La flambée historique du fret maritime qui touche le Maroc devrait bientôt s'estomper. Les Etats-Unis ont décidé de serrer la vis aux armateurs qui retardent volontairement les livraisons de conteneurs. Une mesure qui fait l'affaire des importateurs et exportateurs marocains. Enfin, un terme à la flambée du fret maritime au Maroc ? Oui, à en croire certains spécialistes du secteur. Et pour cause, le salut est finalement venu des Etats-Unis. L'événement, passé inaperçu, s'est déroulé le 9 décembre courant. Le Congrès américain a décidé de voter une loi pour calmer les ardeurs des armateurs. Il s'agit de l'Ocean Shipping Reform Act (OSRA). Cette loi donne des pouvoirs à la Commission maritime du Congrès américain pour aller enquêter partout dans le monde sur le retard de livraison des conteneurs à destination ou en lien avec le marché américain. Autrement dit, cette commission se met en branle dès qu'elle constate qu'un conteneur envoyé du Maroc vers les Etats-Unis connaît des retards d'acheminement. « L'objectif de cette commission est de s'assurer que les pratiques des armateurs n'entravent pas le commerce extérieur des EtatsUnis ou ne lui portent pas préjudice. C'est en ce point précis que le Maroc tire bénéfice de cette mesure : la commission a compétence pour statuer sur toute obstruction faite à l'acheminement d'un conteneur destiné aux USA et réciproquement », précise l'expert maritime, professeur Najib Cherfaoui. A l'heure où les exportations marocaines peinent à quitter les ports du royaume et trouver des navires pour leur transport, cette nouvelle a de quoi rassurer. Baisse des tarifs Mais, au-delà du retard, la principale question consiste à savoir si ce rôle de gendarme activé par les Etats-Unis va contribuer ou non à la baisse du fret maritime. « Oui », répond le professeur Najib Cherfaoui. A l'heure où le prix du conteneur à destination du royaume tourne autour de 20.000 dollars, contre 4.000 habituellement, les professionnels promettent que « les prix du fret maritime vont baisser, car cette loi a pour but d'assurer un système de transport maritime juste et équitable ». Equitable non seulement pour le commerce extérieur des Etats-Unis, mais aussi, par ricochet, pour les pays impliqués dans leur circuit de livraison. « Toutes ces exigences visent à limiter la hausse démesurée des tarifs enregistrés durant la pandémie, et vont conduire à diminuer de moitié les prix pratiqués actuellement », poursuit le professeur Najib Cherfaoui. 10.000 boîtes Pour le Maroc, en tout cas, c'est un développement positif à l'heure où de plus en plus de voix appellent à mieux tirer profit de la crise mondiale du fret maritime. Ce qui passe, en autres activités, par la fabrication de conteneurs. A ce propos, le lancement d'une unité de production de conteneurs dans le royaume s'impose de plus en plus comme une nécessité. Pour le moment, rien n'est acté dans ce sens, mais l'idée commence à mûrir au sein des instances publiques compétentes, de même que dans le secteur privé. Chez les spécialistes du secteur maritime, on applaudit des deux mains cette initiative. « Avec ce projet, le Maroc se révélera être un acteur capable de tirer profit des évolutions et des opportunités qu'offre le secteur maritime », se félicite un expert portuaire. « Sur le plan industriel, nous avons ce qu'il nous faut pour nous lancer dans la construction de conteneurs. L'expertise et les compétences nécessaires sont là. Il nous manquait de la volonté », renchérit El Mostafa Fakhir, premier vice-président du Comité des spécialistes africains en activités maritimes portuaires et logistiques (COSAMPOL). Fabriquer entre 6.000 et 10.000 conteneurs par an au Maroc permettra non seulement de doter l'économie nationale d'une flotte stratégique en la matière, mais, à terme, fera du Maroc un exportateur de ces fameuses boîtes désormais très prisées sur le marché mondial. Aussi bien les exportateurs traditionnels que les grandes compagnies se lancent dans la constitution de flottes de conteneurs. En un mot, c'est une véritable niche de business qui se profile à l'horizon pour le Maroc. Disposer d'un port carrefour de classe mondiale comme Tanger Med, puis se positionner comme fabricant de conteneurs, renforcera radicalement l'influence du royaume. Et ce n'est pas tout... « Rafraîchissement de conteneurs » Au-delà de la fabrication de conteneurs, une autre activité très porteuse est également détectée par les spécialistes du monde maritime. Il s'agit du « rafraîchissement » de conteneurs. Autrement dit, leur remise en forme sanitaire, l'habillage et la signalétique (logos/identifiants OMI). Du point de vue du trafic conteneurisé mondial, le Maroc est un lieu de repositionnement, c'est-à-dire une plateforme de réacheminement des boîtes vides vers les lieux de remplissage comme la Chine et les pays occidentaux. « A l'occasion du transit par le Maroc, notre système portuaire doit faire une offre de proposition pour en faire un hub de contrôle et de requalification des conteneurs vides au service du commerce mondial », renchérit le professeur Najib Cherfaoui. Selon lui, « le rafraîchissement des conteneurs est une activité que le Maroc peut s'approprier pour créer un mécanisme inclusif créateur d'emplois intégrés à la dynamique de l'industrie maritime planétaire ». Abdellah MOUTAWAKIL Repères Ports mondiaux : 800 millions de conteneurs en transit en 2020 ! Dans le fret maritime, la période post-Covid restera probablement à jamais gravée dans les mémoires. En plus de la flambée des prix du fret maritime, le trafic de conteneurs a tellement explosé que les boîtes tant convoitées se sont raréfiées. Une crise qui continue encore de se faire sentir aussi bien au Maroc que presque partout dans le monde. Mais retenez ce chiffre malgré tout : en 2020, ce sont pas moins de 800 millions de conteneurs EVP qui ont transité par les ports de la planète ! Parmi eux, 5,7 millions sont passés par Tanger Med. Hors Tanger Med, le trafic de conteneurs au Maroc a plafonné à 1,23 million EVP en 2020.
35 millions de conteneurs dans le monde ! En parlant de chiffres, les 800 millions, c'est le nombre de conteneurs ayant passé par les ports du monde. Un conteneur peut donc faire plusieurs fois l'aller-retour au niveau d'un port. Mais, il y a un autre chiffre important à retenir : dans le monde, il y a actuellement 35 millions de conteneurs en service, aussi bien à terre que dans les mers. En temps normal, la moyenne mondiale est d'un conteneur plein pour deux conteneurs vides. L'info...Graphie Fabrication de conteneurs Domination chinoise
Le plus grand fabricant, CIMC (China International Containers Group), est chinois. Il détient la moitié du marché mondial. La durée de vie d'un conteneur est de 10 à 15 ans. Chaque conteneur est repéré par un identifiant qui lui est propre tout au long de son existence. Ce numéro est constitué : d'un code de propriétaire ou opérateur de 4 lettres (MCLU, MAEU, DVRU, TRKU ...). La dernière lettre est le U pour tous les conteneurs de fret, J pour les équipements détachables de conteneurs, Z pour les remorques ou châssis pour conteneur, d'un numéro de série de 6 chiffres arabes, d'un chiffre d'autocontrôle destiné à valider l'exactitude de l'enregistrement et la transmission de données (exemple d'identifiant : DVRU 590020 3). Les gabarits donnés par l'ISO n'empêchent pas d'autres tailles d'exister, employées par certains transporteurs. À l'intérieur des Etats-Unis, on trouve même des conteneurs de 53 pieds qu'autorise la longueur des châssis de remorque, contrairement au Maroc ou à l'Europe.
Conteneur Histoire et particularités d'un objet nomade
Calquées sur celles des remorques, les dimensions actuelles du conteneur datent de 1955. Elles signent l'acte de naissance de ce que l'on peut appeler « l'industrialisation de la chasse aux vides ». Néanmoins, ce standard ne trouve sa véritable portée que dix ans plus tard, en 1965, lorsqu'il est adopté par l'Organisation pour la normalisation internationale (ISO). Le conteneur est dès lors désigné par catégorie 20 et 40 suivant la longueur exprimée en pieds anglais : (vingt pieds), soit 6.058 m de long pour une contenance de 33 m3. Sa largeur et sa hauteur valent 2.438 m (8') et 2.591 m (8.5'). La charge utile pouvant être soulevée, en saisissant le conteneur par les quatre coins supérieurs, est de 20 tonnes pour les 20 pieds et 30 tonnes pour les 40 pieds. Si le conteneur « de base », le plus répandu, reste une simple boîte, il existe plusieurs autres modèles : réfrigérés, ventilés, déshumidifiés, à citerne, à munitions, à vêtements, sans toit, pliants, à bétail, à voitures, plats. Le conteneur est assimilé à une marchandise et non à un accessoire du navire. Interchangeable, il passe du train au navire, du navire à la remorque routière en un minimum de temps grâce aux appareils spécialement conçus pour sa manutention. Il élimine ainsi les ruptures de charge et protège les produits. En particulier, il se veut son propre entrepôt en soi. Enfin, la vocation d'un conteneur est d'abord de voyager, donc de rester à terre un minimum de temps, d'où son caractère nomade.
3 questions à El Mostafa Fakhir, premier vice-président du COSAMPOL « Notre industrie a l'expertise pour fabriquer des conteneurs »
A l'instar des masques et des respirateurs au début du Covid, le Maroc peut profiter de la crise actuelle du fret maritime pour se positionner sur la construction de conteneurs. C'est l'avis d' El Mostafa Fakhir, premier vice-président du Comité des spécialistes africains en activités maritimes portuaires et logistiques (COSAMPOL). - Pensez-vous que le Maroc dispose d'une industrie capable de se lancer dans la construction de conteneurs ? - Cette question de conteneurs nous rappelle celle des masques au début du Covid-19. Actuellement, les trois plus grandes sociétés de fabrication de conteneurs dans le monde sont chinoises. Elles détiennent à elles seules70% de parts de marché. Le Maroc a aujourd'hui l'opportunité de se positionner dans la fabrication de conteneurs. Ce n'est pas un processus compliqué. Sur le plan industriel, nous avons ce qu'il nous faut pour nous lancer dans la construction de conteneurs : l'expertise et les compétences nécessaires. Il nous manquait de la volonté. En termes d'intrants, il faut surtout de l'acier et du bois. - Sur le plan stratégique, quel sera, pour le royaume, l'avantage de fabriquer ses propres conteneurs ? - Les armateurs ont de la place mais n'ont pas de conteneurs pour répondre à la demande mondiale. S'agissant du Maroc, puisque nous n'arrivons pas à relancer notre pavillon national, ce serait un bel atout que d'avoir nos propres conteneurs, afin d'avoir des tarifs plus attractifs. Même les grandes multinationales font la même chose. C'est le cas par exemple d'Amazone qui a sa propre flotte de conteneurs, qu'il charge à bord des navires. - C'est dire que le Maroc a encore un grand potentiel à mettre en valeur dans le domaine maritime ? - Je pense que le Maroc a beaucoup à explorer et à exploiter dans l'univers maritime. Commencer par la fabrication de conteneurs est un bon début à mon sens. Cela nous permettrait déjà d'avoir notre propre flotte stratégique de conteneurs. Recueillis par A. M.