En France, le taux de chômage des jeunes a connu une augmentation alarmante, dépassant les 20%. Les étudiants marocains de l'Hexagone n'échappent pas à la règle. Diplômés en quête «désespérée» de stages pré-embauche, ces jeunes nous racontent leur martyre. «Cette crise sanitaire, c'est la faillite. Depuis l'annonce de l'état d'urgence je subviens à mes besoins avec l'argent que j'avais mis de côté depuis longtemps et grâce à l'aide de la famille. Mais là ça y est, je paye plus mon loyer», déplore nerveusement Aymen, 26 ans, installé dans sa Résidence étudiante à Orléans à environ 120 kilomètres au Sud de Paris. Arrivé du Maroc plein d'espoir pour suivre des études en Commerce extérieur, il peine désormais à tenir le coup dans une conjoncture où les jeunes sont laissés pour compte. En effet, selon les derniers chiffres du chômage publiés début janvier, au troisième trimestre de 2020, 21,8% des jeunes de 18 à 25 ans étaient au chômage, soit 619 000 jeunes. Cela représente une hausse de 16% en un an. Le taux d'emploi a reculé quatre fois plus dans cette catégorie d'âge que dans l'ensemble de la population. Par ailleurs, dans cette même tranche d'âge, la précarité de l'emploi est plus forte : en 2019, 52,7% des 15-24 n'étaient employés qu'en CDD. Cela dit, Aymen n'est qu'un exemple parmi des milliers d'autres étudiants qui ont quitté leur pays avec des petites sommes, cherchant des formations qualifiantes «pour enfin vivre le dream». Entre temps, ils cherchent des petits boulots pour remplir leur poche, mais avec l'épidémie, ceux-ci sont «introuvables». «J'ai déposé des dizaines de CV, partout», soupire Lamia. Avec un loyer de 207 euros et sans bourse, «on mange uniquement grâce aux tickets Restos», dit-elle. Cette originaire de Casablanca qui a «débarqué en France pour faire des études en ingénierie», cherche aujourd'hui un emploi mitemps pour l'aider à subvenir à ses besoins, surtout que son père, entrepreneur dans le secteur de l'évènementiel au Maroc, qui lui envoyait de l'argent mensuellement, est aujourd'hui «touché de plein fouet par la pandémie». Vaut mieux rester au «bled» ! «Au deuxième confinement, certains de mes amis ont craqué et sont rentrés au pays», nous confie Lamia sur un ton triste. La France a déjà été confinée à deux reprises, du 17 mars au 11 mai 2020, puis du 30 octobre au 15 décembre. Un couvre-feu est actuellement en vigueur, de 18h00 à 06h00, «ce qui fait que les jobs dans les restaurants le soir sont impossibles». Dans ce contexte défavorable, beaucoup s'effondrent psychologiquement. «Loin de la famille et des amis qui ont choisi de rentrer chez eux, je me suis retrouvée complètement perdue au premier confinement», nous déclare Nadia, qui a déjà obtenu son diplôme en études européennes et qui est en recherche active d'emploi... mais jusqu'à maintenant en vain. «C'est démoralisant. Après cinq ans d'études, c'est comme si nos diplômes ne valaient plus rien», soupire-t-elle, ajoutant que la compétition est très rude entre jeunes diplômés, sans parler de tous les demandeurs d'emploi plus âgés et plus expérimentés, ayant perdu leurs postes à cause de la crise sanitaire. «Si la situation n'évolue pas, je n'aurais plus d'autres choix que de retourner au bled», affirme Nadia. Par ailleurs, d'autres étudiants ont complètement jeté l'éponge. «Diagnostiqué dépressif» Anouar 20 ans a décroché et demande le redoublement. Cet étudiant en troisième année licence «sociologie», qui consulte un psychologue de l'Université, déclare «qu'il ne voit pas le bout du tunnel». L'état moral d'Anouar ne fait pas l'exception, une étude de France Bleu et franceinfo, baptisée «Avoir 20 ans en 2020», réalisée mi-janvier, indique que plus du tiers des jeunes sondés disaient avoir déjà consulté un professionnel de santé pour des questions d'ordre psychologique, ou affirment envisager de le faire. Même son de cloche du côté de Laurent Gerbaud, président de l'Association des directeurs de services de santé universitaire, qui a déclaré dans une interview avec le journal français Le Monde, que pendant le premier confinement, les demandes de consultation psychologique au sein de ces services ont connu une hausse allant de 56% à 83% selon les établissements. Cela dit, certains arrivent à tirer leur épingle du jeu. «Du jour au lendemain, tout a déraillé. Je suis passé de 1.800 euros à 1000», témoigne Allal, 27 ans, diplômé en Marketing et qui travaille comme barman. «Je ne vais pas mentir, la paie n'est pas comme avant, mais avec les pourboires on arrive à amortir le choc (...) mon loyer est payé, j'ai de quoi manger. Hamdollilah», dit-il sur un ton optimiste. «Personne ne m'envoie de l'argent, je suis donc obligé de trouver du travail. Si en Marketing y a pas eu de chance, il y a toujours moyen de chercher ailleurs», ajoute ce jeune dont l'espoir de travailler en entreprise s'est réduit en peau de chagrin. Bien qu'ils soient très différents l'un de l'autre, ces jeunes espèrent tous la même chose : «la fin du couvre-feu et de l'état d'urgence sanitaire, pour que le marché retrouve sa dynamique». Saâd JAFRI