Depuis la défection du PAM, Abbas El Fassi cherche à sauver sa majorité. C'est chose pratiquement faite avec le ralliement annoncé de Mohand Laenser, SG du Mouvement populaire. Un remaniement technique devrait suivre à la rentrée. Analyse. Mardi 7 juillet, au téléphone, Mohand Laenser paraît apaisé. Il y a encore quelques semaines, le secrétaire général du Mouvement populaire tonnait contre le gouvernement, appelant à une démission collective. Aujourd'hui, c'est un homme heureux qui s'exprime. Appelé à la rescousse par son vieux rival, Abbas El Fassi, il a obtenu, la veille, le OK de son bureau politique pour réintégrer le gouvernement. Grand seigneur, l'homme se pose un peu en sauveur de l'Etat. Rien que cela. “Ce sera un gouvernement de transition pour éviter une crise politique au Maroc”, confie l'homme fort de la haraka d'un ton grandiloquent. Pour l'instant, rien n'a filtré des conditions de l'accord. Unique certitude : Laenser sera ministre d'Etat sans portefeuille, rejoignant ainsi le club très fermé des dinosaures indéboulonnables, plus portés sur les fauteuils que sur les responsabilités. Surtout, le patron du MP vit ce revirement politique comme un retour en grâce, après avoir essuyé la colère royale en octobre 2007. La formation du gouvernement El Fassi avait alors été marquée par l'éviction surprise du Mouvement populaire, puni pour avoir eu les yeux plus gros que le ventre. Les conseillers royaux, Abdelaziz Meziane Belfqih et Mohamed Moâtassim, l'avaient simplement “squeezé” de la majorité par un soir de ramadan. La traversée du désert aura finalement été courte et sans gros dégâts pour Mohand Laenser. Il pourra d'ailleurs briguer un nouveau mandat à la tête de sa formation, avec un argument de campagne tout prêt : “Regardez, on vient me prier de rejoindre le gouvernement !”. Il oublie de le mentionner, mais Laenser doit sa gloire retrouvée à un certain Fouad Ali El Himma. L'annonce du retrait du PAM de la majorité gouvernementale, à la veille des communales, avait pris de court l'establishment politique. L'ami du roi décidait du coup de passer du “soutien critique” à une franche opposition, électoralement plus lucrative. Il n'en fallait pas plus pour que les rumeurs de putsch se propagent dans les salons rbatis. À aucun moment pourtant, le gouvernement de l'Istiqlalien Abbas El Fassi n'a semblé sérieusement menacé d'une motion de censure. Même s'il ne dispose pas de la majorité à la Chambre des représentants, Abbas El Fassi peut souffler jusqu'en octobre pour revoir la composition de son équipe. Sept semaines de réflexion D'après ce connaisseur des arcanes de la politique marocaine, deux raisons au moins expliquent le report du remaniement annoncé. D'abord, l'objectif de renforcer la majorité parlementaire par l'intégration du Mouvement populaire a pu être atteint à moindres frais (un ministère d'Etat sans portefeuille). Le Parlement vient de tenir sa dernière séance, clôturant la session d'avril sans dégâts pour le gouvernement. Il faudra attendre l'élection du tiers de la Chambre des conseillers, que se dissipe aussi le nuage des transhumances, pour que les contours du traditionnel remaniement de mi-parcours se précisent. Ensuite, le planning de l'été sera marqué par la commémoration des dix ans du règne. Le roi garde constitutionnellement la main haute sur les nominations et il est aujourd'hui occupé par d'autres dossiers. Aujourd'hui, le Mouvement populaire a tenu à faire respecter la lettre de la Constitution, comme pour signifier que la leçon de 2007 a été retenue. Mohand Laenser s'est un peu fait désirer, a peut-être fait la fine bouche, mais juste pour la forme. Un peu à la manière d'une femme qui minaude devant le prince charmant qui la courtise. Ainsi, le patron du MP a tergiversé, jusqu'à avoir l'assurance que les offres de Abbas El Fassi avaient la bénédiction expresse du Palais. Mais, en vieux briscard du Makhzen, Laenser a su s'arrêter à temps. Il y a deux ans, il boudait quatre portefeuilles ministériels. Aujourd'hui, il accepte un ministère d'Etat et (probablement) un autre portefeuille mineur. Et semble bien s'en contenter. Youssef Aït Akdim