Faut-il fermer la pharmacie centrale de la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS), gestionnaire de l'Assurance maladie obligatoire (AMO) des fonctionnaires de l'administration ? Légalement, la réponse se trouve dans l'article 44 de la loi 65-00, concernant le code de la couverture médicale de base : «il est interdit à un organisme gestionnaire d'un ou de plusieurs régimes d'assurance maladie obligatoire de base,de cumuler la gestion de l'assurance maladie avec la gestion d'établissements assurant des prestations de diagnostic […] ou des établissements ayant pour objet la fourniture de médicaments…». Selon ce texte adopté en 2002, la pharmacie de la CNOPS devait fermer en 2005. Lobbying des pharmaciens Les premiers à demander la fermeture de cette structure sont les pharmaciens, «la CNOPS est dans l'illégalité absolue. Cette situation oblige des patients à faire de très longues distances jusqu'à Rabat, où se trouve le siège de la pharmacie en question, pour prendre leurs médicaments. C'est anormal», avance Oualid Amri, Président du syndicat des pharmaciens de Casablanca (SPC). Même son de cloche de la part de son collègue Abderrahim Hamdoune, président du Syndicat des pharmaciens de Marrakech (SPM) : «Nous ne demandons pas la fermeture, mais nous exigeons le respect de la légalité. La CNOPS ne peut être juge et avocat». En réaction aux demandes des pharmaciens, Abdelaziz Adnane, directeur de la CNOPS réagit : «ils ont raison de demander cette fermeture, nous sommes quasiment hors la loi. En plus nous ne savons pas gérer une pharmacie, ce n'est pas notre métier. On espère cesser cette activité avant 2012». En juin 2010, A. Adnane avait annoncé la fermeture de la pharmacie à la fin de 2010. Or cet acte doit être précédé, selon lui, par le fait que «les pouvoirs publics jouent leur rôle, en réduisant les prix des médicaments. Les grossistes doivent réduire leur marge, qui s'établit actuellement à 10%, ainsi que les pharmaciens dont la marge est de 30%. L'enjeu est de taille pour tous les citoyens et non pas uniquement pour la CNOPS». Pour nos deux pharmaciens, les officines se sont «déjà engagées sur des marges de 5% pour les traitements des Affectations de longue durée (ALD). On va vendre ces médicaments au même prix», promet O. Amri. Un engagement pris lors de la réunion du 12 novembre 2010, tenue au siège du ministère de la Santé, et au cours de laquelle les représentants des pharmaciens (Ordre et syndicats) ont rencontré Yasmina Baddou pour discuter des mesures à prendre pour faciliter l'accès des médicaments aux citoyens. Il en est résulté, en plus des recommandations du rapport de Business consulting group (BCG), des mesures proposées par Y. Baddou «pour juguler toute dispensation de médicaments non conforme aux dispositions de la loi 65-00, notamment par la CNOPS». Plusieurs congrès et colloques sont organisés pour discuter de cette question, le dernier en date étant celui des 21 et 22 janvier 2011 à Marrakech avec un intitulé évocateur : «le monopole pharmaceutique et les contraintes socio-économiques actuelles, quelles perspectives ?». «Le secteur pharmaceutique manque de transparence. La corruption y est très présente.» Abdelaziz Adnane, directeur de la CNOPS Propos recueillis par S.L. L'Observateur du Maroc. Comment a été perçue, par le secteur pharmaceutique, votre décision de n'acheter en priorité que des génériques ? Abdelaziz Adnane. Depuis cette décision, nous constatons que les prix ont baissé. Même les multinationales, qui avaient des prix très élevés, commencent à mettre sur le marché des génériques équivalents. Parfois, les baisses des prix ont atteint 70%. Il y a une dynamique de baisse des prix. Nous avons relevé positivement l'adhésion des prescripteurs comme les oncologues : les 4 ou 5 centres d'oncologie au Maroc ne prescrivent que les génériques. Même chose pour les néphrologues. D'autres prescripteurs seront contactés pour aller dans ce sens. Le taux de pénétration des génériques aux Etats-Unis dépasse les 60%, alors que nous, pays pauvre, nous sommes entre 25 et 30%. Maintenant, nous souhaitons que ces efforts soient relayés par les pouvoirs publics pour harmoniser les prix au niveau national. Pourquoi demandez-vous cette mesure? Actuellement, on retrouve une multitude de prix pour un même produit, ce qui n'avantage pas la transparence du secteur. Prenons l'exemple d'un anticancéreux. Chaque laboratoire le commercialise à un prix différent. Des fois même on trouve le même produit avec le même nom commercial mais à des prix différents. Le prix de ce produit différera de celui de la pharmacie de la CNOPS, celui des hôpitaux publics ou des cliniques privées. Le même fabriquant qui vend le même produit à des prix différents. C'est une situation qui n'est pas saine et la transparence dans le secteur se trouve bafouée. Le ministère de la Santé joue-t-il pleinement son rôle de régulateur ? Il devrait s'impliquer d'avantage, de manière très forte, parfois de manière directive dans le secteur. On ne devrait pas attendre le consensus pour fixer tel ou tel prix. Il faut que le ministère agisse grâce aux pouvoirs régaliens dont il dispose. C'est de cette manière que le régulateur assurera pleinement son rôle et nous aidera à garantir la pérennité des régimes d'assurance maladie. Le rapport de la Mission d'information parlementaire constitue un tournant dans la politique des médicaments au Maroc. Quels sont les défis du secteur? Nous avons participé activement à la dynamique lancée par l'institution parlementaire (toutes les données de base du rapport sont celles de la CNOPS). Actuellement, le secteur pharmaceutique manque de transparence. La corruption y est très présente. Les laboratoires ont des moyens très puissants pour infléchir une décision dans un sens où dans un autre. Il faut en finir avec cette situation et essayer de rendre les médicaments coûteux accessibles à toutes les catégories de la population. Trois défis doivent être surmontés pour arriver à cet objectif : assurer la viabilité des régimes d'assurance maladie, c'est notre cas d'ailleurs. La rubrique «médicament» absorbe environ 45% de notre budget. Deuxièmement, lancer le Régime d'assurance médicale aux personnes économiquement faibles et, troisièmement, l'extension de la couverture aux professions libérales et aux travailleurs indépendants.