Promesses d'annulation de l'état d'urgence et de l'instauration de mesures anti-corruption, annonce par la télévision officielle de la relaxation des détenus arrêtés lors des évènements qui ont secoué la Syrie ces derniers jours, et enfin promulgation d'un décret stipulant "une augmentation des salaires" immédiate. Ces annonces interviennent alors qu'a été lancé un nouvel appel à manifester vendredi dans tout le pays, théâtre depuis le 15 mars d'un mouvement de contestation sans précédent contre le régime. Un mouvement de contestation sans précédent a débuté le 15 mars en Syrie à la suite d'un appel via une page Facebook intitulée «la révolution syrienne contre Bachar al-Assad 2011», à des manifestations pour «une Syrie sans tyrannie, sans loi d'urgence ni tribunaux d'exception». Confronté à cette révolte populaire sans précédent depuis plus de 20 ans, le président Bachar Al Assad a fait savoir qu'il n'avait pas donné l'ordre de tirer sur la foule à Deraa. Sa conseillère, Bouthaïna Chaabane, a annoncé que le chef de l'Etat allait mettre sur pied une commission pour étudier la levée de l'état d'urgence en vigueur depuis 1963. Enfin, Assad a promis une législation sur la liberté de la presse ainsi que sur les partis politiques. Quelques instants plus tard, on apprenait toutefois que le militant des droits de l'homme et défenseur de la liberté d'expression Mazen Darouiche avant été arrêté par la sécurité. Il avait participé la semaine dernière à une manifestation en faveur de la libération des prisonniers politiques, une des principales revendications des opposants syriens. Ceux-ci ont d'ailleurs rejeté comme trop timides les mesures annoncées par Chaabane, insistant sur la libération rapide des milliers de détenus politiques, la levée immédiate de l'état d'urgence et le rétablissement des libertés d'expression et de réunion. La Syrie a relâché tous les militants arrêtés lors des "récents évènements", a rapporté jeudi soir la télévision d'Etat, peu après l'annonce par les autorités d'une série de mesures en réponse aux manifestants. "D'après une directive du président Bachar al-Assad, toutes les personnes détenues lors des récents évènements ont été libérées", a rapporté la télévision d'Etat. Par ailleurs, le président syrien a promulgué jeudi un décret stipulant "une augmentation des salaires" immédiate pour les employés de la fonction publique, a annoncé l'agence officielle Sana. Cette annonce intervient alors que la Syrie est le théâtre depuis le 15 mars d'un mouvement de protestation contre le régime, notamment dans le sud du pays, qui a fait plus d'une centaine de morts, selon des militants des droits de l'Homme. Les salaires de moins de 200 dollars seront augmentés de 30%, et les salaires de 200 dollars et plus seront augmentés de 20%, indique le décret. La pauvreté touche 14% des 22 millions de Syriens, selon le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Le chômage frappe 20% de la population active, selon des experts économiques indépendants. Le gouvernement avait annoncé ces derniers mois sa volonté d'investir 14 milliards de dollars dans le développement humain dans le cadre d'un plan quinquennal (2011-2015). Jeudi, 20.000 personnes au moins se sont rassemblées dans le cimetière sud de Deraa pour les funérailles de plusieurs manifestants tués la veille, selon des témoins. Le cortège s'est mué en manifestation politique. "Le sang des martyrs ne sera pas versé en vain", ont scandé les participants. Si la présence de la police secrète et de la police spéciale, en uniforme noir, était plus visible que depuis le début des troubles, vendredi dernier, l'armée était en retrait. Mais d'après des témoins, plusieurs centaines de soldats armés de fusils automatiques AK-47 ont fait leur apparition, patrouillant sous la pluie dans les rues de la ville, et des dizaines étaient en faction aux principaux carrefours pour empêcher les rassemblements publics. Des voyageurs croisés à proximité de la ville disent avoir vu mercredi soir des convois militaires qui auraient transporté jusqu'à 2.000 soldats vers Deraa. La ville, située à une centaine de km au sud de Damas, a longtemps été un fief du parti Baas au pouvoir depuis le coup d'Etat de 1963. Nombre de ses cadres viennent de cette région. Mais elle est devenue ces derniers jours le foyer le plus actif du mouvement de contestation du régime du président Bachar el Assad, qui a imputé les troubles à des "éléments extérieurs" et à des "bandes armées". Selon des militants des droits de l'Homme et des témoins, plus de 100 personnes ont été tuées mercredi à Deraa (sud) par les forces de l'ordre, et des dizaines de personnes interpellées ces derniers jours. À Damas comme en province, le mur de la peur qui empêchait toute contestation semble également se fissurer. Des affiches autres que celles, omniprésentes, à la gloire du président Assad et des "réalisations historiques" du parti Baas, ont fait leur apparition. Elles réclament toutes la "Liberté". Le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, a réclamé une "enquête transparente" sur les violences de mercredi. A Paris, le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a de nouveau exhorté la Syrie à engager des réformes politiques. "Nous l'appelons à cesser la répression, écouter la voix du dialogue et des changements démocratiques", a-t-il dit à la presse. Son homologue britannique, William Hague, a quant à lui invité Damas à respecter le droit de son peuple à manifester pacifiquement. Guido Westerwelle, chef de la diplomatie allemande, a exigé la fin immédiate des violences.