Les plus âgés des Palestiniens de Cisjordanie croient revivre un mauvais rêve. Ils se voient revenus vingt ans en arrière, au milieu des années 90, au lendemain des accords d'Oslo. À l'époque, alors qu'ils pensaient l'Etat palestinien à portée de main, chaque avancée vers la paix était freinée par une action violente d'un groupe palestinien opposé aux accords. Elle déclenchait immanquablement de terribles représailles israéliennes. Ce qui se passe en Cisjordanie depuis l'enlèvement de trois jeunes Israéliens, le 12 juin dernier, y ressemble fort. Fin mai, la réconciliation du Hamas et du Fatah laissait espérer que l'équation palestinienne pouvait enfin bouger. Un gouvernement de technocrates devait organiser des élections législatives et présidentielles (elles n'ont pas eu lieu depuis 2006 et 2005) ; le Hamas, politiquement et militairement isolé, enfermé dans Gaza, abandonné par ses ex alliés syrien et iranien, s'était plié aux arguments des responsables de l'Autorité palestinienne. Au grand dam d'Israël irrité de la réconciliation entre le Fatah et le Hamas et de l'éventuel rapprochement entre la Cisjordanie et Gaza. Une situation d'autant plus dangereuse à ses yeux que les Etats-Unis et l'Union européenne, pour la première fois, se sont félicités, du rapprochement entre les frères ennemis palestiniens. Les islamistes, s'ils soutiennent le nouveau gouvernement, n'en font pas partie, notent-ils. Israël a imposé de nouvelles sanctions financières à l'Autorité palestinienne tandis que les Occidentaux continuent à financer le nouveau gouvernement à Ramallah. Quand le 12 juin, trois jeunes Israéliens sont enlevés au sud d'Hébron, tout est remis en question. Pour Israël, ce triple rapt, non revendiqué au 24 juin, doit permettre de casser l‘infrastructure du Hamas bien implanté en Cisjordanie. Car Benyamin Netanyahou craint que les prochaines élections législatives palestiniennes ne donnent la victoire au Hamas, y compris en Cisjordanie. Il a donc décidé de casser au maximum son infrastructure pour l'affaiblir. Dés les rapts connus, le Premier ministre israélien en accuse le Hamas qui dément. Netanyahou n'apporte aucune preuve pour étayer ses accusations. Tshahal envahit la Cisjordanie, fouille les maisons, les caves, les grottes... Cinq Palestiniens, dont deux mineurs, sont tués en dix jours par des tirs israéliens; 350 « suspects » sont arrêtés dont 250 appartiennent au Hamas, certains sont des membres du Parlement et 57 d'entre eux ont été relâchés en 2011 lors de l'échange de prisonniers contre le soldat Gilad Shalit. Ces rapts sont « un crime » dit Mahmoud Abbas, le président palestinien. Mais il est impuissant devant les représailles qui sont vues par les Palestiniens comme « une punition collective » qui s'abat sur l'ensemble de la population de Cisjordanie. Accusé par des Palestiniens de collaborer avec l'Etat hébreu, Mahmoud Abbas sort affaibli de l'opération israélienne. La tension monte en Cisjordanie. Dimanche, à Ramallah, de jeunes Palestiniens en colère attaquent un poste de police de l'Autorité palestinienne, tandis que les affrontements semblent sur le point d'enflammer Gaza ❚