Elle s'appelle Saida, elle a 15 ans, cette jeune fille a été violée par son voisin de quartier. Sa famille porte plainte, le violeur est arrêté, il reconnait les faits qu'ils lui sont reprochés. La famille de ce dernier propose que les deux jeunes se marient, et la famille de Saida accepte pour éviter l'humiliation à leur fille. La jeune fille ne bronche pas et accepte. Ce «deal» surréaliste, où le violeur se marie avec sa victime, est même officialisé par l'article 475 du Code pénal (CP) et avec la bénédiction du juge devant lequel Saida se présente quelques jours après pour innocenter son actuel violeur et futur mari. Un code patriarcal et conservateur Au royaume des contradictions, le Maroc est roi et le Code pénal est la constitution de ces aberrations. La persistance de ce genre de pratiques ont poussé vingt deux associations féministes à fonder le collectif «Printemps de la Dignité en mars 2010 pour exiger «un droit pénal qui protège les femmes de la discrimination et de la violence», peut-on lire dans la plate-forme de ce collectif. Pour rappel, le Code pénal actuel date de 1962. Samira Bikarden est la présidente Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM)-section de Rabat et Coordinatrice de la coalition «Printemps de la Dignité». Pour Samira, et malgré les amendements apportés en 2003 au CP, ce texte «continue à présenter plusieurs limites». Sa philosophie est patriarcale et conservatrice, sa structure est imprégnée d'une approche sécuritaire conférant la priorité à l'ordre public au détriment des libertés individuelles et des droits fondamentaux. Selon S. Bikarden, ce texte juridique réduit les femmes à des corps à surveiller et ne leur procure pas une protection effective et efficace contre les diverses formes de discrimination et de violence. «Printemps de la Dignité» cite des exemples pour appuyer sa position. Article 475. Un si doux viol ! «Certaines dispositions du code pénal sont dégradantes et inconcevable, comme les poursuites pénales à l'encontre du violeur qui cessent automatiquement si ce dernier accepte d'épouser sa victime mineure et nubile, sous prétexte de sauvegarder l'honneur de la fille et de sa famille, laquelle disposition est plutôt souvent utilisée dans les cas de viols pour annuler les poursuites à l'encontre du violeur», explique S. Bikarden. Article 488. Viol avec défloraison, le must L'autre exemple tout aussi choquant c'est celui le maintien de la défloration comme circonstance aggravante du viol. «Au lieu de punir l'acte criminel et les conditions dans lesquelles il a été commis, le législateur se base sur l'état de la victime pour déterminer la nature de la punition», s'indigne la coordinatrice de «Printemps de la Dignité». De l'article 449 à 459. Avortement, allez voir ailleurs Le droit à l'avortement interdit et puni selon les 449 à 459 est également à revoir selon les associations féministes. Fouzia Assouli, présidente de la Ligue démocratique des droits de la femme (LDDF), membre également du «Printemps de la Dignité» fait de cette revendication «un droit majeur pour la femme marocaine». S. Bikarden abonde dans le même sens, «l'incrimination de l'avortement pousse des centaines de femmes et de jeunes filles à recourir quotidiennement à cette pratique dans le clandestinité absolue et dans des conditions souvent non médicalisées risquant ainsi à d'énormes dangers pour leur vie», avertit-elle. Article 490. Un mois à un an pour relation sexuelle «Printemps de la Dignité» veut également voir disparaitre l'article 490, relatif aux poursuites pénales en cas de relations sexuelles hors mariage entre deux personnes de sexes différents. «Ce texte a pour conséquent de conduire les femmes célibataires enceintes à abandonner leurs enfants ou à commettre des infanticides», argumente S. Bikarden. En attendant le CNDH «Le texte actuel condamne de prison les personnes qui hébergent des épouses qui ont quitté le domicile conjugal. Donc, il peut criminaliser même le travail d'associations de lutte contre la violence à l'égard des femmes qui accueillent des épouses violentés», ironise F. Assouli «Ce code a été élaboré dans un contexte conflictuel au Maroc, datant d'une époque marquée par l'oppression. À la lumière de la nouvelle constitution le code pénal doit être révisé en respectant les droit humains», espère la présidente de la LDDF. Un chantier de révision du Code a été ouvert en 2009 par le Conseil consultatif des droits humains, ce dossier est sur la table du nouveau Conseil national des droits humains (CNDH).