Menacée depuis le début de la crise sanitaire et économique, l'éducation constitue le socle du développement du pays. Conscients de l'impact négatif qu'a eu la pandémie sur leur scolarisation, les Marocains expriment leurs inquiétudes. Plus de la moitié des citoyens (55%) affirme que la pandémie a négativement influencé la qualité de l'offre éducationnelle au Maroc, c'est ce que révèle une nouvelle enquête du réseau Arab Baromètre. Selon les résultats du sondage mené par Arab Baromètre, un réseau de recherche basé à l'Université de Princeton, aux Etats-Unis, 76% des citoyens marocains ont déclaré que « Covid-19 » a eu un impact significatif ou modéré sur l'éducation des enfants, tandis que ce pourcentage a atteint 92% en Jordanie, et a 74% en Tunisie. Selon le même sondage, 24% des citoyens marocains ont déclaré que la perturbation de l'éducation de leurs enfants était le plus grand défi causé par la pandémie de Corona. Ce pourcentage a continué d'augmenter, atteignant 36% en Libye, 30% en Jordanie, 25% en Irak et 25% en Algérie. Problèmes d'optimisation et de supervision Se classant au deuxième rang des priorités privilégiées de dépenses publiques au Maroc, le secteur de l'éducation souffre encore de beaucoup de problèmes tels que le décrochage scolaire, faible niveau des apprenants etc. Les Marocains qui ont fait partie de l'enquête ont appelé à allouer 37% du budget public à ce secteur, précisant que le secteur de la santé occupe la première place en termes de dépenses publiques dans le contexte de la pandémie. Contacté par nos soins, Mohammed Guedira, professeur universitaire et expert en Politique Educative et ingénierie des compétences, explique que « C'est un problème d'optimisation, de contrôle et de supervision et non pas un problème de budget ». L'expert affirme que les problèmes du secteur éducatif résultent d'une mauvaise gestion des dépenses et du contrôle des dépenses. Guedira pointe alors le manque d'évaluation et de sanction alors que « l'un des éléments principaux de la gouvernance est celui de la récompense/sanction suite à l'évaluation », conclue-t-il. L'éducation : le socle du développement En ce qui concerne les actions gouvernementales jugées névralgiques pour améliorer les conditions économiques, 20% des citoyens marocains ont déclaré que la réforme du système éducatif est la principale porte d'entrée de cette réforme globale. Il en va de même pour la plupart des pays de la région où seulement une minorité a indiqué l'importance de réformer le système éducatif. Une perception qui devrait interpeller vu les différentes études scientifiques et rapports qui affirment le rôle crucial de l'éducation dans le développement économique et social de tout pays. Relevant qu'il y a une relation dialectique entre la situation économique et celle éducative, l'expert en Politique Educative et ingénierie des compétences annonce qu'« il faut mettre des plans spéciaux à chaque région du Maroc adaptés à ses besoins ». Une éducation de qualité passe d'abord par l'amélioration de la situation socioéconomique des enseignants, ainsi Guedira annonce sur un ton optimiste que « malgré que chaque nouveau ministre trouve un cumul de problèmes qu'il doit régler avant de mettre en place son projet, je pense que le ministre actuel fait un travail très prometteur en commençant par l'amélioration de la situation des enseignants». Emigrer en quête d'une meilleure éducation Abordant le sujet de la migration, 20% des Marocains interrogés ont déclaré vouloir émigrer à l'étranger afin d'obtenir des opportunités d'éducation de meilleure qualité pour eux-mêmes et les membres de leur famille, ce qui place le Maroc en tête de liste des pays de la région qui accordent la priorité aux études lors de l'émigration. A titre d'exemple, les Marocains représentent la première communauté des étudiants en France, avec un effectif de près de 45.000 étudiants dans différents établissements d'enseignement supérieur français. Guedira explique cette grande volonté chez les jeunes pour aller faire leurs études à l'étranger par la situation alarmante du marché de l'emploi. « Le grand problème c'est les opportunités, les conditions de travail, les salaires... si on améliore le bien être au travail ça serait un système de rétention de ces diplômés qui choisissent d'émigrer », affirme-t-il. D'ailleurs, le chercheur universitaire appelle les investisseurs et les entreprises à garantir de bonnes conditions de travail aux jeunes diplômés surtout dans le contexte mondial actuel marqué par une grande concurrence et par la chasse de profils. « A mon sens c'est encore un problème de gouvernance au niveau du système de valeurs ». Le chercheur appelle à ancrer les valeurs de récompense et de sanction à la fois dans le système éducatif et dans le marché de l'emploi. Hiba CHAKER Journée internationale de l'éducation L'INDH, un acteur engagé dans la transformation éducative
Le 24 janvier 2022, la communauté internationale célèbre la Journée internationale de l'éducation sous le thème « Changer de cap, transformer l'éducation ». Cet évènement, initié par l'UNESCO, constitue un appel à faire émerger une vision solidaire de l'éducation, dans laquelle s'inscrit le Royaume, et ce en concrétisation de la Volonté de Sa Majesté Le Roi Mohammed VI, qui a fréquemment appelé à la mobilisation autour de l'éducation pour en faire un puissant levier de développement de la société. Dans ce cadre l'INDH s'est investie, en appui au Département de l'Education Nationale, dans le vaste chantier de la généralisation de l'enseignement préscolaire en milieu rural. À mi-parcours de cette troisième phase, le bilan des réalisations est porteur d'espoirs. La période 2019-2021 a connu la programmation de quelque 8000 unités préscolaires, dont environ 3790 sont déjà opérationnelles. Dans ces établissements, plus de 71 000 enfants issus du monde rural bénéficient actuellement d'un encadrement de qualité, auxquels s'ajoutent plus de 36000 enfants bénéficiaires qui ont déjà intégré l'école primaire La création de ces unités a permis d'encourager la préscolarisation des filles dans le milieu rural – elles représentent la moitié des inscriptions -, et de promouvoir l'emploi féminin dans le milieu rural, avec la création d'environ 4520 postes d'éducateurs, dont 68% occupés par des femmes. L'Initiative participe également aux efforts de réduction de la pauvreté des apprentissages dans le cycle primaire, et ce à travers la mise en place de cours de soutien scolaire gratuits au profit de plus de 160 000 élèves sur l'ensemble du territoire national.
Covid-19 L'UNESCO veut des mesures "audacieuses" pour rattraper les pertes d'apprentissage
L'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) a plaidé, lundi, pour des mesures "audacieuses" afin de rattraper les pertes d'apprentissage causées par les fermetures des écoles dans le sillage de la pandémie du Covid-19. Dans une analyse de la situation actuelle au niveau des écoles marocaines, réalisée par Unicef Maroc, l'Organisation affirme que la crise sanitaire nous a beaucoup éloignés de l'objectif d'assurer un enseignement de qualité à tous les enfants. «Unicef plaide pour que chaque enfant puisse dès son jeune âge jouir de son droit au développement, accéder à une éducation de qualité, et avoir de solides bases d'apprentissage dans les premières années et des opportunités de développer les compétences nécessaires pour atteindre son plein potentiel à l'avenir. Toutefois, la situation actuelle dans le monde et au Maroc fait en sorte que cet objectif est loin d'être atteint», souligne Unicef Maroc dans son analyse. Et d'ajouter que « Les différents rapports et études pré et durant la Covid-19 démontrent un grand gap chez les enfants en termes d'apprentissages». Par ailleurs, Unicef Maroc souligne que les réponses apportées par le Maroc à ce niveau sont encourageantes, à savoir l'ouverture des écoles et l'instauration d'un mode hybride en cas de fermeture, la priorisation de la vaccination des enseignants et la mise en place d'actions pour le renforcement de la composante soutien scolaire. L'Organisation souligne toutefois que ces mesures demeurent insuffisantes face à la grandeur du phénomène de perte des apprentissages et ne prennent pas suffisamment en compte les effets holistiques de la pandémie sur les enfants.