Tentant d'apaiser les tensions, le président syrien Bachar Al Assad a formé jeudi un nouveau gouvernement et a ordonné la libération des personnes arrêtées depuis le début du mouvement de contestation. La répression du mouvement pour la démocratie a fait 200 morts selon les estimations de la Déclaration de Damas, principal comité syrien de défense des droits de l'homme. Assad, qui n'a pas levé l'état d'urgence en vigueur depuis 1963 ni l'interdiction des mouvements d'opposition, a répondu par un mélange de répression brutale et de timides gestes d'ouverture. Jeudi, il a ordonné la libération de tous les détenus arrêtés durant la récente vague de contestation, hormis les auteurs de crimes "contre la nation et les citoyens", rapporte la télévision d'Etat. Il a par ailleurs formé un nouveau gouvernement qui sera dirigé par Adel Safar, qui était ministre de l'Agriculture dans le gouvernement de Nadji al Otari qui a démissionné le 29 mars, après plus d'une semaine de manifestations dans la ville méridionale de Deraa qui se sont ensuite propagées à d'autres parties du pays. Les autorités syriennes se sont en outre engagées à remplacer la police secrète par une présence militaire dans la ville côtière de Banias, dans l'ouest du pays, l'un des hauts lieux de la contestation contre le président. Les chars des forces de sécurité syriennes encerclent la ville à la suite d'une manifestation durant laquelle ont été lancés vendredi dernier des appels au renversement du régime. La décision de jeudi a été prise à Damas par un responsable du parti Baas au pouvoir, des imams et des représentants de Banias, à la veille de la journée de prière hebdomadaire qui est souvent l'occasion des plus grandes manifestations. "Des habitants de Banias arrêtés ces dernières semaines ont déjà été libérés", a indiqué l'Observatoire syrien pour les droits de l'homme. "L'armée va se déployer mais il y a aussi la promesse de retirer la police secrète (...) et d'améliorer les conditions de vie." Selon la chaÂŒne Al Djazira, l'armée syrienne a informé les habitants de Banias qu'elle allait entrer dans la ville mais ne s'en prendrait pas à la population. Un militant accuse les "chabbihas", miliciens fidèles à Assad, d'avoir tué quatre personnes dimanche à Banias, des attaques qui ont renforcé les tensions entre la majorité sunnite et la minorité alaouite - une branche du chiisme - au pouvoir. La police secrète joue un rôle majeur dans la répression du mouvement d'opposition au président syrien. Des militants des droits de l'homme l'accusent d'avoir procédé à l'arrestation de tous les hommes de moins de 60 ans mardi à Baida, petit port situé à 10 km de Banias. Du fait de la présence massive de la police secrète, des sermons favorables au régime de prédicateurs payés par l'Etat et de l'attentisme de la classe marchande sunnite, les grandes manifestations n'ont pas atteint les centres-villes de Damas et d'Alep, les deux premières agglomérations du pays. Le mouvement n'a pas atteint l'ampleur des révolutions tunisienne et égyptienne, qui ont abouti au départ des présidents Zine ben Ali et Hosni Moubarak. Mais les régions sunnites situées le long de la côte continuent de se rebeller malgré les vagues d'arrestation. La dernière preuve en est la manifestation qui a rassemblé mercredi des centaines de femmes à Baida, où elles ont réclamé la libération de leurs 350 maris arrêtés la veille. Environ 300 personnes ont par ailleurs manifesté jeudi pour la liberté dans la ville de Soueida, fief de la communauté druze de Syrie, selon un témoin. Les ambassadeurs de France, d'Allemagne, d'Italie, d'Espagne et de Grande-Bretagne en Syrie se sont inquiétés jeudi à Damas de l'escalade de la violence auprès du ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem. "Les ambassadeurs ont exprimé leur opposition à toute forme de violence quelle qu'en soit la motivation ou l'origine", rapporte le ministère français des Affaires étrangères. Ils ont également appelé le gouvernement syrien à "répondre aux demandes légitimes du peuple syrien en mettant en oeuvre de manière urgente un programme crédible de réformes politiques afin d'assurer une stabilité durable en Syrie."