Terroriser. Telle est la tactique du pouvoir syrien depuis le début des manifestations pour la liberté qui ont débuté à Derra, le 18 mars 2011. Neuf cents personnes ont été tuées, plus de 8000 ont été arrêtées et sont systématiquement tabassées et torturées. Chaque début de semaine, des contestataires sont relâchés, le visage tuméfié, le corps brûlé, pour qu'ils puissent dissuader leurs proches de manifester le vendredi suivant. Peine perdue. Les manifestants ne désarment pas. La répression non plus. L'horreur est telle que le Premier ministre turc, dont le pays est pourtant en bons termes avec les responsables syriens, comparait récemment la répression actuelle avec ce qui s'était passé à Hama, en 1982. A l'époque, le président Hafez el-Assad, le père de l'actuel chef de l'Etat, Bachar el-Assad, avait fait raser une partie de la ville tenue par les Frères musulmans. Il y avait eu plusieurs milliers de morts. La comparaison est certes inexacte. Néanmoins, c'est une guerre qui se déroule aujourd'hui en Syrie. Une guerre lancée par le clan Assad contre son propre peuple, pour se maintenir à tout prix au pouvoir. Une guerre contre laquelle l'extérieur est impuissant. Voilà des semaines que la Turquie, l'Union européenne, les Etats-Unis exigent d'Assad qu'il mette fin à la répression et entame des réformes. Peine perdue. L'extérieur a peu de moyens de rétorsion sur la Syrie et ses dirigeants. Certes, le 23 mai, l'UE a interdit de visa Bachar el-Assad et a décidé de geler ses avoirs en Europe. Cette décision avait déjà été prise à l'encontre de vingt-deux autres responsables auparavant, dont le frère du président Maher, et plusieurs de ses cousins. Parallèlement, l'UE a décidé de mettre un embargo sur les armes à destination de la Syrie et d'appliquer des sanctions économiques contre le pays. On peut craindre que les responsables syriens n'en aient cure. Les décisions européennes sont de l'ordre du symbole. Les canaux de financement de la Syrie ne passent pas par l'Europe mais par l'Iran. Téhéran aide financièrement la Syrie avec laquelle elle a signé un accord stratégique il y a quelques années. Des pasdaran iraniens sont en Syrie et on affirme aujourd'hui qu'ils donnent des conseils aux organismes sécuritaires syriens. Une évidence : la tactique qui consiste à torturer puis à relâcher les contestataires pour faire peur à leur entourage a été employée par les Iraniens lors des manifestations à répétition contre la réélection du président iranien, Mahmoud Ahmadinejad. En fait, les Occidentaux ont d'autant moins de moyens de pression sur la Syrie qu'ils craignent un départ de Bachar el-Assad. Ils souhaitent que celui-ci se réforme son régime, non qu'il quitte le pouvoir. Chacun craint qu'une arrivée de la majorité sunnite au pouvoir à Damas ne s'accompagne de règlements de compte sanglants contre la minorité alaouite. Les chrétiens eux-mêmes (15% de la population) souvent dans les affaires, craignent le départ de Bachar el-Assad. Pour les Occidentaux, des troubles en Syrie se propageraient dans tout le Proche-Orient, déstabiliseraient le faible Liban et risqueraient d'atteindre Israël. Nul n'en veut.