Bachar el-Assad serait-il suicidaire ? En ne voulant rien lâcher, le régime syrien creuse sa propre tombe. Depuis huit mois, le président syrien et ses fidèles - le clan Assad et une large partie de la communauté alaouite minoritaire - ont fait le pari que la répression sanglante, plus de 3600 morts, aurait raison des manifestants. Les conseillers iraniens de Bachar el-Assad l'assurent que cette politique répressive a montré son efficacité au pays des mollahs. La Syrie n'est pas l'Iran. A Homs, Hama, Deir er-Zor, Damas maintenant…, ce sont les classes moyennes, majoritairement sunnites, qui descendent dans la rue, et non seulement les jeunes comme en Iran. A Téhéran, les manifestations avaient été initiées par des contestataires issus du système religieux. Ils protestaient contre l'élection truquée de Mahmoud Ahmadinejad, mais ils ne voulaient pas obtenir la fin du régime. Le cas syrien est différent. Cette semaine a marqué un tournant dans le processus d'isolement du régime de Bachar el-Assad. Sur le plan intérieur d'abord. Chacun sait, à commencer par les opposants, que la chute de Bachar el-Assad n'aura lieu que si l'armée fait défection, comme en Tunisie ou en Egypte. Or les officiers appartiennent presque tous à la minorité alaouite. Leurs destins sont liés à celui des Assad. Récemment pourtant, les défections de militaires se sont multipliées. Des soldats refusent de réprimer la population. Ils sont encore peu nombreux. 200 à 300 d'entre eux ont formé l'embryon d' une «Armée syrienne libre» qui se cache au Liban et en Turquie et espère se doter en armes. Ces jours-ci, pour la première fois, des membres des services de renseignements, les fidèles d'entre les fidèles du régime, ont attaqué des locaux des renseignements. Sur le plan diplomatique, c'est la Bérézina pour Bachar el-Assad. A l'exception du Liban, du Yémen et de l'Irak, la Ligue arabe a voté l'exclusion de la Syrie de ses rangs. C'est la troisième fois que cette organisation, souvent si divisée, prend une telle décision. La première fois, c'était contre l'Egypte en 1979, la deuxième contre le Yémen au printemps dernier. Tous, à commencer par le Qatar et l'Arabie Saoudite, chefs de file de la contestation contre Damas, comprennent qu'ils ne peuvent rester silencieux devant la sanglante répression syrienne qui pourrait, un jour, pousser leurs propres citoyens à les contester aussi ou imposer une intervention extérieure «à la libyenne». Mercredi, à Rabat, les pays de la Ligue arabe ont décidé de rappeler leurs diplomates de Syrie pour accroître leurs pressions. La France a suivi le mouvement tandis que l'Union européenne et la Turquie imposaient de nouvelles sanctions. Ankara a mis fin à des prospections pétrolières communes et menace de cesser ses fournitures en électricité. L'UE a coupé l'aide financière : suspension des activités de la Banque européenne d'investissement tandis que 18 nouveaux Syriens, des militaires, ont été privés de visas en Europe et ont vu leurs avoirs gelés. Bachar el-Assad peut encore saisir la balle au bond. La Ligue arabe lui propose d'ouvrir un dialogue avec l'opposition extérieure. Va-t-il s'y résoudre ou parier sur la réelle division de cette dernière ? A moins qu'autiste, il ne s'enferme dans sa tour d'ivoire, pariant désormais sur le déclenchement d'une guerre civile.