par Yeganeh Torbati Le souhait du nouveau président iranien, Hassan Rohani, de relancer l'économie de son pays en obtenant un allègement des sanctions internationales pourrait pâtir durement d'éventuelles frappes américaines en Syrie. Sa large victoire au scrutin présidentiel de juin a convaincu l'ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la révolution iranienne, d'apporter un soutien prudent à ce projet de rapprochement avec les puissances occidentales qui soupçonnent Téhéran de chercher à se doter de l'arme atomique. Toutefois, les conservateurs intransigeants qu'il a devancés dans les urnes restent majoritaires au Parlement et dans les rangs des puissants Gardiens de la Révolution. Et ils ne tarderaient pas à renouer avec la défiance habituelle si l'ouverture qu'il propose restait lettre morte. Le projet diplomatique d'Hassan Rohani, attendu fin septembre à New York pour l'Assemblée générale annuelle de l'Onu, pourrait même échouer avant d'avoir été exprimé en cas de frappes américaines en Syrie. « On peut difficilement imaginer une situation aussi malencontreuse pour un gouvernement modéré soucieux d'apaiser les tensions avec le reste du monde », résume le politologue Maziar Khosravi dans les colonnes du quotidien Sharq, évoquant le risque de représailles américaines après les bombardements à l'arme chimique du 21 août dans la banlieue de Damas. Unique allié de Damas dans la région, l'Iran lui fournirait armes, fonds et formations militaires. L'aide que Téhéran apporte au Hezbollah, tête de pont de la « résistance » contre Israël, transite en outre essentiellement par la Syrie. Une intervention américaine en Syrie scellerait « la fin d'une diplomatie visant à apaiser les tensions avec l'Occident et à réconcilier (l'Iran) avec le reste du monde », prédisait la semaine dernière Sadeq Zibakalam, professeur à l'université de Téhéran, dans les pages d'Etemad. « Le climat entre les alliés de la Syrie et l'Occident aprè sune attaque occidentale en Syrie sera si froid et si sombre qu'il n'y aura pratiquement aucune place pour la conciliation et l'amélioration des relations (…) L'Iran sera contraint de changer de ton et de se montrer hostile envers l'occident ». DES DIVISIONS A TEHERAN A Washington, on juge en revanche qu'en renforçant la crédibilité des menaces américaines liées au programme nucléaire iranien, une intervention en Syrie serait propice à la conclusion d'un accord avec Téhéran. « En cas de frappes limitées mais efficaces en Syrie, l'effet sur les Iraniens sera réel », estime Dennis Ross, ancien conseiller de Barack Obama pour l'Iran. A l'inverse, l'absence de représailles américaines passerait pour un feu vert à la poursuite du programme nucléaire iranien, poursuit-il. Pour Karim Sadja pour, membre du Carnegie Endowment forInternational Peace, un cercle de réflexion de Washington,l'absence de réaction inciterait effectivement l'Iran à aller de l'avant, mais des frappes américaines souligneraient aussi la nécessité d'acquérir un moyen de dissuasion. L'Iran doit donc peser les bénéfices qu'il retire de son soutien au régime de Bachar al Assad à l'aune de ceux qui découleraient d'un allégement des sanctions internationales. Les réactions qu'ont suscitées jusqu'ici les bombardements chimiques du 21 août suggèrent l'existence de divisions à la tête de la République islamique. « EFFET POLARISANT » Les Gardiens de la Révolution multiplient les mises en garde à l'attention de Washington, affirmant qu'une intervention en Syrie plongerait le Proche-Orient dans un conflit généralisé. Hassan Rohani a condamné le recours aux armes chimiques. Son ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif,l'a imputé aux rebelles eux-mêmes, sans toutefois ménager Damas. « Nous pensons que les graves erreurs commises par le gouvernement en Syrie ont malheureusement ouvert la voie à desabus », a-t-il déclaré cette semaine, selon la presse. L'ancien président Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, allié et mentor d'Hassan Rohani, est allé plus loin en imputant l'attaque du 21 ao t aux forces gouvernementales. Ses propos ont ensuite été démentis, mais l'agence de presse qui les a rapportés n'a rien changé à d'autres critiques acerbes du régime baasiste. « La crise syrienne a un effet aussi polarisant pour l'élite politique iranienne que pour la communauté internationale »,observe Yasmin Alem, membre du Conseil atlantique du South Asia Center. « On ne sait plus très bien si la Syrie est le pivot de la sécurité de l'Iran ou si elle la menace ». (Avec Marcus George à Dubai et Arshad Mohammed à Washington,Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Gilles Trequesser) REUTERS