" Retour aux sources" : Il y a quelques semaines, Mahjoubi Aherdane aurait trouvé sarcastique une telle affirmation. Depuis dimanche 22 mai, le patriarche se croit, au contraire, très proche de la réalité. Perdus de vue depuis un certain temps, les deux Mouvements, populaire et national, semblent renouer avec les feux de l'actualité. Et pour cause, Mahjoubi Aherdane et Mohand Laenser, respectivement chefs du Mouvement national populaire (MNP) et Mouvement populaire (MP), ont scellé, après un rapprochement qui a trop duré, une alliance politique et organisationnelle. A mi-chemin entre la coordination, souvent très prisée par notre classe politique et vouée à un certain opportunisme circonstanciel, et la fusion tout court, "l'instance uniforme" a, en fait, l'allure d'une union infinie. Lors de la réunion des deux comités centraux des deux Mouvements, on n'a pas lésiné sur le qualificatif. Historique pour les uns, décisive pour les autres, la démarche est sans doute aucun un pas (très grand) en avant. La fusion, en effet, n'est pas pour demain. Deux dates sont, le cas échéant, attendues : d'abord l'adoption par le parlement de la nouvelle loi sur les partis. Donc, avant la fin de l'actuelle session parlementaire. Ensuite, la tenue des congrès respectifs du MNP et MP. Dans un cas comme dans un autre, le "temps ne fera que mûrir l'action ! Habitué au parler-franc, Aherdane déclare non sans humour : "On est là pour être clair. Fini le temps du papotage et des phrases qui ne veulent rien dire". A qui décoche-t-on ces petits dards si assassins ? Une chose est sûre : le vieux haraki semble très impatient. Plus pragmatique et pédagogique, Laenser rappelle les faits : "Abstraction faite des carences enregistrées sur le plan de notre action et la léthargie qui frappe nos instances –explique-t-il- on devait choisir". Presser le pas, et partant "entamer l'intégration et l'union", ou bien "attendre que les choses soient plus mûres". Le temps, encore une fois, est un alibi. D'ailleurs, il a toujours milité pour les mouvements : depuis juin 2002, date à laquelle le rapprochement des deux mouvements a été initié, le pôle haraki a su tenir. La résurrection -pour reprendre les termes de Laenser- a réussi, et le pôle haraki reste un facteur déterminant dans l'équation majoritaire. A ses dépens parfois. Voilà seulement quelques semaines, la réélection du président de la première chambre, Abdelouahed Radi, a fait bien des vagues. Au sein de la majorité, on en est arrivé aux couteaux tirés. Chacune des formations de la coalition Jettou y est allée de son candidat, mais ce que l'on retient surtout, c'est le duel Aherdane – Fassi. Le temps était à la concurrence, et chacun tirait la couverture sur soi. "Un peu plus…" avait jugé Aherdane. Le chef du MNP a même jugé "honteuse" la position de l'Istiqlal. Ce dernier, en effet, tentait de se rallier des députés harakis, afin de faire le poids devant le candidat USFPéiste. La compétition a eu la fin qu'on connaît. On en retient également et surtout ; que Aherdane était pour une candidature qui "donne plus de trait à un poids politique évident". N'ayant pas eu gain de cause, il parie, semble-t-il, sur les échéances 2007. Il n'est pas le seul d'ailleurs. Dédiée à l'avenir, l'union annoncée dimanche 22 mai est pour Mohand Laenser un choix qui transcende l'occasionnel. En clair “la période politique que nous traversons requiert des décideurs forts, ayant une influence certaine sur la prise de décision“. Si la haraka a adopté la prudence et le pas-à-pas, c'est que le temps “des alliances fragiles qui cèdent au premier souffle " est révolu. Ce qui fait dire à Laenser : " Les enjeux nécessitent abnégation et largesse d'esprit ". Ce souffle-là est une obligation morale, mais il est aussi une opportunité politique. La saisir, c'est faire partie de ce mouvement. Ecarté dès le départ, Mahmoud Archane ne peut nullement y prétendre. D'ailleurs, il en est lui-même très convaincu : son dernier livre est un pamphlet irrévérencieux à l'encontre de la direction bicéphale des mouvements réunis. Reste Bouazza Ikken. Chef de l'Union démocratique, elle-même issue de la énième scission au sein du mouvement, il paraît "en reste". "Aherdane et Laenser sont deux vieux de la vieille. Moi, je suis un nouveau venu en politique". Comme quoi, il faut de la maturité, de l'âge et de la sagesse pour entreprendre une réunification politique ! Est-ce là, la raison pour laquelle, un Mahjoubi Aherdane, contre lequel toutes les dissidences ont eu lieu, est le plus impatient de tous ? Une chose est sûre : pour les uns et pour les autres, la politique est dans le mouvement.