En six mois, les flots de la Méditerranée ont englouti des centaines de candidats à l'immigration irrégulière. L'OIM parle de 1146, mais fait état de "centaines de naufrages invisibles". Un rapport de l'Organisation internationale pour les migrations, révèle que le nombre des victimes de l'immigration dite clandestine a plus que doublé entre les mois de janvier et de juin 2021. 1146 personnes sont mortes en mer Méditerranée, alors qu'en 2020, on ne déplorait que 513 qui avaient péri au cours de la même période, et 674 en 2019. Le cap entre la Libye et l'Italie en Méditerranée centrale s'avère le plus meurtrier de la mare nostrum avec 741 morts. Un chiffre trois plus élevé que les 250 des naufragés décédés entre l'Afrique de l'Ouest et les Iles Canaries ou noyés sur les routes entre le Maghreb et l'Espagne ainsi que de la Grèce. Ces Chiffres de l'Organisation internationale des migrations (OIM), dont la méthodologie est différente des autres ONG, seraient loin de la réalité. Une étude de l'ONG Caminando Fronteras (les frontières en Marche), présentée la semaine dernière, arrêtait le bilan macabre des personnes ayant tenté de rejoindre les côtes espagnoles à 2100 personnes durant le premier semestre de cette année. Un nombre cinq fois plus élevé que celui enregistré pour la même période de l'an dernier. "Une année horrible", selon les responsables de l'ONG. Au dernier bilan donc, pas moins de 2087 migrants originaires de 18 pays, principalement d'Afrique de l'Ouest, ont péri en tentant de se rendre en Espagne entre janvier et juin, contre 2170 durant toute l'année 2020. Approche différente des ONG Le bilan élevé des ONG par rapport à celui présenté par l'OIM trouve son explication au fait que les ONG comme « Caminando Fronteras » ont une approche différente et sont en contact direct avec les personnes à bord ou avec leurs familles qui les avertissent au fur et à mesure et presque cas par cas des drames et "des centaines de cas de naufrages invisibles" qui surviennent en mer lors des traversées clandestines. Ces six derniers mois, 1922 victimes, représentant plus de 90% des décès, sont survenues lors de 57 naufrages sur la route maritime vers les îles espagnoles des Canaries. D'après le ministère espagnol de l'Intérieur, dévoile le rapport, 12.622 migrants sont arrivés en Espagne par voie maritime au premier semestre, soit près du double du nombre d'arrivées à la même période l'an dernier (7256). Hausse du nombre d'interceptions Le rapport montre une augmentation pour la deuxième année consécutive des opérations maritimes menées par les Etats d'Afrique du Nord le long de la route de la Méditerranée centrale. Selon l'OIM, plus de 31.500 personnes ont été interceptées ou secourues par les autorités nord-africaines au cours du premier semestre, contre 23.117 au cours des six premiers mois de 2020. Ce type d'opérations menées au large des côtes tunisiennes a augmenté de 90% au cours du premier semestre par rapport à la même période l'an dernier. En outre, plus de 15.300 personnes ont été renvoyées en Libye au cours des six premiers mois de 2021, soit près de trois fois plus qu'à la même période en 2020 (5476). Depuis 2017, l'Italie et l'Union européenne financent, entraînent et équipent les garde-côtes libyens pour qu'ils empêchent les migrants de passer en Europe à bord d'embarcations de fortune. Les garde-côtes libyens font pourtant face à de multiples accusations de mauvais traitements envers des demandeurs d'asile, conduisant nombre d'ONG à dénoncer cette politique. En vertu du droit maritime international, les personnes secourues en mer devraient être débarquées dans un port sûr. Et l'ONU ne considère par la Libye comme tel. "L'OIM réitère l'appel lancé aux Etats pour qu'ils prennent des mesures urgentes et proactives afin de réduire les pertes de vies sur les routes migratoires maritimes vers l'Europe et qu'ils respectent leurs obligations en vertu du droit international", a déclaré le directeur général de l'OIM, Antonio Vitorino, cité dans un communiqué. "L'augmentation des efforts de recherche et de sauvetage, la mise en place de mécanismes de débarquement prévisibles et la garantie d'un accès à des voies de migration sûres et légales sont des étapes clés pour atteindre cet objectif", a-t-il ajouté.
Ali BENADADA
Amnesty dénonce le rôle de l'Europe dans les renvois forcés de migrants en Libye
Les violences de tous types commises à l'encontre des hommes, femmes et enfants interceptés en méditerranée et renvoyés de force dans les centres de détention en Libye montrent les conséquences de la coopération entre l'Europe et la Libye concernant l'immigration, ressort-il d'un rapport d'Amnesty International publié jeudi. L'ONG humanitaire pointe le fait que les exactions dont sont victimes les réfugiés dans les camps de détentions libyens depuis 10 ans se poursuivent inlassablement. "Ce rapport terrifiant jette un nouveau coup de projecteur sur la souffrance des personnes interceptées en mer et renvoyées en Libye, où elles sont immédiatement placées en détention arbitraire et systématiquement soumises à la torture, aux violences sexuelles, au travail forcé et à d'autres formes d'exploitation en toute impunité", a déclaré Diana Eltahawy, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Amnesty International. La Libye s'étant engagée à fermer les centres de la Direction de la lutte contre la migration illégale (DCIM), dirigés par le ministère de l'Intérieur. Au lieu de cela, plusieurs camps de détentions informels, où de nombreux abus ont lieu, ont été officialisés, notamment le Centre de rassemblement et de retour de Tripoli, familièrement appelé Al Mabani. Au cours des six premiers mois de 2021, plus de 7.000 personnes interceptées en mer ont ainsi été envoyées de force dans ce camp. Les témoignages recueillis par Amnesty parlent de torture, de mauvais traitements, de conditions de détention cruelles et inhumaine, d'extorsion de rançons et de travail forcé. Selon Amnesty International, l'Europe a une part de responsabilité dans cette situation. Entre janvier et juin de cette année, plus de 15.000 personnes ont été interceptés en méditerranée par les garde-côtes libyens, soit plus que pour l'ensemble de l'année 2020. Ces actions de "sauvetage" sont facilitées par l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, Frontex, qui effectue une surveillance aérienne au-dessus de la méditerranée pour repérer les embarcations de migrants, pointe l'ONG. "Il est largement temps que les Etats européens reconnaissent les conséquences indéfendables de leurs actions », revendique Diana Eltahawy.