose l'Union des Comores aux secteurs public et privé marocains ? - Tout d'abord, nous avons une économie qui produit très peu et qui est beaucoup plus dépendante de l'extérieur. Aujourd'hui, 60 % des produits de première nécessité viennent de l'extérieur. Il est temps d'inverser cette tendance en commençant à produire. L'agriculture, le marché avicole par exemple qui fait plus de 50 millions de dollars, le numérique, l'économie bleue, la banque, l'aménagement du territoire, dans ces secteurs, le Maroc peut jouer un rôle capital compte tenu de son expertise, à travers le Plan Maroc Vert par exemple mais aussi ses entreprises privées qui opèrent dans la transformation. Nous venons ici pour trouver des partenaires qui puissent développer ce secteur. Il en est de même pour le tourisme comme pour plusieurs autres domaines dans lesquels le Maroc dispose de réelles expertises. D'une part, il faut donc que l'économie comorienne produise des biens et services. D'autre part, il y a la partie financement aussi bien bancaire que souveraine. A ce sujet, il faut rappeler qu'aujourd'hui l'économie comorienne est financée essentiellement par les partenaires au développement et la diaspora. C'est pour cela que nous avons besoin des partenaires bancaires marocains qui puissent soutenir notre développement et redynamiser le financement intérieur de l'économie nationale. Ce sont des pistes sur lesquelles nous pourrions nous appuyer pour donner plus de leviers au développement afin de créer une économie comorienne plus productive et dynamique. - Quels pourraient être les éléments catalyseurs pour ce partenariat économique quand on sait que l'éloignement entre les deux pays est un handicap sérieux ? - C'est pour cela que nous parlons du numérique car il fait disparaître les barrières et les distances mais aussi il y a le transport maritime et le transport aérien. Nous allons y travailler avec nos partenaires marocains. Entre le Maroc et les Comores, il n'y a pas de frontières. Il y a des projets qui sont développés autour de ces axes. En la matière, nous avons le programme « Unir » les Iles par la mer, portant sur les infrastructures et le transport maritime et le programme « les Iles de la lune à portée de vol » qui concerne les infrastructures et le transport aérien. Je peux aussi citer le projet phare de la construction du grand centre hospitalier universitaire, le CHU El-Marouf, et le Campus Universitaire, dont le numérique peut trouver sa place, sans oublier le plan routier 2022-2024. Ce sont des projets auxquels nous pourrons trouver au Maroc des partenaires. - Sur un autre plan, quelles sont vos prévisions de croissance pour 2022 ? - Avant de répondre à cette question, je pense qu'il faut d'abord regarder la situation de ces deux dernières années. En effet, le PNUD a réalisé une étude sur plusieurs années relative à la croissance économique avec un certain nombre d'indicateurs macroéconomiques (la croissance, l'inflation, la balance des paiements) sur les finances publiques. Nous faisons partie des pays qui ont eu une croissance faible par rapport à d'autres pays similaires avec une moyenne autour de 2,3 % pendant 20 ans. Alors qu'au même moment, d'autres pays ont fait du 6 à 7 %. C'est-à-dire des pays qui ont la même taille et le même niveau de développement. De ce constat, on s'est dit pourquoi cela ? Alors que notre pays connaît une stabilité politique, une paix sociale, gages du progrès et du développement. Il fallait donc mettre en place une feuille de route pour refléter cette réalité sur le plan économique. C'est la genèse du PCE initié par le Président Azali. Ainsi donc, malgré la crise sanitaire que nous avons eue, l'économie comorienne a été plus résiliente par rapport à d'autres pays, avec une croissance de 0,2 % en 2020 pendant que certains étaient en récession. Nous avons eu un déficit commercial, un déficit budgétaire et une inflation contenus par rapport à d'autres Etats. Pour 2021, nous aurons une croissance positive qui serait autour de 2 %. Concernant l'année en cours, nous projetons une croissance de 3,5 %, en considérant que la bonne maîtrise qu'a fait les Comores sur la gestion de la crise sanitaire soit maintenue. Nous sommes confiants et nous rentrons dans une nouvelle dynamique avec la reprise de l'activité économique au niveau mondiale, malgré la nouvelle crise de la guerre en Ukraine. C'est pour cela que nous souhaitons mobiliser tous nos partenaires, dont le Maroc, en vue de relancer le PCE dans l'ensemble des secteurs. Nous sommes convaincus que nos partenaires du secteur privé marocain ainsi que le secteur public vont nous accompagner dans cette nouvelle dynamique de relance du programme du PCE. Recueillis par Wolondouka SIDIBE Le Plan Comores Emergents
Dans son programme économique, le Président Azali Assoumani ambitionne de faire entrer l'Union des Comores dans le concert des pays émergents à l'horizon 2030. Dans cette optique, le pays s'engage ainsi dans un processus de réformes profondes à tous les niveaux pour enclencher les mutations structurelles favorables à l'émergence. Avec un revenu national brut par habitant de 1360 $, l'Union des Comores vient d'être classée parmi les pays à revenu intermédiaire dans la tranche inférieure. L'ambition est de passer dans la tranche supérieure à plus de 4000 $ par habitant à l'horizon 2030, en s'inspirant des pratiques et des modèles réussis dans d'autres pays émergents pour mettre l'Union des Comores sur la voie de l'expansion économique, rompre avec les cycles de croissance faible et volatile et créer une dynamique de croissance qui devrait atteindre une moyenne de plus de 7,5% en 2030. Ainsi, le PCE vise à parvenir à une transformation structurelle de l'économie comorienne à travers, notamment, des interventions soutenues et structurées en faveur du secteur privé.