Jour de l'attentat au café Argana sur la place Jamaâ El Fna à Marrakech, la date du 28 avril 2011 est ancrée dans la mémoire collective. Un an après, la ville ocre commémore ce samedi le triste anniversaire. Sur la place Jamaâ El Fna, les touristes sont revenus mais commerçants, hôteliers, restaurateurs et autres travailleurs voisins de la place emblématique, soulignent que l'attentat a eu une répercussion sur l'activité touristique. Le café Argana est toujours en travaux, caché par une bâche en plastique. A quelques jours de la commémoration, la place Jamaâ El Fna semble n'avoir pas changée si ce n'est la lourde bâche posée sur le lieu de l'attentat. Bien qu'un peu plus vide qu'à son habitude, les activités caractéristiques de la place battent leur plein. Les chariots de jus d'orange sont à leur poste, tout comme les femmes du henné et les gens de la halqa. Et pourtant, si le décor est identique, dès que l'on évoque l'attentat d'Argana, les Marrakchis s'accordent pour dire que la ville a changé depuis l'attentat. « Le tourisme a beaucoup baissé. Le commerce à Jamaâ El Fna n'est plus le même», estime Hassan, chauffeur de taxi. Commerçants, hôteliers, restaurateurs et autres travailleurs voisins de la place emblématique, tous s'accordent pour dire que l'attentat a eu une répercussion sur l'activité touristique. Un sentiment que confirment les professionnels du secteur. Baisse du tourisme Selon le Conseil régional du tourisme de Marrakech, la perte, en termes de nuitées dans les hébergements classés, a été de 9 % sur l'année 2011. Et les trois premiers mois de l'année 2012 n'ont pas inversé la tendance, bien au contraire, puisque selon des estimations de la Wilaya de Marrakech, une baisse de 15 % des nuitées et de 10 % des arrivées a été enregistrée pour ce premier trimestre 2012. « 2011 était l'année de la crise économique, du Printemps arabe, du Mouvement du 20 février puis d'Argana. Le Maroc a tout encaissé, et on en sort peu à peu », estime de son côté Abdellatif Abouricha, responsable communication du Conseil régional du tourisme. Et selon lui, le mois d'avril s'annonce de bonne augure, avec une nette reprise due aux offres sur internet. « Les touristes reviennent de plus en plus. Depuis la mi-février, ça reprend, on va vers un retour à la normale », estime Myriem, réceptionniste à l'hôtel Ali. Stigmates douloureuses Mais si l'activité touristique remonte difficilement la pente, le souvenir de l'attentat quant à lui n'est pas prêt de s'estomper des mémoires. « Un an après, ce qui est resté, c'est d'abord et avant toute chose un drame humain. Ce sont de nombreuses familles déchirées, c'est beaucoup de douleur et un traumatisme certain », déclare au Soir Echos Fatima-Zahra Mansouri, mairesse de Marrakech. Sur la place Jamaâ El Fna, personne n'a oublié. « L'attaque à la bombe m'a traumatisé. Je me souviens que le choc a été très fort », se remémore Charaf, vendeur de jus d'orange sur la place. Du côté des proches des 17 victimes, la date du triste anniversaire s'annonce comme un moment douloureux. « Cette année a été pleine d'émotion et de tristesse pour les familles. La fin du procès a été un soulagement pour eux. Justice a été faite. Mais après un an, il est important de commémorer cet attentat et de dire que les victimes ne seront jamais oubliées », nous déclare Souad El Khammal, présidente de l'Association marocaine des victimes du terrorisme. Car si la procédure judiciaire pour juger les responsables de l'attentat est bel et bien terminée, le deuil quant à lui se poursuit. « Cette date d'une année est un passage. Il y a de l'appréhension pour les familles, c'est un moment douloureux qu'elles doivent affronter », souligne Guillaume Denoix de Saint Marc, président de l'Association française des victimes du terrorisme. « Plus jamais ça » Et à travers la cérémonie de commémoration organisée ce samedi, c'est un message, tristement connu, qu'écouteront les présents : « Plus jamais ça ». Les touristes ont pratiquement oublié Si les Marocains ne sont pas prêts d'oublier cette date, les touristes semblent de leur côté n'avoir que peu de souvenirs de l'attentat. Vaquant tranquillement à leurs occupations sur la place Jamaâ El Fna, peu d'entre eux savent ce qui se cache sous la bâche en plastique posée sur l'ancien café de l'Argana. « Je n'ai jamais entendu parler du café Argana. Nous avons beaucoup entendu parler d'attentats à la bombe, mais surtout en Israël-Palestine. Je ne me souviens pas d'avoir entendu parler de terrorisme au Maroc » nous confie Lisa, une touriste hollandaise de 58 ans, assise pourtant à deux pas du café touché. Et pour ceux qui en ont déjà entendu parler, le souvenir s'est flouté avec le temps. « Je me souviens vaguement. Nous n'y avons pas pensé lorsque nous avons décidé de venir au Maroc. Je m'en suis souvenu uniquement quand vous m'avez posé la question » nous avoue Aïssam, un italien de 30 ans, en train de déguster un tagine avec une amie. Un oubli insouciant de nombreux touristes, que ne partagent pas les Marocains. « Aujourd'hui les touristes ont complètement oubliés. Ils ne m'en parlent jamais, mais moi je n'oublierai jamais », nous confie Myriam, réceptionniste dans un hôtel à 2 minutes de l'Argana. Le programme de la cérémonie La commémoration en souvenir des victimes de l'attentat du café Argana se déroulera ce samedi entre 10h30 et 12h. Les proches des victimes, puis l'Association française des victimes du terrorisme, ainsi que les autorités marocaines et étrangères prendront la parole pendant la matinée. Une plaque commémorative, avec les noms des victimes, sera ensuite dévoilée. Un olivier, un dépôt de gerbes ainsi qu'un lâcher de colombes viendront rappeler le message de paix porté par une telle commémoration. « Les victimes souhaitaient une réunion basée sur la paix, sur la compréhension mutuelle et la dimension universelle des victimes du terrorisme. Ce crime nous concerne tous. Nous voulions sensibiliser avec dignité, et si possible beauté, en musique », nous explique Guillaume Denoix de Saint Marc, président de l'Association française des victimes du terrorisme.