L'Association marocaine des droits humains célèbre ses 33 ans. Sa présidente, Khadija Ryadi revient sur les grands acquis et sur les ratages. L'occasion d'évaluer l'action du mouvement des droits de l'Homme dans le pays. Khadija Ryadi : «La lutte continue car nous sommes encore loin de la démocratie ». L'AMDH (Association marocaine des droits humains) fête ses 33 ans d'existence. Quelle évaluation faites-vous de l'action sur le terrain de votre ONG ? L'AMDH est l'une des associations les plus actives du mouvement des droits de l'Homme au Maroc. Elle est l'une des plus anciennes des ONG à militer pour la liberté, l'égalité, la construction d'un Etat de droit…les acquis réalisés par l'AMDH pour pousser l'Etat à revoir sa politique en matière des droits de l'Homme sont multiples. Plusieurs prisonniers politiques ont retrouvé leur liberté, des victimes de torture ont bénéficié d'indemnisation…l'Etat a ratifié des conventions internationales relatives aux droits de l'Homme…l'amazighe a été reconnue en tant que langue officielle du pays par la Constitution…l'une des grandes réalisations est relative à la sensibilisation des citoyens à la défense de leurs droits fondamentaux. Il y a une prise de conscience notamment auprès des jeunes qui ne tolèrent plus que leur dignité soit touchée. De même dans les zones rurales….d'énormes réalisations ont été concrétisées, toutefois, nous n'avons pas encore atteint l'objectif d'édification d'un Etat de droit. Les lois ne sont pas respectées. L'impunité est toujours la règle. La justice n'est pas indépendante. Il n'y aucune avancée en ce qui concerne les droits économiques et culturels. L'analphabétisme est un fléau national. Il est insensé qu'après 60 ans d'indépendance, plus de 50 % des femmes soient analphabètes. La situation du secteur de la santé est catastrophique..La répression continue contre les manifestations notamment des jeunes du Mouvement du 20 Février…En somme, la lutte continue car nous sommes encore loin de la démocratie. Le problème est qu'il y a un grand écart entre le discours officiel et la réalité. Y a-t-il eu des erreurs de parcours ? Des échecs ? Personne ne peut prétendre qu'il a tout réussi. Il y a eu certes des erreurs, des ratages…il y a tellement de violations des droits de l'Homme que nous pouvons soutenir toutes les victimes. Nous n'avons ni le temps ni les moyens financiers pour concrétiser cela. À titre d'exemple, les ouvrières dans le domaine de l'agriculture sont exploitées à fond. Le gouvernement le reconnaît lui-même en déclarant que le code du travail n'est pas respecté par leurs employeurs. Il y a également la problématique des petites bonnes. Tout cela nous interpelle mais nous regrettons de ne pas pouvoir soutenir toutes ces personnes pour défendre leurs droits sociaux et économiques. C'est pourquoi il faut réfléchir à une autre façon d'agir comme constituer des collectifs d'ONG des droits de l'Homme pour entreprendre des actions communes. Les résultats seront plus positifs. Que pouvez-vous dire sur le mouvement des droits de l'Homme au Maroc aujourd'hui ? Le mouvement des droits de l'Homme au Maroc avance à pas fermes. Aujourd'hui, on peut dire qu'il a atteint sa phase mature. Il y a de plus en plus d'associations des droits de l'Homme. Des ONG se spécialisent soit dans le domaine des droits des enfants ou encore des femmes. Les associations des droits de l'Homme accordent actuellement plus d'importance aux objectifs communs qu'à leurs divergences de point de vue. La preuve est la constitution du collectif de 18 ONG des droits de l'Homme. Nous assumons nos différences. Nous nous concentrons sur ce qui est prioritaire, à savoir nos causes en commun. Avez-vous déterminé votre plan d'action pour les prochaines années ? Notre plan d'action pour la période 2010-2013 est toujours en cours de réalisation. Nous allons entamer les préparatifs pour le prochain congrès de l'AMDH qui aura lieu en avril prochain. Le Conseil national se réunira en octobre pour débattre de notre plan d'action pour les trois prochaines années. * Tweet * * *