Face à la pandémie du suicide, un nouveau hashtag fait le buzz sur les réseaux sociaux : # ne te suicide pas # je suis à tes côtés #no suicide. Une initiative solidaire empreinte de compassion pour faire face aux idées noires. Par Hayat Kamal Idrissi
«C'est mon message pour toi : Sache que je suis à tes côtés et je suis là pour t'écouter ! Je suis là pour toi, pour partager ta peine et ta souffrance. N'abandonne pas tes proches ! Ne cède pas, résiste et bats toi mais surtout ne te suicide pas je t'en supplie ! », c'est en ces termes touchants que des internautes offrent leur aide aux personnes tourmentées par les idées noires et tentées par le passage à l'acte. Offrir une oreille attentive pour entendre leurs cris de détresse mais aussi un cœur généreux qui compatit avec cette souffrance sournoise malmenant de plus en plus de personnes suite à la crise sanitaire liée au Covid-19. Compatir et agir Partagé en masse sur les mûrs et les pages des réseaux sociaux, « ce hashtag solidaire s'adresse avec des mots directs et simples à tout un chacun se sentant dépassé par les événements. Que l'on se connait ou pas, n'hésitez pas à me parler ou à partager votre ressenti avec moi... Ce qui vous arrive aujourd'hui peut m'arriver demain. N'hésitez donc pas ! » écrit cet internaute en essayant de dédramatiser une problématique qui s'est aggravée davantage au lendemain de la crise sanitaire. Plombant le moral des Marocains, la crise sanitaire a enflammé les chiffres du suicide. Il suffit de savoir que le nombre des suicides dans notre pays a enregistré, en 2020, une hausse de 300% par rapport aux années précédentes, pour constater l'ampleur des dégâts. Ainsi face à la pandémie et à ses retombées catastrophiques, certaines personnes préfèrent en finir une fois pour toute, en se donnant la mort. Le phénomène n'est pas juste local. Partout dans le monde, les taux de suicide sont montés en flèche. Les séquelles d'un confinement et d'un reconfinement mal vécus, l'isolement, l'activité économique paralysée, les relations et la vie sociales profondément affectées par cette épreuve inhabituelle... sont autant de facteurs ayant eu raison de la résistance des gens ici et ailleurs.
On se suicide 3 fois plus
Les Marocains ne sont pas épargnés. D'après les derniers chiffres des services de la Protection civile de la région Casablanca-Settat, chaque jour, on enregistre un nouveau cas et parfois plusieurs cas de suicide. Pire, selon les statistiques, le taux de suicide aurait enregistré une évolution inquiétante de l'ordre de 300% par rapport aux années précédentes. Des chiffres que les fais divers et les pages des différents médias confirment en relatant chaque jour de nouveaux suicides dans les différentes villes du royaume. Un phénomène qui s'amplifie depuis le début de la pandémie en élargissant son impact pour toucher plusieurs catégories sociales. On se rappelle tous de la vague de suicides enregistrée durant l'été 2020. Au bout de longs mois de confinement, certains ont préféré mettre fin à leur calvaire en se suicidant. Les médias ont largement partagé des récits de suicides parmi les rangs des enseignants, des jeunes filles, des jeunes et des pères de famille en chômage et d'autres gens sans ressources devant la crise. Facteurs favorisants
« Qui dit confinement dit isolement. Ce dernier a des effets nocifs sur le psychisme et sur l'humeur », analyse auparavant Dr Mostafa Massid, psychologue clinicien. D'après le spécialiste, les contacts sociaux limités, voire absents, risquent d'entrainer des conséquences somatiques et psychologiques graves. « Le repli sur soi, l'humeur dépressive, l'anxiété, les ruminations, les troubles du sommeil et d'appétit sans oublier les réactions hostiles envers soi et envers autrui » énumère le praticien. Pour Soukaina Zerradi, psychologue clinicienne, les professionnels de la santé mentale ont pu constater les retombées du confinement qu'elles soient psychiques ou relationnelles. « Si la pandémie a mis mal en point l'économie, conjuguée au confinement, elle a plombé le moral des citoyens », assure-t-elle. D'après Zerradi, le citoyen est cerné. Au-delà de la crainte de la maladie, beaucoup de personnes ont perdu leurs emplois ou ont vu leurs revenus réduits. « L'isolement, le sentiment d'insécurité financière, le manque d'invisibilité par rapport à l'avenir et le sentiment d'impuissance peuvent approfondir le mal être de plusieurs personnes », analyse la clinicienne. « Les idées suicidaires ne seront pas loin avec même des passages à l'acte dans les cas extrêmes », met en garde la spécialiste.
Les chiffres
Selon l'OMS, près de 3000 cas de suicide sont recensés chaque jour dans le monde. Au Maroc, chaque jour, un Marocain met fin à ses jours en milieu rural. Les statistiques de la gendarmerie royale glacent le sang : Pas moins de 594 tentatives de suicide ont provoqué 416 morts l'année 2017, 178 cas ayant été sauvés. Ne concernant que le milieu rural, ces mêmes statistiques révèlent le chiffre alarmant de 2.894 tentatives de suicide enregistrées durant les cinq dernières années. 2.134 ont causé la mort de leurs auteurs. Une étude, la seule d'ailleurs, a été menée en 2007 sur un échantillon de 5.600 personnes par le ministère de la Santé et le CHU Ibn Rochd est assez révélatrice. Résultats : 16% des Marocains ont des tendances suicidaires à cause notamment des difficultés socio-économiques, des différentes frustrations et autres déceptions. Il ressort également de cette étude que les femmes (21%) sont plus suicidaires que leurs congénères masculins (12%). Autres malchanceux qui seraient prédisposés au passage à l'acte ultime : les célibataires, les couples n'ayant pas d'enfants et les personnes souffrant de troubles psychiques. L'étude révèle qu'entre 40 à 70% des cas de suicide concernent des personnes ayant présentés antérieurement des signes dépressifs.