Lors de l'élection présidentielle française de 2007, les observateurs ont loué la capacité de Nicolas Sarkozy, à "siphonner" l'électorat du Front national. C'était le mensonge du siècle. Marine Le Pen, prenant la succession de son père, avait une rampe de lancement, appelée justement Sarkozy. L'extrême droite française a été banalisée par les effets conjugués de deux tendances. La première, la plus importante, est l'imposition de ses thèmes favoris comme des thèmes centraux de la vie politique française. L'immigration, la préférence nationale, l'insécurité ne sont plus des thèmes tabous. Le point d'orgue est le lien entre les trois. Or, N. Sarkozy en a fait le centre de son programme. Lier l'insécurité à l'immigration n'est plus une attitude jugée "raciste" en France. C'est la position du président de la république. Toutefois, il n'a réduit ni l'immigration, ni l'insécurité. Dès lors, il était évident que le Front national récupérerait ce fonds de commerce, parce que les électeurs vont préférer l'original à la copie. La banalisation des idées du FN, leur intégration au débat politique, non pas comme des opinions ostracisées mais comme des opinions populaires, réalistes ou présentées comme telles, ont fini par produire un effet prévisible, mais que les élites françaises n'ont pas prévu : le front national reprend des couleurs. Or justement, Jean-Marie Le Pen a laissé la place à sa fille. Ils ont les mêmes convictions, mais pas le même style. Le père est antigaulliste. Il est le produit de la droite maurassienne. Sa fille n'en pense pas moins, mais elle est assez libre par rapport à ce passé. Elle préfère un discours "nationaliste" moins choquant pour les Français, peu sensibles à un discours remettant en cause la résistance, de Gaulle et ce qui fonde la cinquième république. Aux combats perdus du sergent Le Pen, elle préfère substituer le combat contre les élites mondialisées, l'Europe, l'immigration. L'histoire est ainsi faite, la droite gaulliste, choisissant l'étendard de Sarkozy, fait le lit de l'extrême droite. Marine Le Pen est presque assurée d'être au deuxième tour de la prochaine élection présidentielle française. Il faut arrêter, de ce côté-ci de la Méditerranée, d'avoir des jugements moraux sur la vie politique et son évolution en Europe. Nous risquerions de nous retrouver dans des situations d'affrontement frontal. L'Europe, d'essence catholique, n'a pas réussi à intégrer les immigrants africains. L'échec est sûrement lié aux politiques du logement et de l'intégration. C'est un débat que l'on ne peut mener à des millions de kilomètres. La réalité est que l'extrême droite européenne est aux affaires et que la question de l'immigration, mais aussi l'Europe, lui sert d'ascenseur. Dans l'interview qu'elle nous accorde, Marine Le Pen développe ses idées et défend ses convictions. Nous ne les partageons pas, mais il est impératif de les faire connaître aux lecteurs marocains, parce que l'extrême droite n'est plus marginale en Europe.