L'ancien président, tunisien Moncef Marzouki a été jugé coupable d'« outrage à la sécurité extérieure de l'Etat » et a écopé de quatre ans de prison ferme. Le motif de cette condamnation implique qu'un tunisien a eu délibérément des contacts avec des agents d'un Etat étranger dont le but ou les résultats étaient de nuire à la situation diplomatique de la Tunisie. En fait d'atteinte à la sécurité extérieure de l'Etat, l'ancien président qui avait participé en octobre à une manifestation à Paris contre le coup de force de Kaïs Saïed et les mesures « exceptionnelles décidées" au mois de juillet en demandant l'annulation du sommet de la Francophonie qui devait se tenir à Djerba, en paye tout simplement le prix. Marzouki n'a jamais été tendre à l'endroit de Kaïs, il avait dit de lui dernièrement « Un dictateur est celui qui règne seul et s'empare de tous les pouvoirs. C'est la définition d'un dictateur... Ce président, lorsqu'il a dissous le parlement élu par le peuple et quand il a confisqué par le décret 117 tous les pouvoirs et monopolisé seul le pouvoir, il n'y a plus de lois ou d'institutions, c'est la définition d'un dictateur, et donc je dis qu'il est un dictateur ». Et après la visite du président algérien en Tunisie, il en avait rajouté une couche en martelant: « Il a désormais le soutien de l'Algérie, et c'est à mon avis un soutien qui s'inscrit dans le cadre du conflit maroco-algérien. J'espère que la Tunisie ne s'immiscera pas dans cette affaire ». C'est déjà fait, n'en déplaise à l'homme qui aura vécu le premier tiers de sa vie au Maroc. Ces invectives de part et d'autres, en fait, résument bien la situation en Tunisie. Un haut responsable américain lors du briefing de fin d'année sur la situation dans la région du Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA), tenu tour dernièrement à la Maison Blanche avait déclaré pour ce qui est de la Tunisie: « Nous avons vu certains reculs démocrates, mais nous avons travaillé avec le président Saïed Kaïs et d'autres membres de l'establishment politique tunisien pour au moins dès maintenant, mettre en place une feuille de route pour un retour complet à la normalité démocratique ». A priori, le président tunisien semble persister à contourner les subtilités du jeu de la démocratie de par ces manigances issues de querelles personnelles bien loin d'une assiduité politique. Car si l'on juge par l'état des lieux de cette petite nation enclavée entre les deux grands territoires que sont la Libye et l'Algérie, il n'y a pas de quoi pavoiser. L'économie est sinistrée. La pandémie a cassé le secteur du tourisme qui emploie environ 15% de la population active. L'inflation dépasse les 6% tout comme en Algérie avec laquelle elle s'est acoquinée dernièrement. Le taux de chômage des jeunes diplômés dépasse en Tunisie les 50%. C'est dire les attentes du peuple tunisien envers ses gouvernants. La Tunisie vivote actuellement d'aides reçues notamment de l'Union européenne et le petit "chwiya" de l'Algérie (300 millions de dollars) n'arrangera pas pour autant les choses. Pour la quatrième fois en 10 ans Tunis s'est tournée vers le FMI. Elle espère à travers cela, obtenir avant la fin de l'année un prêt d'environ 4 milliards de dollars (3,3 milliards d'euros). A moins d'une semaine c'est vers le "game over" que l'on se dirige. Aussi peut-on dire à raison que l'état de grâce du président Kaïs Saïed tend à sa fin, d'autant plus qu'il avait le 27 juillet, griller un joker en suspendant le Parlement. Ce coup de force constitutionnel lui avait assuré certes le soutien d'une partie de l'opinion publique tunisienne qui cependant chemin faisant a semblé s'en éloigner au regard du remous social actuel. Les Tunisiens y voyaient une sortie de crise entre le Parlement dominé par le parti islamiste Ennahdha de Rached Ghanouchi, et le palais de Carthage. Le discours populiste de Kaïs Saïed contre la corruption de la classe politique trouvait également écho auprès de la population, et vil s'en accommodait. Le 13 décembre dernier Kaïs Saïed prolongeait, pour un coup de « disgrâce » d'un an la suspension du parlement. Du coup dans cette Tunisie qui fête ses 11 ans de la révolution du jasmin, le président aux pleins pouvoirs, Kaïs Saïed, semble de plus en plus seul. Syndicats, ONG, partis politiques ou mouvements de la société civile lui tournent désormais le dos, seul l'armée qu'au demeurant il essaie de politiser pour l'amadouer semble lui rester fidèle. Pour l'heure.