Les Marocains sont-ils prêts psychiquement à revivre l'expérience du confinement ? Se sont-ils familiarisés avec les restrictions du confinement ? Eléments de réponses par la psychologue. Par Hayat Kamal Idrissi
« On a pu constater auparavant les retombées du confinement qu'elles soient économiques, psychiques ou relationnelles. Si la pandémie a mis mal en point l'économie, conjuguée au confinement, elle a plombé le moral des citoyens », note d'emblée Soukaina Zerradi, psychologue clinicienne. Une crise à plusieurs niveaux qui, selon la spécialiste, a généré un double sentiment d'insécurité sanitaire et financière. « Au-delà de la crainte de la maladie, beaucoup de personnes ont perdu leurs emplois, ont vu leur revenus réduits sans aucune visibilité par rapport à l'avenir. Cette situation a causé de nombreux troubles psychiques différant selon la situation et le degré de vulnérabilité de chacun », analyse Zerradi. Difficile à revivre Reprenant à peine son souffle après le déconfinement partiel, la population sera-t-elle prête à revivre cette expérience éprouvante ? « Ca sera vraiment difficile psychiquement parlant. L'isolement et l'obligation d'être coincé entre quatre murs jour et nuit, affectent profondément le psychisme et l'humeur de tout individu. Surtout maintenant que les gens ont déjà expérimenté la chose », répond la psychologue. « Les contacts sociaux limités risquent d'entrainer des conséquences somatiques et psychologiques tels le repli sur soi, l'humeur dépressive, les troubles de sommeil, l'anxiété généralisée, les ruminations et les réactions hostiles. Ceci sans oublier les différents maux qui peuvent en résulter comme les douleurs musculaires, la perte d'appétit, les maux de tête ou les problèmes digestifs », nous explique pour sa part Dr Mostafa Massid, psychologue clinicien. « Aussi, il ne faut pas oublier que le confinement favorise la prolifération des conflits. Etre obligés d'être confrontés les uns aux autres dans un espace limité et fermé tout le temps, est une épreuve assez difficile à surmonter. Pendant le confinement, nous avons enregistré une hausse impressionnante du taux de violence domestique toutes catégories confondues », rappelle Soukaina Zerradi en connaissance de cause. Très active au centre d'écoute de l'association Tahadi pour l'égalité, elle se chargeait du télé-accompagnement psychique de femmes victimes de violence. « Les maris, pères ou frères, succombant à la pression de la crise socio-économique, se défoulaient malheureusement sur les femmes et les enfants, les premières victimes », nous explique-t-elle.
Citoyens cernés Aussi l'école à distance, qui n'était pas une réussite durant le premier confinement, représente un facteur aggravant. Un autre poids psychique que tout le monde n'est pas capable de supporter. « L'enseignement à distance en rajoute au stress qui peut régner dans les foyers. Que ça soit pour les parents en télétravail ou ceux travaillant en présentiel, ça reste un véritable casse tête et une double responsabilité à endosser. Les enfants ne sont pas non plus épargnés », ajoute Zerradi. Un environnement stressant où s'amalgament et se cumulent les responsabilités ; pour mettre à mal la résistante psychique d'un citoyen déjà aux prises avec son pain quotidien. « Personnellement je ne suis nullement prêt à un reconfinement. Je n'ai pas peur de la maladie, j'ai plutôt peur du besoin et de la pauvreté. Comment peut-on survivre sans travail ? Que mangera ma famille si je ne travaille pas ? Ca sera une véritable catastrophe pour moi et pour beaucoup d'autres si on le fait », s'inquiète Youssef Mounjid, chauffeur de taxi. D'après la psychologue, si un confinement est reconduit les risques de complications psychiques sont nombreux. Troubles dépressifs, troubles anxieux sont autant de maux qui peuvent se développer et même s'aggraver. « L'isolement, le sentiment d'insécurité financière, le manque d'invisibilité par rapport à l'avenir et le sentiment d'impuissance peuvent approfondir le mal être de plusieurs personnes. Les idées suicidaires ne seront pas loin avec même des passages à l'acte dans les cas extrêmes », met en garde la spécialiste