Cauchemar pour les europhiles, libération pour les europhobes, le Brexit, ou sortie de la Grande-Bretagne de l›Union européenne, mais ce que David Cameron qualifie de «l'une des plus grandes décisions» d'une génération, représenterait un saut dans l'inconnu tant qu'aucun pays n'ayant jusqu'ici fait sécession du club. Le référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne se tiendra le 23 juin 2016. Au lendemain de l'accord arraché à Bruxelles à ses homologues européens, le dirigeant britannique a réitéré que le Royaume-Uni sera «plus fort, plus en sécurité et plus prospère au sein d'une union européenne réformée», lors d'une brève allocution devant le 10 Downing Street. L'UE, par la voix du président de la Commission Jean-Claude Juncker a affirmé qu'il n'y avait pas de plan B, et Downing Street n'a rien dans ses cartons : l'heure est donc à l'improvisation. Certains en ont même fait le thème d'un War Game (jeu de simulation), organisé fin janvier à Londres en présence d'anciens responsables européens. Et avec le scénario du Brexit, la discussion tournait rapidement au vinaigre. Première étape obligée cependant: les deux parties négocient cette sortie, comme le prévoit l'article 50 du Traité de Lisbonne. Les discussions doivent aboutir dans les deux ans, sauf prolongation d'un commun accord. De ces discussions dépend largement la suite : la Grande-Bretagne resterait-elle dans l'Espace économique européen (EEA) à l'instar de la Norvège ou l'Islande, et donc partie du marché unique, ou en sortirait-elle? Dans la City, plus importante place financière d'Europe, hostile à un Brexit, les scénarios sont déjà étudiés. Le président du géant bancaire européen HSBC, Douglas Flint, qui vient de choisir de rester à Londres, a souligné qu'il pourrait facilement délocaliser 1.000 emplois vers Paris. «Méfions-nous de ceux qui prétendent que quitter l'Europe conduit automatiquement au pays de Cocagne», a plusieurs fois averti le Premier ministre David Cameron. Selon une étude du think tank Open Europe, un Brexit coûterait environ un point en moins du produit national brut en 2030. «Quitter le marché unique et l'Union douanière ne serait pas compensé par la conclusion d'un nouvel accord commercial avec l'UE», estime l'étude, selon laquelle le pays «ne prospérera hors de l'UE qu'à travers une libéralisation commerciale et une dérégulation». Mais ouvrir ses frontières à la concurrence de pays à bas coût de main d'?uvre vient contredire la volonté affichée de limiter drastiquement l'immigration, point névralgique du Brexit. Une certitude dans les différents scénarios: le Royaume-Uni reprendrait le contrôle de ses frontières et limiterait l'immigration de tous les pays, y compris d'Europe de l'Est, privant leurs ressortissants de prestations sociales. Car le Parlement pourrait à sa guise abolir les règles de l'UE incorporées dans la loi britannique. Question subsidiaire: la police des frontières britannique resterait-elle stationnée en France, ou la France déciderait-elle d'arrêter les contrôles de son côté, laissant partir vers le Kent, via l'eurotunnel, les milliers de migrants bloqués dans l'insoutenable «Jungle» de Calais? Quant aux conséquences dans la vie quotidienne des citoyens de l'UE résidant au Royaume-Uni, traités comme tous les autres étrangers, ils auraient besoin d'un permis de séjour et d'un permis de travail. Et les pays de l'UE pourraient répliquer en appliquant les mêmes règles aux citoyens du Royaume-Uni. En matière de sécurité et de défense, on peut raisonnablement parier que tout le monde aurait intérêt à continuer la coopération et l'échange d'informations dans les domaines militaire et de la lutte anti-terroriste. Mais le rôle du Royaume-Uni sur la scène mondiale ne pourrait qu'en être affaibli: il est de fait un point d'entrée en Europe pour les grandes puissances, États-Unis et Chine. Les présidents américain Barack Obama et chinois Xi Jinping ont ainsi publiquement appelé Londres à rester dans l'UE. Autre conséquence annoncée: l'Écosse organise un nouveau référendum sur son indépendance, furieuse d'être divorcée de force d'une UE dont elle veut rester membre. Et cette fois, contrairement à 2014, la sécession passe. Quant à David Cameron, il entre dans l'histoire comme le Premier ministre qui a si mal man?uvré l'euroscepticisme consubstantiel à son pays qu'il l'a sorti de l'UE -- et en politique fiction, il est lui-même sorti du pouvoir pour être remplacé par l'eurosceptique Boris Johnson, maire de Londres et candidat à sa succession. Sans compter de possibles conséquences plus inattendues : rien n'empêcherait l'abandon du système métrique imposé par une régulation européenne en 2009 et le retour aux «mesures impériales», rendant enfin justice au groupe de pression des «Martyrs métriques».