Début 2021, l'Union européenne a ouvert une nouvelle page de son histoire. Suite à son retrait officiel à la fin de l'année dernière, la Grande-Bretagne a cessé d'appliquer les règles européennes et a introduit de nouvelles règles en matière de voyage, de commerce, d'immigration et de sécurité. Le geste marque la fin des mesures lancées en 2016, avec la campagne Brexit du premier ministre Boris Johnson, qui a mis fin à 47 ans de liens organiques entre la Grande-Bretagne et l'Union. Pour la première fois, l'UE a perdu un de ses grands membres. Son discours devant le peuple britannique quelques heures avant la sortie de l'Union est certes révélateur de la grande ambition de Boris Johnson. En parlant de « l'aube d'une nouvelle ère, » il les a rassurés en dépeignant ce qui s'est passé comme un moment historique. « Brexit n'est pas une fin mais un début » d'un « nouveau chapitre de notre histoire nationale. » La Grande-Bretagne, a-t-il dit, pourra en faire un « succès éclatant. » Son allocution reflète sa vision: l'UE n'est plus en phase avec les aspirations des Britanniques. La scission se révélait inévitable pour construire un avenir meilleur pour la Grande-Bretagne, on peut imaginer. Bien sûr, l'économie britannique et de nombreux secteurs internes vont connaître des changements structurels majeurs. Mais on s'interroge encore sur le résultat de ce détachement sur l'avenir de l'UE et de la GB, chacun de leur côté. Malgré l'optimisme du Premier ministre britannique quant à l'achèvement du Brexit, son implication dans le statut et le rôle mondial de la GB est toujours discutable pour beaucoup d'observateurs et de spécialistes. Parmi eux il y a des gens convaincus que la GB tirait une bonne partie de son pouvoir et son influence mondiale de son poids au sein de l'UE et de sa capacité à influer sur les décisions et les politiques des Etats de l'Union ces dernières décennies. D'autres estiment qu'une Grande-Bretagne sans Union sera grandement éprouvée et ne pourra pas réaliser le rêve de Bojo de construire une « Grande-Bretagne globale. » Ils trouvent que Brexit est en quelque sorte un suicide stratégique ou, pour le moins, une « automutilation » pour le Royaume-Uni. Quoi qu'il en soit, la sortie de la Grande-Bretagne du giron de l'UE est un cap important dans l'histoire du pays, dont l'impact est actuellement irréductible. L'idée elle-même n'a pas été partagée par la grande majorité des Britanniques. Ne perdons pas de vue que lors du référendum sur la sortie de l'Union européenne, 52 % des électeurs ont voté pour. A peu près 17,4 millions sur 30 millions d'électeurs ont voté oui. Ça signifie que près de la moitié des Britanniques sont peu contents de renoncer à tous les avantages liés à l'adhésion à l'UE, comme la liberté de circulation, la vie et le travail dans le reste de son territoire. On sait que la Grande-Bretagne a vu ses divisions internes s'accentuer après l'annonce des résultats du référendum, suivi de la démission de l'ancien Premier ministre David Cameron puis de Theresa May, qui avait mené les négociations pour la mise en œuvre de Brexit sans parviendre à unir les rangs britanniques. Si l'on ajoute à cela d'autres dossiers dans le cadre de la future relation euro-britannique, on peut sentir le degré d'incertitude autour de la situation de la Grande-Bretagne post-Brexit. De l'autre côté, l'Union n'a pas d'intérêt à voir la Grande-Bretagne faire cavalier seul. L'Europe a perdu un membre clé par son retrait. Elle est la deuxième économie européenne après l'Allemagne, et une puissance militaire nucléaire. Elle est un levier du statut et de la sécurité de l'Union, malgré son euroscepticisme en matière de sécurité en faveur du partenariat atlantique. De plus, le modèle commun européen de leadership, de politiques et de prise de décision sera inévitablement impacté. Le modèle, pour certains, fait douter de sa capacité à se tenir fort dans l'après-Brexit. Les tenants de ce point de vue envisagent d'autres scénarios de sortie, surtout si on tient compte du réchauffement nationaliste qu'ont connus de nombreux pays européens ces dernières années. S'agissant de la politique étrangère européenne conjointe et des répercussions de la nouvelle situation sur celle-ci, ce point fait autorité pour plusieurs Etats et blocs, y compris les Etats du Conseil de coopération du Golfe (CCG). L'Union européenne est un interlocuteur important dans la crise nucléaire iranienne. La sortie britannique intervient à un moment très sensible, tant en termes de tension militaire dans les dernières semaines du règne du président Trump entre le régime des mollahs iraniens et les USA, qu'en termes d'inauguration officielle du président américain élu Joe Biden le 20 janvier qui s'accompagne d'une controverse sur sa position concernant l'accord nucléaire. Il est peu probable que des changements profonds soient apportés à la position des membres du trio européen, à savoir l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France, et des signataires de l'accord P5+1 de 2015. Tout indiquait que l'accord nucléaire faisait l'objet de consensus et de coordination entre ces parties. De nombreuses déclarations conjointes signées par les trois pays reflètent un point de vue commun sur les développements actuels, à commencer par l'opposition à la décision du président Trump, mi-2018, de se retirer de l'accord nucléaire et le rejet de la proposition américaine d'imposer unilatéralement des sanctions internationales à Téhéran. Au bout du compte, un nouveau chapitre s'ouvre dans les relations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Il y aura à coup sûr des retombées différentes pour les deux parties et leurs intérêts stratégiques, peut-être même pour leurs relations avec d'autres parties internationales. Quels que soient les gagnants et les perdants du Brexit, on doit s'attendre à une nouvelle ère européenne qui se dessinera dans le temps. Un tel virage stratégique pourra accélérer la formation d'un nouvel ordre mondial pour l'après-coronavirus. Par Salem AlKetbi Politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral