Cela fait un mois, presque jour pour jour, que le parlement du parti de l'Istiqlal a choisi de quitter le gouvernement et de retourner à l'opposition. Le chef du gouvernement fait comme s'il ne s'était rien passé. Hamid Chabat attend, lui, un bien improbable arbitrage royal. Ce qu'il faut retenir de cette crise, c'est que le recours à l'article 42 est une aberration. Dans la constitution, dans l'esprit comme dans la lettre, l'institution monarchique est au-dessus du jeu partisan. La loi fondamentale prévoit l'intervention du souverain quand il ya une crise entre les institutions et non pas en cas de divergence de points de vue à l'intérieur d'une coalition gouvernementale. Pendant longtemps, la classe politique et les élites ont revendiqué le renforcement des prérogatives d'un exécutif issu des élections. La constitution a conforté ce choix et établi un équilibre institutionnel très avancé qui respecte la volonté populaire. Que font le PJD et l'Istiqlal ? Ils en appellent à l'intervention du Roi dans un conflit partisan qui ne le concerne pas. C'est une attitude schizophrène, parce que le souverain ne peut régler ce conflit sans se substituer aux organes internes des partis. L'autonomie de décision des partis politiques est une autre revendication, longtemps portée par ceux qui rêvaient d'une recomposition du champ politique. En réclamant un arbitrage royal, l'Istiqlal abdique la sienne. En accusant son adversaire de se plier à des directives externes, Benkirane la piétine lui aussi. Les deux chefs de parti n'assument pas leur responsabilité. Pourtant, celle-ci est politiquement claire. Ils doivent se rencontrer, dialoguer et choisir. Soit le maintien de la coalition est encore possible, malgré le torrent d'invectives déversé et alors ils annoncent leur nouvel accord, qui passe ou pas par un remaniement ministériel. Soit les désaccords sont trop profonds et ils annoncent la séparation en explicitant à l'opinion publique la nature des divergences. Abdelilah Benkirane devra alors chercher un nouvel allié pour remplacer l'Istiqlal. Dans les démocraties avancées, c'est une chose très courante et ce n'est pas un signe grave d'instabilité. La situation actuelle est fort coûteuse en image. A l'étranger, le doute s'installe sur la stabilité du Maroc. En interne, l'opinion publique n'est même pas tenue en haleine par un feuilleton largement discrédité par les outrances verbales des uns et des autres. Le gouvernement, malgré les dénégations de Benkirane, ne peut s'attaquer aux chantiers des réformes sans un minimum de cohésion de la majorité. Ce flou, très peu artistique, ne peut durer sans affaiblir l'exécutif et les institutions élues, portant un grave coup à la crédibilité de la construction démocratique. Abdelilah benkirane et Hamid Chabat portent une grande responsabilité devant l'Histoire, qui dépasse de loin leurs egos respectifs, voire le devenir électoral de leur parti. Ils doivent donc assumer leurs responsabilités, mettre un terme d'une manière ou d'une autre à une crise qu'ils ont fabriquée pièce par pièce depuis des mois. Ils sont coresponsables de la situation actuelle et la constitution les rend responsables de son issue. Vouloir impliquer le Roi en sollicitant son arbitrage est une attitude immature.