La réforme des médias publics crée la polémique en Tunisie. La société civile tunisienne accuse le gouvernement de vouloir assujettir les médias publics. Un journaliste tunisien lors d'un sit-in, mercredi, à Tunis Le ton monte entre le pouvoir public et les acteurs des médias en Tunisie. En effet, un rassemblement, mercredi, a réuni des centaines de journalistes, d'hommes politiques et d'acteurs de la société civile sur la célèbre Avenue Habib Bourguiba à Tunis. Les manifestants protestaient contre « les tentatives d'assujettissement des médias publics». « Le peuple veut libérer les médias. Les médias appartiennent au peuple. », scandaient-ils. Liberté de presse menacée Depuis deux mois, de nombreux sit-in ont lieu devant le siège de la télévision d'Etat pour réclamer des changements au sein de sa hiérarchie, encore dominée, selon les protestataires, par des hommes de l'ancien régime de Ben Ali. « Toutes les expériences de transition démocratique dans le monde se sont basées sur les médias publics étant donné qu'ils sont les plus aptes à évoluer », a déclaré Néji Bghouri, membre de l'Instance supérieure pour la réforme de l'information et de la communication (INRIC). Pour Chokri Belaïd du Mouvement des patriotes démocrates, cité par la presse tunisienne, cette manifestation est réponse symbolique aux agressions subies par l'ensemble du personnel de la télévision nationale. « Il s'agit d'une action pacifique pour dénoncer le comportement sauvage des milices avalisés par le mouvement Ennahda », a-t-il souligné. La raison principale de ce grand rassemblement est la volonté du parti Ennahda, au pouvoir, de privatiser la télévision publique. « Ce que la révolution a réellement apporté, c'est la liberté de presse!», a rappelé Khemaies Ksila, membre de l'Assemblée constituante avant d'ajouter que « cette liberté est sérieusement menacée, en particulier les organes de presse publics. Le gouvernement actuel n'a pas compris que les médias publics ne sont pas les médias de la majorité ou du gouvernement, mais plutôt un service public qui ne peut être réformé que par les gens du métier ». Démissions en cascade Dans la foulée, le parti Ennahda a publié, mercredi, un communiqué dans lequel il dénonce les violences qui ont émaillé les sit-in des journalistes ces derniers jours. « La réforme, le changement et la reddition de compte dans le secteur public de l'information sont indispensables pour consacrer le droit du citoyen à une information nationale professionnelle, objective et impartiale», a réaffirmé le parti des islamistes. Ennahda ajoute, en plus, qu'il est impérieux de saisir la chance qui s'offre pour assurer la réforme du secteur public de l'information et de le mettre au service de la révolution. Pour le moment en tous cas, les acteurs des médias tunisiens ne comptent pas se laisser faire. Plusieurs directeurs des radios centrales et régionales ont d'ores et déjà annoncé leur démission pour dénoncer « le traitement humiliant et irresponsable » du gouvernement vis-à-vis des de la radio tunisienne. « En Tunisie, il y a encore une volonté de voir les médias continuer d'être au service du pouvoir. Si les professionnels et en particulier les journalistes tiennent bon, tout ira bien mais il faut du temps », a concédé Habib Belaïd, ancien directeur général de la radio nationale.