L'UE a notifié mardi, sa décision d'imposer des sanctions contre la Syrie. Embargo sur les armes, short-liste de treize personnes proches du pouvoir dont les avoir ont été gelés, avec interdiction de voyager sur le sol européen… Quelles en seront les répercutions ? Analyse. En multipliant les prises de prisonniers politiques, en maintenant la pression sur la population avec les chars de l'armée qui envahissent les villes qualifiées « de berceau de la contestation », comme à Deraa et Baniyas et en perquisitionnant les domiciles un par un, le régime syrien est peut-être en passe de maitriser le mouvement de protestation, qui dure depuis plus deux mois dans le pays. A moins que les révolutionnaires décident d'aller jusqu'au bout, quitte à y laisser la vie, le constat sur place est pour le moins défaitiste. Car la pression, la tuerie, les menaces sur les familles d'expatriés syriens qui témoignent dans les journaux étrangers – et qui demandent dorénavant de ne plus être cités – découragent de plus en plus les Syriens pris en otage par un régime déterminé à faire cesser la contestation. Au point où les jeunes protestataires se sentent abandonnés par la communauté internationale. Et pour cause, si l'UE a décidé de sanctionner treize personnes proches du régime, « responsables » selon elle, de la répression sanglante, Bachar El Assad est pour sa part exempt de toute sanction. Ce qui représente un coup dur pour la contestation, qui ne voit aucune intention de la communauté internationale de renverser le président syrien, et qui lui laisse, de fait, les mains libres pour aller au bout de la contestation. D'ailleurs, dans un entretien accordé au New York Times, une conseillère de Bachar El Assad, Bouthaina Chaâbane, a estimé que le gros de la révolte est passé et que le « moment le plus dangereux est derrière nous ». Coup de com' ou vérité du terrain ? On en saura plus dans les prochains jours. Dans le communiqué livré par l'UE, l'embargo agira sur « les ventes d'armes et les équipements pouvant servir à la répression intérieur ». Soit, les européens ne vendront plus d'armes au régime El Assad, pour le moment. Seulement, est-ce suffisant ? Les relations très étroites du régime en place avec la Russie et l'Iran, rendent visiblement ces sanctions très difficilement applicables. Damas n'aura aucun problème à se ravitailler en armes en cas de besoin. Et si les sanctions ne visent que l'entourage de Bachar El Assad, c'est en partie pour ne pas griller la carte de la diplomatie envers le président syrien. Parce qu'ils voient plus loin que la crise actuelle. Géopolitiquement, la Syrie est un allié de l'Iran et un ennemi déclaré d'Israël. Depuis plus de dix ans, et avant même que la crise ne commence en Syrie, la communauté internationale multiplie les gestes diplomatiques envers Damas, afin de casser sa relation avec l'Iran. Faire du régime en place un ennemi déclaré de l'Onu, c'est sceller définitivement l'amitié irano-syrienne. Israël se sentira d'avantage menacé et la déstabilisation de la région sera accentuée. Comme tout porte à croire que Bachar El Assad fera ce qu'il faut pour aller au bout de la contestation syrienne, la diplomatie subtile de l'UE envers Damas prend tout son sens. Si la déclaration « exhorte » le chef de l'Etat à « engager des réformes », à instaurer « un dialogue national » et à « éviter de nouveaux bains de sang », cela veut dire, peut-être, que si le régime ne tombe pas, qu'il fasse au moins l'essentiel pour engager les reformes escomptées, en mettant un pied dans l'ère de la démocratisation des pays arabes. Ce que compte visiblement faire le président syrien, qui a affirmé dimanche dans le quotidien proche du pouvoir Al Watan, que « la crise va s'arrêter, et les réformes administratives, politiques et des médias vont avancer ». Il va de soit que si Bachar El Assad engage effectivement ces réformes, il entrera dans une nouvelle ère de la légalité, et sa relation avec la communauté internationale pourra être à nouveau rétablie. Pour l'heure, selon les principales ONG, entre 600 et 700 personnes ont été tuées et au moins 8 000 personnes interpellées, depuis le début du mouvement de contestation mi-mars.