Les événements se sont précipités cette semaine lorsque les manifestations se sont transformées en opération policière. Aujourd'hui, Redeyef, ville située à près de 60 km de Gafsa et point de départ des premières révoltes, est revenue au calme. Ses habitants sont surtout soulagés, après que les 14 personnes arrêtées mercredi pour « troubles sur la voie publique et de dégradation de biens d'autrui » ont été relâchées. Restait le sort des huit personnes mises en garde à vue. Elles ont finalement été relaxées jeudi soir après avoir été déférées devant le parquet. Parmi elles, figurent l'un des responsables syndicaux, Adnane Hajji. Selon un communiqué du Comité pour le respect des libertés et des droits de l'homme en Tunisie (CRLDHT), le porte parole du mouvement de protestation populaire des familles des miniers a particulièrement été mis à mal, car il souffre d'une insuffisance rénale. Cette semaine a été mouvementée. Cependant, la révolte sociale gronde depuis quatre mois déjà dans le bassin minier de Gafsa. Tout a commencé le 5 janvier dernier lors de la publication des résultats du concours d'entrée organisé par la Compagnie de phosphate de Gafsa, le principal employeur de la région. Les résultats étaient « entachés de fraudes évidentes, de favoritisme et de népotisme », indiquent plusieurs communiqués de presse des associations de travailleurs et de défense des droits de l'homme. Depuis, de nombreuses manifestions de protestation et des grèves ont éclaté dans plusieurs secteurs d'activité. Jeunes diplômés, femmes au foyer, syndicalistes, enseignants, sympathisants y ont participé « toutes générations confondues », affirme Abderahman Hedili, responsable du Comité de soutien de Gafsa en Tunisie. L'agitation sociale a atteint son paroxysme cette semaine lorsque des centaines de manifestants se sont retrouvés encerclés par les forces de l'ordre à Redeyef. Selon plusieurs sources, la ville était assiégée depuis lundi. Le calme est revenu depuis hier soir. Les barrages semblent avoir disparu. Mais la présence policière est toujours forte. Vidéo des manisfestations de Redeyef Contexte social grave Les causes de la révolte sont plus profondes dans le gouvernorat de Gafsa, où le phosphate est bien l'une des rares richesses du gouvernorat de Gafsa. Le taux de chômage y est nettement supérieur à la moyenne nationale. Elle atteint jusqu'à 40% dans certaines zones (26,7% à Redeyef ; 38,5% à Oum Lârayes) contre une moyenne nationale qui s'établit à 14,1% en 2007. Les jeunes diplômés sont les plus touchés par ce fléau. « Alors quand on leur a appris que la plupart d'entre eux n'étaient pas recrutés, ils se sont sentis révoltés », explique Fethia Chaari, membre du Comité de soutien en France. Mais les jeunes ne sont pas les seuls à se plaindre. Aujourd'hui, la région du sud-ouest tunisien est l'une des plus oubliées du pays. Les zones côtières et le nord sont favorisés au détriment des autres territoires. Résorber le chômage reste donc l'une des revendications les plus fortes. Outre la demande d'annulation des résultats du concours, les revendications portent aussi sur un programme d'embauche des diplômés sans emploi à travers une implication accrue de l'Etat tunisien dans la création de grands projets industriels et davantage de fonds alloués au développement de la région. Mais les autorités font la sourde oreille pour l'instant. Manifestations massives en vue Selon Fethia Chaari, « tant que les revendications ne sont pas remplies, les rassemblements continueront ». Une nouvelle manifestation de soutien à la population locale sera organisée dimanche 13 avril en Tunisie mais aussi en France et en Belgique. « Ce mouvement dépasse le seul cadre tunisien. Nous avons reçu le soutien de travailleurs marocains et algériens. » Mais cela suffira t-il à faire plier les autorités tunisiennes ? Le pays a été salué par le Conseil des droits de l'homme cette semaine pour son rapport. A l'occasion de l'Examen périodique universel (EPU), nouveau mécanisme d'évaluation du respect des obligations des Etats en matière des droits de l'homme, le régime a su convaincre les membres du jury onusien de la respectabilité de la Tunisie. Une déception pour les organisations de défense des droits de l'homme, dont la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme (LTDH) ou encore le Conseil National pour les Libertés en Tunisie (CNLT), qui ont manifesté leur soutien à la population locale. Un appui qu'ils comptent bien lui renouveler dimanche.