Du haut de ses 21 ans, Mohamed Munir El Haddadi est l'épicentre d'un épineux imbroglio entre la fédération marocaine de football et son alter ego espagnol. Alors que la FIFA avait donné son accord pour le changement de nationalité sportive de Munir El Haddadi, après des mois de recours juridiques, le dossier du joueur est néanmoins bloqué depuis plusieurs mois. En cause, le refus de la fédération espagnole de remettre le passeport sportif du joueur à la FRMF. Selon Achraf Ben Ayad, journaliste sur la chaîne qatarie, beIN Sports, la décision a été prise par les dirigeants marocains de saisir le Tribunal arbitral du sport (TAS). Cette institution internationale, domiciliée à Lausanne, en Suisse, propose un arbitrage ou une médiation dans le monde du sport. Elle dépend du Conseil international de l'arbitrage en matière de sport. Le natif de San Lorenzo de El Escorial de parents marocains originaires de Targuist (province rifaine d'Al Hoceima), pourrait donc, si le TAS statue en faveur de la FRMF, être éligible à une convocation lors de la prochaine rencontre des Lions de l'Atlas, face au Mali, le 1er septembre prochain, pour le compte de la 3ème journée du troisième tour des éliminatoires de la Coupe du monde. Munir El haddadi a débuté sa carrière internationale avec l'équipe d'Espagne des -19 ans en mars 2014, lors du Tour Elite du Championnat d'Europe des -19 ans où Il marque 3 buts en trois matchs. Le 29 août 2014, Albert Celades, coach de l'équipe d'Espagne des - 21 ans fait appel à lui pour la première fois afin de jouer 2 matchs qualificatifs pour le Championnat d'Europe espoirs. Il est titularisé contre la Hongrie le 3 septembre. 2 jours plus tard, il est appelé par Vicente Del Bosque en vue du match qualificatif pour l'Euro 2016 contre la Macédoine en remplacement de Diego Costa blessé. Munir débute avec l'Espagne une semaine plus tard, en entrant sur le terrain à la 77e minute. A cet instant, il est uniquement sélectionnable par l'Espagne. Après le match, il s'enflamme : « Jouer avec l'Espagne est un rêve. C'est une décision personnelle que j'ai prise et j'en suis très heureux. » L'idylle sportive entre Munir et son pays natal se trouve ébranlée par sa non convocation par le sélectionneur de ses débuts, Alber Celades, pour le championnat d'Europe Espoirs en 2017. Perçu comme une trahison par le jeune homme, cet épisode est le moteur de sa volte-face. Il prend la décision de changer de nationalité sportive, soutenu par l'intérêt prononcé de la Fédération marocaine de football. Le 21 juin 2017, la FIFA accepte la demande de changement de nationalité sportive du joueur. Il fut un temps où il était possible pour un joueur de porter les couleurs de plusieurs équipes nationales consécutivement à condition d'en avoir la nationalité : soit par la double-nationalité (liens familiaux), soit en ayant été naturalisé. Ainsi Alfredo Di Stefano, un des joueurs les plus reconnus de son époque, a d'abord joué en 1947 pour l'Argentine (son pays de naissance) puis pour la Colombie (1949 mais ces sélections n'ont pas été reconnues par la FIFA) et l'Espagne (1957-1961). Le coéquipier de Di Stefano, qui évoluait avec lui au Real Madrid, Ferenc Puskás, a également joué pour Espagne, après avoir accumulé 85 sélections pour la Hongrie plus tôt dans sa carrière. En 1964 la FIFA va interdire à un joueur de représenter plus d'une sélection nationale dans sa carrière. 40 ans plus tard, l'instance qui dirige le football mondial durcit le ton en mettant en place des règles plus contraignantes qui visent à prévenir et empêcher les abus pouvant avoir lieu dans certains cas. Par conséquent, un joueur possédant deux nationalités doit choisir de concourir pour l'un des deux pays dont il est le ressortissant, conformément à l'alinéa 2 de l'article 15 du règlement de la FIFA. Quelques mois plus tard, une nouvelle décision entre en vigueur. Elle permet à un binational de représenter un des deux pays dont il a la nationalité lorsqu'il fait partie de l'équipe juniors de ce pays, et l'autre lorsqu'il est en âge de faire partie de l'équipe première, à condition qu'il ait moins de 21 ans (cette limite d'âge a été levée en 2009). C'est la brèche dans laquelle se sont engouffrés, Munir et la Fédération marocaine de football. La carrière du jeune ailier de 21 ans se trouve donc à la croisée des chemins. En sélection, il est temps pour lui de trouver une stabilité et un projet à long terme, bâti autour de ses qualités de percussion, de vitesse et de vision du jeu, sans pour autant l'accabler de pression. Indésirable au sein de l'effectif Blaugranna, qui l'estime à hauteur de 20 millions d'euros, il ne manque pas de prétendants. L'intérêt le plus prononcé est celui de l'Espagnol Ramón Rodríguez Verdejo, dit Monchi, le nouveau directeur sportif de l'As Rome, l'un des piliers du triplé historique du FC Séville en Ligue Europa et grand dénicheur de talents. (Libération)