L'éphémère ambassadeur du Maroc à Rome Italie retrouve les combats de l'arène politique nationale. «La page est tournée ». A 50 ans, Nabil Benabdellah, membre du bureau politique du PPS, n'est ni aigri ni amer après l'épisode de Venise qui lui avait coûté son poste d'ambassadeur en Italie. « J'ai connu d'autres coups durs dans ma vie. Je sais me relever. J'ai oublié» confie-t-il. A Villa Mandarine, coin huppé couru par le tout Rabat, où il nous donne rendez-vous, Nabil Benabdellah ne passe pas inaperçu. Il salue, retrouve d'anciennes connaissances et s'excuse d'emblée pour le retard. «Je suis désolé, nous avions une réunion politique qui a débordé». A le voir, impossible d'imaginer qu'il y a quelques mois, l'homme était au cœur d'un imbroglio médiatico-diplomatique assez cocasse, son épouse s'étant crêpé le chignon avec celle du ministre des Affaires étrangères lors de la Biennale de Venise. Un rêve et une utopie Rentré au pays, Nabil Benabdellah a retrouvé donc son ADN d'origine, celui d'un militant politique. Aujourd'hui, il est à la manœuvre pour animer, pousser, fédérer et mettre en avant un projet de pôle dit d'Union de la gauche, à la faveur d'un regroupement au sein du Parlement entre le PPS, le FFD et le Parti travailliste… en attendant l'acquiescement du grand frère, l'USFP, et de l'allié historique, l'Istiqlal. L'idée n'est pas nouvelle. Elle fait même sourire. Nabil Bendabdellah l'admet : c'est à la fois un «slogan, un rêve et une utopie» qui date de 1964, quand feu Ali Yata (alors dans la clandestinité) appelait déjà l'UNFP à constituer un front uni de la gauche. Mais cette fois-ci, la donne est différente. Pour l'ex-ambassadeur, il y a urgence. «Un nouveau parti est devenu par la magie électorale la première force politique du pays et à l'occasion de la rentrée 2009, la Deuxième chambre a vécu un tremblement de terre dont il faudra tirer les conséquences et de calculer les projections ». Pour Benabdellah, «le champ politique est aujourd'hui profondément vicié et on ne sait pas ce qui nous attend». Face à l'inconnu, l'heure est donc à la mobilisation. Première mouvance politique en termes de voix, comme le montrent les chiffres des scrutins de 2009, la gauche souffre de son éparpillement et du vieillissement de son projet politique. Le nouveau règne s'est bonifié de toutes les valeurs de la gauche (statut de la femme, droits de l'homme et libertés, actions sociales…). Aussi, faut-il réfléchir sur les réformes des vingt prochaines années, moderniser le discours et les hommes. « Il faut réinvestir le champ social, recréer la crédibilité de la politique, rénover nos structures et opérer un sursaut générationnel dans nos partis », tonne-t-il. Pour lui, il s'agit de faire entendre «une tonalité de gauche dans le champ politique» et aller à la rencontre des déçus, des récalcitrants, de celles et ceux qui ont une sensibilité de gauche, mais qui sont aujourd'hui désemparés face à ce qui se passe. Les partis de la Koutla eux-mêmes doivent se régénérer et éviter de s'enliser dans la machine gouvernementale. «La présence au gouvernement est un acide qui détruit les capacités organisationnelles d'un parti», assène-t-il. D'où la nécessité du sursaut. Pour Nabil Benabdellah, la gauche n'est pas morte et il faut lutter contre les idées du moment qui veulent que les partis de la Koutla soient moribonds, incapables d'offrir au pays et au roi l'assise politique nécessaire pour mener les réformes. Nabil Benabdellah plaide pour « une monarchie exécutive » mais avec des prérogatives fortes (et respectées) pour le gouvernement et le Parlement. «Tout le contraire de ce qui se passe actuellement», admet-il. La renaissance de la gauche devra permettre de contrebalancer le discours du parti de Fouad Ali El Himma qui fonde sa légitimité sur la déliquescence supposée des partis historiques et la nécessité d'un renouveau générationnel. « Je ne crois pas beaucoup aux thèses du Mehdi Al Mountadar pour sauver le champ politique marocain » ironise-t-il. Pour Nabil Benabdellah, le peuple de gauche doit à nouveau rêver d'un meilleur lendemain. En attendant le congrès du PPS en 2010, il croit dur comme fer à son rêve de pôle de gauche moderne et progressiste. Bon vent ! Abdelkhalek Zyne