Si le premier épisode du Hirak algérien a permis d'écarter Bouteflika, il n‘a pas réussi à se débarrasser de tous les caciques du système, encore moins de la poigne des militaires. L'épisode 2 achèvera-t-il la besogne ? Les manifestants ont investi encore une fois les rues du pays vendredi après-midi, un peu partout en Algérie. À Tizi Ouzou, Oran ou Alger, les partisans du mouvement sont revenus scander les slogans anti-militaristes et demander la fin du régime en place, dans ce qu'ils qualifient une « démonstration de la détermination du peuple algérien de continuer son combat pacifique pour arracher ses droits ». Pour eux le Hirak doit poursuivre son chemin. Les slogans restent les mêmes qu'il y a deux années, au lancement du mouvement. Mais depuis, pandémie du Covid étant, la crise économique a pesé encore plus sur la société algérienne, s'incrustant de plus en plus dans le débat. Et entre revendications politiques et éventuellement d'autres socio-économiques, autant le Hirak ne manque pas d'arguments qui légitiment le mouvement, autant on lui reproche de pécher par un trop de spontanéité. Une spontanéité qui entrave l'encadrement Car force est de reconnaitre que le Hirak, s'il a des figures de proue, il manque désespérément d'un ou de leaders. Pire encore, sa spontanéité entraverait son encadrement voire l'exposerait à quelque forme de récupération. Et comme l'explique la sociologue Amel Boubkeur dans une tribune publiée sur le journal Le Monde, « le hirak se retrouve aujourd'hui face à l'enjeu de repenser sa position dans le champ politique. Doit-il attendre une offre du régime ? Doit-il s'auto-organiser et cela en ignorant ou en collaborant avec la bureaucratie locale ? Comment redéfinir un processus de changement politique qui puisse régénérer de l'identification auprès des Algériens ? Comment passer d'une posture de résistance à celle d'une force de proposition ? Comment répondre aux défis quotidiens des citoyens sans un changement structurel ?» Autant d'interrogations auxquelles doit répondre le mouvement, surtout qu'en face, le pouvoir fait la sourde oreille aux revendications et agite une poigne de fer contre les manifestants. A l'issue des dernières manifestations, les autorités algériennes ont procédé à plus de 500 interpellations à travers le pays dont 120 dans la ville d'Oran. Certaines personnes arrêtées ont été relâchées en fin de journée, d'autres pas. Cela dit, la vague d'arrestations menée durant une année, le quadrillement par les forces de l'ordre pour empêcher des Algériens de rejoindre la capitale vendredi et les dépassements enregistrés lors de la marche des étudiants prouvent que le système n'a pas la volonté d'écouter le peuple, traduisent l'entêtement du pouvoir à ne faire aucune concession, du moins notoire, au mouvement, et acculent ce dernier à dépasser son caractère de mouvement de résistance à celui de mouvement de proposition. Le Hirak est appelé donc à gagner en maturité pour faire face à un pouvoir qui ne montre pour l'instant aucune volonté de suivre la vague.