Alors que la rentrée s'annonce chaude pour le gouvernement à plusieurs chapitres, cette semaine sera marquée par la tenue des rencontres avec les représentants des syndicats en prélude à la session du mois de septembre du dialogue social. Les syndicats réclament l'indexation des salaires sur le coût de la vie, pour faire face à la cherté de la vie, par une hausse de leur pouvoir d'achat et de leurs salaires. Le dialogue social est de nouveau à l'ordre du jour ! Vaste chantier, interminable vis-à-vis du gouvernement et des centrales syndicales. Les points acquis depuis la constitution du nouveau gouvernement en janvier dernier ne sont guère nombreux, excepté la promesse du nouveau grade dans la fonction publique, qui est le résultat de négociations engagées depuis longtemps. A la limite non pas un détail, une futilité, mais un acquis marginalisé, parce que la réalité économique et sociale , marquée au coin de la crise et de la cherté de la vie, incite les partenaires à une autre réflexion et une nouvelle approche. Cependant, le gouvernement dont la volonté d'aboutir n'en démord pas, n'a pas la partie facile. Il négocie avec trois centrales et pas plus, l'UGTM qui est l'émanation de l'Istqlal et sous l'emprise de l'intrépide Hamid Chabbat ; l'UMT que dirige de main de maître Miloudi Moukharik et l'UNTM ( Union nationale du travail au Maroc) de Mohamed Yatim. Les récalcitrants au dialogue restent tout de même deux syndicats importants, la CDT, œuvre pétrie par Amaoui et la FDT... Rangs dispersés La première faille est à situer à ce niveau même, autrement dit à l'absence de l'unanimisme ! Il reste, toutefois, que toutes les centrales syndicales se sont prêtées au jeu un certain 26 avril 2011 pour apposer leur signature au bas de l'Accord portant cette même date, qui constitue aussi une sorte de Charte nationale, et pas seulement un document social significatif. A l'époque, l'USFP n'était pas entrée dans l'opposition, certains de ses membres siégeaient même au sein du gouvernement dirigé par Abbas El Fassi... L'accord en question, auquel a été alloué un budget important, stipule entre autres la mise en place de deux rounds de négociations sous forme de sessions, l'une en avril et l'autre en septembre. Le gouvernement de l'époque entendait imposer une seule rencontre annuelle globale, recouvrant toutes les questions, d'un seul tenant et qui aurait eu le mérite, selon certains, de mettre le « tout sur la table » et de donner au gouvernement le statut d'un meneur de jeu. Or, certaines centrales ne l'entendaient pas de cette manière : outre le rythme de deux rencontres annuelles, exigeant deux approches et donc une volonté de coller à l'actualité comme qui dirait d'être indexé au coût de la vie, elles ont avancé d'autres, disons leurs priorités : l'amélioration des conditions de vie et de travail, la définition du cadre des libertés , de la loi organique pour l'élection des délégués du personnel au sein des entreprises, etc. La liste des réclamations En fait, c'est un véritable cahier de doléances que les syndicats ont posé et exposé, ils n'en démordent pas. Ils réclament « mordicus » l'indexation des salaires sur le coût de la vie, autrement dit la possibilité de faire dignement face à la cherté de la vie, par une hausse de leur pouvoir d'achat et de leurs salaires. Au niveau du secteur privé, la hausse de salaires réclamée est de l'ordre de 15 %. Ils en appellent à l'application de la promesse, faite par Abdelilah Benkirane pendant sa campagne électorale des législatives et réitérée il n'y a pas si longtemps encore, d'une retraite minimale de 1000 dirhams, de l'augmentation du SMIC et du SMAG comme promis, l'élargissement du système de protection sociale, de la révision du statut du personnel des Communes. Il faut rappeler que les employés des communes ont pris la fâcheuse habitude de débrayer 48 heures par semaine, et ce depuis deux ans maintenant, imposant ce qu'il convient de qualifier de leur « propre loi », créant des désagréments aux citoyens qui n'en finissent pas de porter un sacré coup à l'image de l'Administration , désormais laxiste. Les syndicats, avant que la scission en leur sein ne devienne l'élément déstabilisateur et de division, ont donné l'impression de parler d'une même voire d'une seule voie, tant que leurs revendications relevaient du corporatiste et que la politique ne vienne à les diviser... En face, poussé de plus en plus par une CGEM désormais aguerrie et dynamique comme jamais elle ne l'a été, le gouvernement souhaiterait donner la priorité au contexte juridique et favoriser l'adoption, à court terme, de la loi sur la grève et les débrayages. La session d'avril dernier, souhaitée à grands renforts de communication par le PJD qui est à la tête du gouvernement, a été littéralement boycottée par la CDT et la FDT. Cette absence orchestrée n'a pas manqué d'avoir des retombées sur l'efficacité du dialogue social. En termes d'image, bien sûr, mais aussi de coordination avec les pouvoirs publics. Le social, une priorité pour Benkirane La seule bonne volonté, aussi haut proclamée ne suffit pas, ou plus ! Le Chef de gouvernement, tout à sa volubile détermination d'honorer ses engagements, a participé en avril dernier au Conseil d'administration de la CNSS, indiquant par là que l'une de ses priorités est le social ! Comment son gouvernement abordera-t-il la rentrée sociale qui , même si elle ne fait pas l'objet d'une même vision chez des syndicats partis en ordre dispersés, mettre face-à-face un gouvernement qui n'a pas encore bouclé un an, les travailleurs et les salariés impatients ? Le ministre de l'emploi, Abdelouahed Souhail, membre du PPS, nous rappelle avec force que « le gouvernement s'en tiendra à la mise en œuvre de l'accord phare du 26 avril 20 avril 2011 », en son esprit, en ses recommandations et ses contradictions même...Pour les syndicats, la priorité n'est pas dans l'habillage, dans la forme ou la proclamation que le dialogue social sauvera la paix sociale ou la paix tout court ! Outre l'amélioration des conditions de vie et de travail, ils inscrivent sur leur fronton cette revendication majeure qui est l'abrogation de l'article 288 du Code pénal, le renforcement des libertés syndicales et leur réelle représentativité au niveau des secteurs public et privé. La CGEM, pour sa part, semble faire de la réglementation du droit de grève son cheval de bataille, quitte à se heurter au front du refus, et au laxisme du pouvoir. L'Accord signé parle gouvernement El Fassi Ces centrales ont mis en avant leur souci de veiller à la mise en application de l'accord du 26 avril 2011, qui bénéficie d'un budget depuis 2009. Elles ont mis l'accent sur la nécessité de maintenir deux rounds de dialogue social contrairement à l'appel de l'Exécutif à un round unique et de se pencher sur l'examen des importantes questions sociales, notamment la réforme des régimes de retraite et de régimes indemnitaires. Elles ont plaidé pour la hausse des salaires dans les secteurs public et privé, l'augmentation des quotas de la promotion interne, l'organisation des élections des commissions paritaires et l'indemnisation pour perte d'emploi. Les syndicats ont aussi réclamé le renforcement des libertés syndicales et l'abrogation de l'article 288 du Code pénal, soulignant, relevant l'impératif de mettre en place de promouvoir une véritable représentativité au niveau des secteurs public et privé et d'une méthodologie du dialogue social au titre de 2012 et 2013. Le ministre a fait état de l'engagement du gouvernement à poursuivre le dialogue social et l'application de l'accord du 26 avril 2011. Plus encore, ils ont tout simplement boycotté la rencontre préférant se consacrer à l'organisation de leur marche annoncée comme pacifique. Cette attitude a provoqué la «surprise » de Souhail, qui venait, il y a juste une semaine de recevoir les recommandations de la CGEM, laquelle a pu mener son propre dialogue social avec les syndicats. Du coup, c'est la suite même des négociations qui semble prise en otage, même si le gouvernement a décidé de poursuivre le processus avec les centrales qui lui sont restées fidèles. Il s'agit de l'Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) de l'istiqlalien Hamid Chabat et de l'Union nationale du travail au Maroc de Mohamed Yatim, proche du PJD en plus de l'Union marocaine du travail (UMT) de Miloudi Moukharik. C'est donc, avec ces trois centrales syndicales, que le gouvernement tentera de sauver la face surtout qu'on attend encore l'empreinte de la nouvelle équipe gouvernementale sur ce dossier. Jusque-là, en effet, le gouvernement s'est attelé à «liquider les engagements pris par l'ancien gouvernement» selon le ministre Souhail. C'est d'ailleurs sur la suite de la mise en œuvre de cet accord, daté du 11 avril 2011, que portent les principales revendications de la FDT et de la CDT. Le gouvernement planche, de son côté, sur «une nouvelle approche participative» pour un prochain round à l'agenda bien chargé et qui, en principe, débutera probablement en septembre. * Tweet * *