Le CMC se soucie amplement, dans le cadre de la réforme de la Caisse de compensation en gestation, de la préservation du pouvoir d'achat des classes dites moyennes. Il remet en cause même le modèle de croissance économique qui ne favorise guère leur émergence. Détails. Habib El Malki se rappelle que les années 70 et 80 étaient des années fastes pour la classe moyenne. La réforme de la Caisse de compensation telle qu'elle est envisagée par le gouvernement Benkirane ne semble pas être au goût du Centre marocain de conjoncture (CMC). Censée cibler les couches sociales les plus démunies estimées à près de 34 % de la population, cette réforme qui consiste en des aides financières directes liées, à l'exemple d'autres expériences (Brésil, Indonésie…) passe à côté de l'essentiel, qui n'est rien d'autre que la classe moyenne. Classe moyenne, la «grande oubliée» Qualifiée de la «grande oubliée» de ce mécanisme de soutien, cette classe dite moyenne «risque de trinquer». L'équipe de l'Observatoire indépendant de l'économie nationale pense que toute réforme qui se veut efficace et efficiente devrait être équilibrée (socialement parlant), étalée dans le temps sans pour autant perturber le système productif. Le mécanisme de péréquation des ressources tel qu'il est concocté par le gouvernement est « fortement contrarié », loin d'être équilibré dans la mesure où la répartition des richesses nationales laisse encore à désirer. Intervenant mercredi dernier à Casablanca lors d'une rencontre sur «Les perspectives de croissance dans le cadre du nouveau contexte 2012-2013», Habib El Malki, se soucie amplement-dans le cadre de la réforme de la Caisse de compensation en gestation- de la préservation du pouvoir d'achat de cette classe moyenne estimée à 53 % de la population totale, selon les statistiques du Haut commissariat au plan (HCP). Modèle de croissance mis à nu Les critiques des conjoncturistes ne semblent pas être bien fondées, du fait qu'elles empruntent une logique équilibriste en termes macro-économiques aux dépends d'un partage équitable des fruits de la croissance. Ambitionnant d'être une force de proposition, le Centre de conjoncture s'est dit être dans l'incapacité de formuler des scénarios de réforme de cette caisse. «Le CMC ne donne pas de leçons. Son rôle est de favoriser le débat et mûrir la réflexion», témoigne son président. Son souci pour la classe moyenne trouve son fondement essentiellement dans le modèle de croissance économique poursuivi ayant déjà «émis des signes d'essoufflement». Ce modèle consacrant la libéralisation du marché dans le but d'accroître les revenus des ménages, et partant, d'élargir la base de la classe moyenne a manqué son rendez-vous. Et pourtant le Maroc continue sur sa politique d'ouvrir davantage l'accès de la concurrence à son marché. Ce qui implique que notre pays devrait s'interroger véritablement sur son modèle : « est-il pertinent? », se demande El Malki. Le doute étant permis, ce qui explique réellement que la part de la classe moyenne dans la population totale ne cesse de se réduire comme une peau de chagrin. L'histoire retiendra que les années 1970 voire même 1980 resteront les années fastes pour cette classe, se rappelle El Malki. Mise à part les classes moyennes, le président du CMC s'inquiète également pour la compétitivité du tissu productif national étant donné que le scénario de réforme de la caisse de compensation en vue est basé sur la libéralisation du système de subvention et la vérité des prix. Ses inquiétudes restent légitimes, d'autant plus que l'état d'attentisme qui se fait déjà sentir au niveau du monde des affaires n'est pas sans conséquences sur la machine économique. Au moment où la crise mondiale qui n'a pas toujours épuisé toutes ses cartouches grippe encore toute amorce de reprise. Cet attentisme, estiment les conjoncturistes, est pire que l'effet printemps arabe. Amnistie fiscale, pourquoi pas? Que faire alors que les chefs d'entreprises ont le moral dans les chaussettes? Le CMC plaide favorablement pour une amnistie fiscale. Qu'entend-t-on par amnistie fiscale auprès du laboratoire privé ? Surtout que le terme dans sa définition laisse croire effacer tout ou partie des sanctions dues par les contribuables. Aux yeux des conjoncturistes, c'est le fait d'alléger provisoirement le poids des charges fiscales sans pour autant laisser tomber le paiement des sommes dues. Autrement dit, reporter voire retarder le paiement des pénalités financières (pénalités, majorations de retard…) sans toucher à l'essentiel à savoir la base imposable. Elle veut dire également inviter les contribuables litigieux à se conformer à leurs obligations fiscales en payant les impôts ainsi que les intérêts passés en contrepartie d'effacer le fait punissable. Cette mesure, explique-t-on, aura une portée bénéfique pour les caisses de l'Etat contrairement à ce que l'on pourrait imaginer dans la mesure où elle favoriserait la mise à jour comptable. La dernière mesure similaire date de 1998, avec l'avènement du gouvernement d'alternance. Le vœu est pieux sauf que le contexte politico-économique a changé. Et pas seulement. Recours au prêt à l'étranger Le gouvernement Benkirane croule sous le poids de l'érosion budgétaire et l'assèchement des liquidités, à tel point qu'il ne pourrait se permettre une telle amnistie. Ses marges de manœuvre sont tellement rétrécies que même les probabilités de recours au marché international pour levée de fonds sont de plus en plus faibles. Et pourtant, le CMC recommande fortement une telle sortie à l'international. A son avis, le trésor dispose encore de périmètre de jeu et les agences de notation sont encore courtoises vis-à-vis de l'économie marocaine. « Je ne comprends pas pourquoi on est réticent? », s'interroge El Malki. Et d'ajouter que le taux d'endettement public se situe aujourd'hui à 54 %, encore loin du consensus international qui veut que ce taux ne doit pas dépasser 60 % du PIB. Quoi qu'il en soit, il est important de comprendre le lien entre la croissance économique et le ratio de la dette publique. Le gouvernement actuel a jugé que faire appel à l'emprunt demeure enfin la dernière solution, faut-il encore que le taux d'intérêt soit inférieur au taux de rendement des investissements publics. Et c'est là la grande question. Les conjoncturistes pointent du doigt d'ailleurs l'efficience de ces investissements publics. Leur impact sur la croissance économique est faible, est-il souligné. Tout en sachant que les investissements publics réalisent encore la part cruciale des dépenses en formation brute de capital fixe (FBCF), estimés à plus de 33 %. Comment s'en sortir ? C'est une grande question, lance El Malki. Il pense que le faible impact de ses investissements est attribué aux problèmes de suivi voire même de coordination. « S'agit-il de projets isolés…? », se demande-t-il. Assises sociales Cette question nous renvoi enfin au modèle de croissance économique en vigueur. Au lieu de se soucier de l'obligation des équilibres macro-économiques, il est temps de penser un modèle d'inclusion sociale, prône-t-il. Un modèle, ajoute-t-il, qui soit en mesure de favoriser l'inclusion de la population vulnérable et de réduire les disparités sociales. Ce dernier a alerté contre l'aggravation de la pauvreté qui a emprunté une tendance haussière ces dernières années causant même l'appauvrissement de certains couches sociales moyennes. La tenue d'Assises sociales afin de repenser le modèle social, seul gage d'élargir le marché intérieur, reste une option stratégique, conclut le président du CMC. 4,1 % de croissance en 2013 L'exercice 2013 s'annonce, selon la configuration prévisionnelle du CMC, sous de bons auspices. D'abord l'économie mondiale, qui émettrait des signes que le bout du tunnel est en vue, laisse croire le début d'un vent de reprise ; d'ailleurs, le FMI table dans ses prévisions sur un taux de croissance de 4,1 %, similaire à celui pronostique pour notre pays. Les hypothèses retenues par les conjoncturistes envisagent le retour à une campagne agricole aux conditions pluviométriques meilleures. Cette probabilité, à en croire toujours le CMC, est d'autant plus plausible qu'il est rare en agriculture que deux mauvaises campagnes se succèdent. Ce qui, en somme, laisse augurer pour les activités primaires un regain de dynamisme. Ainsi les projections retiennent une progression de 8,8 % en termes réels, après un reflux de la valeur ajoutée agricole de l'ordre de 5 % en 2012. En revanche, les activités secondaires connaîtraient le prolongement de la tendance baissière marquée en 2012. Avec plus de détails, les branches industrielles devraient croître avec un rythme mois prononcé que celui de 2012, pour avoisiner les 2,6 % contre 3,6 % un an plutôt. Toutefois, le secteur du BTP déroge à la règle et devrait maintenir son dynamisme assez soutenu pour s'établir à une cadence d'évolution de 5,2 %. S'agissant enfin du secteur tertiaire, le profil de croissance retient un tassement sensible des branches commerciales et de services. Ces activités afficheraient une hausse moyenne de 3,3 %, en baisse de 0,7 points en glissement annuel. Le scénario de croissance en 2013 prévoit un raffermissement de la demande intérieure, locomotive de l'économie d'ailleurs. Ses trois composantes que sont la consommation des ménages, l'investissement et l'export font ressortir une perspective de relance qui se situerait respectivement à 3,9 %, 5,9 % et 6,3 %. Enfin, 2013 se caractériserait par un retour de la spirale inflationniste enclenchée en fait à partir du deuxième semestre 2012, suite à la hausse des prix pétroliers. Ainsi, le taux d'inflation projeté s'établirait au même palier que celui prévu pour 2012 à savoir 3,5 à 4%. * Tweet * * *