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Bourse : Faut-il y revenir ?
Publié dans Le temps le 29 - 04 - 2010

La Bourse en 2010 va-t-elle renouer avec la reprise sous le double effet de la fusion ONA-SNI et les bons résultats des sociétés cotées en 2009 ? Prudence, prudence…
Faut-il miser à nouveau sur la Bourse? Sous le double effet de l'annonce de la fusion ONA-SNI et des résultats 2009 des sociétés cotées, la place de Casablanca donne des signes de frémissement et ressuscite d'un coup l'intérêt des investisseurs et des épargnants. Mais attention, les relents de la crise sont encore là et les mauvais souvenirs … sont encore frais dans la mémoire des épargnants. «Une reprise de la Bourse, je n'y crois pas. ONA-SNI ou pas, je ne remettrai pas un seul rond dans cette Bourse !», confie un épargnant, encore sous le choc d'un portefeuille évaporé d'un million de dirhams. Un autre pour sa part veut y croire. «Je pense que la Bourse va sérieusement bouger. Il y a du papier qui arrive, l'immobilier va forcément reprendre», lance-t-il. Pour autant, dans les salons, la question se pose : 2010 sera-telle l'année de la reprise de la Bourse?
2010 ? Non, 2011 !
Pour un analyste financier qui a vécu les grands cycles haussiers comme baissiers de la Bourse, aucune prévision ne peut être donnée. Il rappelle cependant que les bourses internationales, touchées par la pire crise financière mondiale, ont pour leur majorité fini 2009 au vert, mais pas celle de Casablanca. «L'argument du facteur psychologique vis-à-vis de ce qui se passe à l'international et la chute brutale des marchés, a perdu toute sa pertinence dès lors que l'on sait que l'interconnexion avec les marchés extérieurs reste marginale et faible» ,commente-t-il. Le gouverneur de Bank Al Maghrib avait même rassuré le marché de toute présence d'actifs toxiques dans le circuit financier marocain. De plus, puisque ces marchés internationaux ont repris des couleurs, pourquoi la place resterait-elle dans le rouge ? «Toute la différence réside au niveau de la transparence financière : dans les bourses matures, les épargnants et les investisseurs, comme les émetteurs, quelques soient leurs profils et leurs poids disposent en même temps des mêmes et bonnes informations, ce qui rend la compétition équitable. Donc, les résultats sont les sanctions positives ou négatives des valeurs cotées», nous explique cet autre analyste. Ceci dit, les professionnels de la place commencent à croire en un nouveau souffle. Les deux séances suivant l'annonce-surprise d'ONA et SNI de leur retrait de la cote ont provoqué un engouement que la place semble avoir rapidement oublié : hausse des indices, importante volumétrie, 3 milliards de dirhams de plus dans la capitalisation.Un dynamisme aussitôt inversé par des prises de bénéfices sur les valeurs qui se sont bonifiées. Mais les deux holdings qui sortiront de la cote avant la fin de 2010 promettent d'y céder leurs parts principalement dans la filière agroalimentaire : Centrale laitière, Cosumar, Lesieur cristal, etc. Des valeurs qui, de par leur nature, présentent de solides fondamentaux et des performances inégalables sur le secteur coté. «Suivant ce scénario, le début 2011 connaitra certainement une correction haussière des cours. En revanche, le schéma actuel se poursuivra en 2010». Une année de baisse de plus nous attend.
Pour rappel, l'année 2009 aura été l'année de la désertion des investisseurs par excellence, surtout les petits porteurs, qui ont vu leurs portefeuilles fondre comme neige entre la fin 2008 et le premier semestre de 2009 : baisse des indices, dégradation de la volumétrie, etc. La capitalisation globale du marché en a pris un coup. Le 31 décembre 2009, la Bourse revenait d'ailleurs à des niveaux qu'elle n'avait pas enregistrés depuis juin 2007. Alors, reprise ou pas ? La publication des résultats 2009 montre déjà que les firmes marocaines disposent de bons fondamentaux. Mais n'ont toutefois pas pu tirer vers le haut les performances de leurs valeurs à la Bourse de Casablanca. Le constat est différent selon les secteurs.
L'immobilier encore et toujours…
Pour l'immobilier, l'année a globalement connu un accroissement des ventes sur le segment économique et le moyen standing. Sur le haut-standing, la crise s'est officiellement installée. La chute des ventes est brusque dans les villes touristiques. En attestent les résultats de Fadesa Maroc. La filiale haut-standing du groupe Addoha a affiché un résultat de 17 millions de dirhams, contre quelque 520 millions de dirhams en 2008. Le groupe d'Anas Sefrioui, qui a lancé la marque Prestigia en 2009, n'aurait pas anticipé une telle baisse de la demande sur le segment du luxe. De son côté, le groupe d'Alami Lazrak a vu son chiffre d'affaires presque tripler cette année, et son résultat net progresser de 45%. En gros, les sociétés immobilières cotées ont fait une belle année, avec un chiffre d'affaires global de 10 milliards de dirhams, en croissance de 51%. Leur bénéfice, lui, s'est tassé de 6%, tiré vers le bas par les pertes enregistrées sur le luxe, notamment pour Addoha. Ces valeurs immobilières constituent pour les professionnels de la Bourse, le fond du portefeuille. Ce sont des valeurs refuges sures à moyen et long terme. La réalité de l'endettement est également source d'inquiétudes, malgré la santé qu'affichent les promoteurs. «Des dettes qui dépassent les fonds propres, ce n'est pas normal pour une société immobilière, cette situation pourrait compromettre sa survie à moyen-terme», explique ce spécialiste en investissements immobiliers. D'ailleurs les rumeurs de marché ont vu juste à propos d'Addoha, dont le cours s'établit actuellement à 109 DH contre 123 DH six mois auparavant. Le groupe d'Anas Sefrioui a fini par annoncer, en marge de sa conférence sur les résultats, de sa prochaine augmentation du capital.
Au niveau du secteur bancaire, la tendance générale est à la hausse. Le contexte est certes difficile. Pas plus loin que la semaine dernière, Bank Al Maghrib avait décidé de baisser, encore une fois, le taux de la réserve obligatoire. Celui-ci est passé en un an et demi de 12% à 6%. Cette importante concession que fait la banque centrale aux banques marocaines remédie à l'assèchement de liquidités que connait le circuit financier national. En plus, et depuis deux ans, les ressources se font de plus en plus rares dans le secteur dont la croissance est également ralentie par l'essoufflement des crédits. Les banques cotées sortent malgré tout avec un accroissement des dépôts de leur clientèle. L'encours global des crédits a, quand à lui enregistré une progression, mais cette augmentation reste en deçà des performances des dernières années. L'impact a été positif sur les valeurs bancaires cotées à la Bourse de Casablanca. Ces bonnes performances ont été réalisées principalement par Attijariwafa Bank, suivie de la BMCE et la BCP, dont les cours se sont nettement appréciés depuis le début 2010. Cela dit, les importantes provisions enregistrées par la BMCE en cette année, et la baisse de 54% du bénéfice net du groupe d'Othman Benjelloun ont influencé le bénéfice net du secteur bancaire coté. Celui-ci a crû à une vitesse moindre. Et c'est Attijariwafa Bank qui a sauvé la mise, grâce à la forte appréciation de son bénéfice. Ces réalisations témoignent de la solidité du système bancaire marocain, même aux moments les plus difficiles. «C'est vrai que les dépôts sont de plus en plus faibles et que le taux de transformation de ces dépôts en crédit devient de plus en plus déséquilibré. Mais une chose est sûre, les banques sont assez puissantes pour compenser ce manque à gagner sur les dépôts et couvrir au mieux leurs risques», réplique ce professionnel.
Du côté de l'industrie, l'agroalimentaire se porte plutôt bien. Avec un chiffre d'affaires global qui a presque atteint les 20 milliards de dirhams, la progression reste insignifiante, mais les raisons en sont claires. Plusieurs opérateurs du secteur exportent à l'international, principalement en Europe, où la demande connait un important tassement. C'est l'un des seuls secteurs qui a été réellement exposé à la crise internationale. Et il y résiste bien en témoigne cet analyste : «Sur toutes les places financières, quand il y a récession, les investisseurs se rabattent sur les valeurs de l'agro-industrie, ce sont des valeurs de résistance». Au niveau des valeurs, Centrale laitière conserve sa position à la tête du peloton. Elle réalise l'essentiel du chiffre d'affaires du secteur, avec Cosumar et Lesieur cristal, plus de 15 milliards de dirhams, quoique ces deux dernières aient vu leurs chiffres d'affaires stagner pour Cosumar, et baisser pour l'huilerie de l'ONA. Ces trois valeurs resteront suspendues jusqu'à leur cession par leurs maisons mères sur le marché. Un vecteur de ce secteur ne sera donc pas négocié sur la place.Quand à Brasseries du Maroc, contributeur traditionnel à la croissance de ce secteur, a eu une année de baisse des ventes, et a enregistré une baisse de 5% de son résultat net, une donne qui changera difficilement les prochaines années, vu le déplacement du mois de ramadan en période estivale, pic des ventes.
Le succès des technos…
Autre secteur destiné à l'international, celui des valeurs technologiques. Les sociétés cotées ont profondément ressenti le ralentissement de la demande internationale. Mais en cette année de crise, leur créativité ne leur a pas fait défaut. Les opérateurs marocains ont choisi l'investissement et la concentration technologique pour mieux préparer la reprise. L'année 2009 n'a pas été, au final, aussi noire pour le secteur. Un chiffre d'affaire global de plus de 2 milliards de dirhams a été engrangé par les sociétés cotées, en progression de plus de 8%. Celle-ci n'a pas été égale pour tous, deux valeurs ont enregistré des baisses. Le résultat net d'Involys a baissé de 585% par rapport à l'année 2008, plombé par plusieurs marchés internationaux. En revanche, Matel Pc Market a la cote, le titre a gagné 27% de sa valeur depuis le début de l'année. La société qui s'apprête à fusionner avec Distrisoft pour donner naissance à un «champion national» de la distribution informatique, a eu un chiffre d'affaires de plus d'un milliard de dirhams. Avec Distrisoft- également en berne, et dont le titre a gagné, pour sa part, 22% de sa valeur depuis janvier-, elles ont réalisé presque 60% du résultat net global du secteur.
Immobilier, bancaires, agro et technos-télécoms : le socle de la Bourse de Casablanca restera le même en 2010 tout naturellement. Pour les experts, «si le marché ne corrige pas sérieusement les valeurs en fonction de leurs fondamentaux, toute reprise haussière des indices ne serait qu'éphémère». Autrement dit, toute la baisse des indices constatée en 2009 était trompeuse et sans valeur scientifique, car les volumes n'étaient pas au rendez-vous. D'autre part, l'essentiel de la baisse a été réalisé au détriment des valeurs les plus modestes, celles qui jouissaient de meilleurs fondamentaux comparés à celles qui avaient pu «résister» à la baisse. Dernier exemple en date, le rachat par la CDG de 8% du capital de la BMCE, titre notoirement cher et survalorisé par rapport à ses fondamentaux : l'acquisition n'a fait que valider le niveau de valorisation irrationnel de la banque à la place, et ce par l'un des intervenants publics les plus pesants. La prudence est donc de mise. Pour l'instant, la clé de la reprise ne pourra être trouvée que dans le calendrier des différentes opérations consécutives à la fusion ONA-SNI prévue pour 2011.
Omar Radi
15 septembre 2008 Chute de Lehman Brothers
Cette date-clé marque le début de la plus profonde crise financière et économique internationale depuis la grande dépression de 1929.
Octobre 2008 La contagion psychologique
Début du retrait des investisseurs de la place casablancaise, craignant d'y voir les effets de la crise mondiale. L'impact est resté psychologique et n'a jamais pris de circuits réels.
31 décembre 2008 La fin de l'embellie
Le Masi clôture l'année sur une baisse de 15%. C'est le début d'un cycle baissier, marqué par une évolution en «yoyo» des indices.
02 octobre 2009 Colloque de Skhirat
Véritable messe des professionnels des marchés financiers. Ceux-ci se sont fait des promesses qui s'avèreront au-delà de ce qu'offre la réalité du marché marocain.
31 décembre 2009 Seconde année à la baisse
La place clôture sur une capitalisation plus faible qu'au début de l'année. Le MASI ressort avec une perte de 5% par rapport à la fin 2008.
25 mars 2010 La surprise ONA/SNI
Personne ne s'y attendait. Ces deux grosses capitalisations annoncent leur retrait de la place casablancaise. L'effet d'annonce aura été de courte durée avant que la volatilité ne regagne le marché.


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