Sur le marché, on constate une hausse importante des prix. Et ce depuis plusieurs semaines. Tomates, pommes de terre, oignons... aucun produit, ou presque, n'est épargné. Il faut compter 12 DH pour un kilo de tomates, 10DH pour un kilo de pommes de terre, 9 DH pour l'oignon...En quelques jours les prix ont doublé voire même triplé. L'impact sur le pouvoir d'achat est bien réel. Et les marocains n'en peuvent plus. Ils sont révoltés et expriment leur amertume sur les réseaux sociaux. Pur l'économiste Kamal El Mesbahi, face à l'inflation, il y a ceux qui gagnent et ceux qui perdent. Dans le cas de la hausse des prix de biens de consommation, les pauvres souffrent plus que les riches. « Nous ne sommes pas égaux face à l'inflation », déplore t-il citant la loi d'Engel qui se définit par la part que consacre un ménage pauvre aux bien alimentaires. Les intermédiaires pointés du doigt Face à la hausse des prix des légumes, les producteurs pointent du doigt les intermédiaires. Ils notent qu'entre le marché de gros et celui du détail, le surplus est parfois le double voire même le triple. Contacté par l'Observateur du Maroc et d'Afrique, le président de la fédération interprofessionnelle marocaine de la production et de l'exportation de fruits et légumes, Lahoucine Aderdour, met l'accent sur les excès qui se cachent derrière le circuit de distribution, jugé « archaïque et complexe ». Selon lui, « la multiplication des intermédiaires se traduit par une forte intensité de spéculation et aboutit, dans la plupart des cas, à des aberrations». De son côté, Lahcen Boulguid, le président de l'association des producteurs et exportateurs de maraîchage et primeurs du Maroc (Aspem), région du Souss et membre de la fédération interprofessionnelle marocaine de production et d'exportation des fruits et légumes (Fifel) regrette une anarchie totale sur le marché de distribution. «Ce sont le consommateur et l'agriculteur qui paient les prix forts de ce genre de pratiques en l'absence d'un contrôle rigoureux de la part des autorités », alerte t-il. Même son de cloche chez Abderrazak Echabbi, secrétaire général de l'association du marché de gros des fruits et légumes de Casablanca qui souligne que chaque intermédiaire de la chaine empoche une marge de 30 à 50%. « Rien ne pourra justifier ce qui se passe sur les marchés de détail. C'est de l'aberration totale qui porte préjudice au consommateur et au grossiste à la fois», s'insurge le professionnel. Les producteurs exaspérés Selon un des détaillants, la hausse constatée sur le marché est due plutôt à l'augmentation de plus de 30% des frais de transport. Un autre explique, pour sa part, que la vente au détail des légumes dans les marchés marocains dépend de la loi sur la libéralisation des prix. Sur la cherté constatée sur le marché, il ajoute que la situation s'explique par la hausse des prix de vente chez les producteurs. Aderdour réfute cette hypothèse. «En tant que producteurs, nous ne gagnons presque plus rien vu le problème de la rareté d'eau, la cherté des prix des intrants, la flambée du coût de l'énergie, l'augmentation des salaires de la main d'œuvre...D'ailleurs, beaucoup de professionnels ne peuvent plus résister et finiront certainement par jeter l'éponge dans la période à venir », alerte-t-il. Export interdit pour certains produits Les opérateurs reconnaissent par ailleurs que les fruits et légumes sont plus chers à la source actuellement. Selon eux, la situation est plus conjoncturelle, due à une baisse de la production suite à la sécheresse mais aussi l'export. «Qui dit export, dit que l'offre est réduite sur le marché national face à une demande constante », explique l'un des professionnels. Selon un représentant de la FIFEL, les exportations vont être limitées au cours de la période à venir pour garantir l'approvisionnement du marché national. Le département de l'agriculture a interdit en effet, provisoirement l'exportation de certaines variétés de légumes dont les prix ont augmenté de manière vertigineuse dont les pommes de terre, les oignons et les tomates. Cette décision dérange les exportateurs. Pour eux, elle est plutôt «unilatérale» et va impacter négativement leurs affaires. «Nous vendons à perte sur le marché local. Et l'export nous permet au moins d'équilibrer et couvrir nos charges qui ne cessent de s'accumuler », regrette un exportateur qui reste convaincu que les pertes pourraient être graves pour les acteurs du secteur. Les fraudeurs seront sanctionnés Outre la suspension momentanée de l'export pour certains produits, le gouvernement a décidé d'agir sur plusieurs fronts. Lors du conseil de gouvernement, tenu le 9 février, Aziz Akhannouch, chef du gouvernement, a ainsi appelé au renforcement du contrôle de l'état d'approvisionnement des marchés du Royaume en denrées alimentaires et à sanctionner les comportements opportunistes de certains marchands. Cet appel de mobilisation est adressé aux ministres et aux commissions de contrôle au niveau des régions et provinces du pays. «Le gouvernement est appelé à redoubler de mobilisation et de vigilance (...) et à protéger le panier de la famille marocaine, alors que nous sommes à l'approche du mois de Ramadan», a déclaré Akhannouch. Une campagne de contrôle des prix est donc lancée par le ministère de l'Intérieur dans les différents marchés du royaume. De lourdes amendes attendent les fraudeurs.