Ma position après les décisions du Président Kaïs Saïed,le 25 juillet, n'était pas totalement négative. Les islamistes d'Ennahda avaient paralysé l'appareil d'Etat et faisaient plus d'idéologie que de gestion. Une large partie de la population avait vu son niveau de vie baisser depuis la révolution et on en voulait à la classe politique, engluée dans ses luttes. Le Président Saïed surfait sur ce sentiment. Mais les événements de ce mois de janvier sont plus qu'inquiétants concernant la transition démocratique. Le Président a concentré entre ses mains tous les pouvoirs. Il n'y a pas de Cour constitutionnelle pour encadrer ses décisions. Il ne respecte pas l'indépendance du pouvoir judiciaire. Les deux seules institutions qu'il a laissées en état de fonctionnement sont la police et l'armée. Ce qui est inquiétant, c'est que les disparitions forcées réapparaissent : des gens sont enlevés, retenus dans des lieux secrets, sans aucune accusation émanant d'un juge. Les opposants ont raison de craindre un retour au passé. La voie de sortie de crise, tracée par le Président, est rejetée par l'ensemble de la classe politique. Il propose une forme de démocratie directe, via internet, sans intermédiation pour rédiger une nouvelle constitution. L'UGTT, centrale syndicale unique et élément d'équilibre en Tunisie, conteste une dérive autoritaire et réclame un débat national participatif. Tous ces éléments inquiètent. La division au sein des populations est palpable. La crise socioéconomique, étouffante, attise les dissensions. Dans ces conditions, la tendance à l'autoritarisme, au pouvoir personnel ne peut être une réponse, mais plutôt un élément supplémentaire de la crise. Il faut espérer pour ce pays, qui a réussi une révolution pacifique en 2011, que la raison l'emporte et que le dialogue s'installe. Le retour vers une dictature, même plus douce, risque de s'accompagner de troubles. Il n'y a pas de construction démocratique sans institutions démocratiques. Le professeur de droit constitutionnel Kaïs Saïed devrait le savoir.