L'Iran utiliserait des moyens aériens civils pour transporter en Syrie des militaires et de grandes quantités d'armes via l'espace aérien irakien afin d'aider Bachar al Assad à réprimer les insurgés, selon un rapport des services de renseignements occidentaux auquel Reuters a eu accès. Les Etats-Unis interrogent en permanence les autorités irakiennes sur des vols iraniens soupçonnés de fournir en armes le régime syrien à travers son espace aérien. Jusqu'ici, Bagdad a toujours affirmé n'autoriser le passage d'aucune arme par ses airs. Mais le rapport consulté par Reuters indique que des armes iraniennes ont été envoyées en très grandes quantités en Syrie via l'Irak. Ces livraisons ont été organisées par les gardiens de la Révolution iraniens, précise le rapport. Si Téhéran, principal allié de Bachar al Assad, est depuis longtemps accusé de fournir des armes au régime syrien, ce rapport affirme que ces livraisons sont en réalité bien plus importantes et systématiques que ce qui était jusqu'ici imaginé, grâce à un accord entre des hauts responsables irakiens et iraniens. «Des avions se rendent presque tous les jours d'Iran en Syrie en passant par l'Irak, avec à leur bord des gardiens de la Révolution iraniens, et des dizaines de tonnes d'armes destinées aux forces de sécurité syriennes et aux milices qui combattent les insurgés», indique le rapport, dont une copie a été obtenue grâce à une source diplomatique au sein des Nations unies. Bagdad a démenti mercredi soir le contenu de ce rapport. «L'Irak rejette les allégations infondées selon lesquelles il autoriserait l'Iran à se servir de son espace aérien pour acheminer des armes vers la Syrie», a dit Ali al Moussaoui, conseiller pour les médias du Premier ministre Nouri al Maliki. «Le Premier ministre a toujours prôné une solution pacifique au conflit syrien et la nécessité d'une interdiction de toute ingérence d'un Etat tiers en Syrie, que ce soit en envoyant des armes ou en aidant d'autres à le faire», a-t-il ajouté. Selon ce rapport, que des diplomates occidentaux ont qualifié de crédible et de cohérent selon leurs informations, Téhéran s'est mis d'accord avec Bagdad pour utiliser son espace aérien. Un diplomate estime qu'il est possible qu'aucun accord formel n'ait en réalité été trouvé, mais qu'il y ait entre les deux pays un accord tacite: ne jamais poser aucune question sur d'éventuels transferts d'armes en Syrie. Les rebelles s'implantent à la frontière turque Sur le terrain, les opposants à Bachar al Assad ont pris mercredi le contrôle d'un troisième point de passage frontalier vers la Turquie, s'implantant dans le nord du pays alors qu'ils semblent perdre du terrain dans la capitale, Damas. La Turquie a confirmé que les insurgés s'étaient emparés du poste-frontière de Tel Abyad, le troisième des sept principaux points de passage établis le long de la frontière entre la Turquie et la Syrie à être passé sous leur contrôle. La prise de Tel Abyad, dans la province d'Al Rakaa, après plusieurs heures de combats avec l'armée régulière syrienne au cours de la nuit de mardi à mercredi, pourrait leur permettre de renforcer leur contrôle dans le nord alors que la bataille pour le contrôle d'Alep, à 200 km au sud-ouest, continue. En revanche, les insurgés ont entamé mercredi matin un retrait des quartiers sud de Damas, refluant sous les intenses bombardements et le pilonnage aérien menés par l'armée depuis plusieurs semaines. Les quartiers concernés sont ceux de Hadjar al Assouad, Al Assali et Al Kadam, et un départ des rebelles constituerait pour eux un revers d'importance trois mois après avoir atteint les faubourgs de la ville. L'aviation syrienne a par ailleurs bombardé la localité syrienne d'Abou Kamal, près de la frontière avec l'Irak, ont annoncé des responsables de la sécurité irakienne et le maire de la ville d'Al Kaïm, côté irakien. Face à l'impasse dans les combats, les autorités syriennes auraient mené au plus haut niveau des discussions sur l'opportunité de faire usage d'armes chimiques contre les opposants mais aussi contre les civils. C'est ce qu'affirme un ancien général qui a fait défection il y a trois mois. Soutien illimité de Téhéran Le mois dernier, le président américain Barack Obama a prévenu que la mobilisation et l'utilisation d'armes chimiques ou biologiques contre les insurgés constitueraient une «ligne rouge», qui pourrait provoquer une intervention militaire des Etats-Unis. La France est sur la même ligne, François Hollande ayant souligné que l'usage d'armes chimiques par le régime syrien serait une «cause légitime d'intervention directe» de la communauté internationale. Sur le plan diplomatique, le ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Akbar Salehi, s'est rendu à Damas où il a discuté avec Bachar al Assad de propositions des puissances régionales (Iran, Egypte, Turquie et Arabie saoudite) pour résoudre la crise. Selon la télévision syrienne, le chef de la diplomatie iranienne a garanti au président syrien un «soutien illimité» dans les initiatives visant à «rétablir la paix et la stabilité». Au cours de cet entretien, Assad, dont l'Iran chiite demeure le principal allié régional, s'est dit prêt à une «solution équitable qui respecterait les intérêts du peuple syrien». Le Conseil national syrien (CNS), principale organisation de l'opposition, a demandé pour sa part aux pays arabes d'œuvrer à une intervention internationale de même nature que celle menée en Libye en 2011. «Nous appelons les Arabes à entreprendre une initiative claire et sérieuse, comme la position qu'ils avaient adoptée par rapport à la révolution libyenne», déclare Abdelbaset Sieda dans un entretien au journal Al Hayat publié mercredi, après des entretiens à Doha avec des responsables qataris. «Il doit y avoir une réelle volonté d'action avec les Européens afin de retirer toute légitimité au régime (de Bachar al Assad) dans un premier temps et ne pas laisser les meurtres de Syriens se poursuivre de la sorte», ajoute-t-il. Sieda s'est entretenu à Doha avec le Premier ministre, ministre des Affaires étrangères du Qatar et président du comité de la Ligue arabe sur la Syrie, Hamad ben Djassim ben Jaber al Thani. Il a notamment justifié une intervention militaire internationale en se fondant sur le chapitre VII de la charte de l'Onu. Les appels en ce sens n'ont pour l'instant reçu que peu d'échos parmi les puissances occidentales après l'expérience libyenne, d'autant moins que la Russie et la Chine, qui ont déjà paralysé à trois reprises le Conseil de sécurité, feraient très probablement de nouveau usage de leur droit de veto.