Des journalistes tunisiens déplorent l'atmosphère asphyxiante dans laquelle est célébrée la Journée mondiale de la liberté de presse en Tunisie. A l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, des voix se sont élevées lundi en Tunisie dans les rangs de la société civile et des professionnels pour revendiquer la levée des obstacles qui entravent une réelle liberté dans l'exercice de la profession. Dans un message au Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) et à l'Association tunisienne des directeurs de journaux (ATDJ), le président Zine El Abidine Ben Ali a reconnu aux professionnels leur droit d'exercer «la liberté et la critique constructive». Il les a néanmoins incité à s'éloigner de «la diffamation et la calomnie» et à «bannir les pratiques irresponsables contraires à la loi et aux principes fondamentaux de la démocratie». «Nous réaffirmons aujourd'hui qu'il n'existe en Tunisie aucun tabou ni interdit et que les médias tunisiens peuvent traiter toutes les questions sans aucune forme de censure autre que celle que leur impose leur conscience», a-t-il affirmé. Le paysage médiatique est cependant perçu différemment du côté de plusieurs parties de la société civile qui contestent «la contradiction» entre le discours d'ouverture des autorités et leurs pratiques dans la réalité. Dans un rapport transmis à l'Associated Press, signé par son président Néji Bghouri, le bureau exécutif évincé du SNJT déplore «l'atmosphère asphyxiante» dans laquelle est célébrée la Journée mondiale de la liberté de presse en Tunisie. Il dénonce, à cet égard, «la persistance des autorités dans leur politique de verrouillage, de harcèlement des libertés publiques et d'atteinte aux droits des journalistes allant jusqu'à leur intimidation, leur agression et leur emprisonnement». Le rapport déplore par ailleurs le blocage des sites électroniques de nombre d'organisations de droits de l'Homme locales et internationales, et de journaux de l'opposition, ainsi que le piratage des messageries et de comptes «Facebook» d'activistes. De son côté, le journal «Al Maoukif», organe du PDP, principal parti d'opposition, a organisé un débat sur le rôle des médias électroniques pour «l'exercice démocratique de la liberté d'expression et de la crédibilité des médias nationaux». Quant au nouveau bureau du SNJT, présidé par Jamel Kermaoui, un proche du pouvoir, il a notamment appelé à la révision du code de la presse pour y abroger les dispositions répressives, notamment les sanctions d'emprisonnement, et a souhaité l'amélioration de la situation sociale et matérielle des journalistes. La journée a été marquée par une tentative de «manifestation pacifique» que comptaient mener les journalistes Zied Hani et Salah Fourti pour revendiquer plus de liberté de presse et d'expression, mais qui a été étouffée dans l'œuf. Selon M. Hani un blogueur très critique, «un dispositif policier impressionnant» les a empêchés de conduire une marche vers le siège du ministère de la Communication, ce qui l'a astreint à se diriger vers le siège de la présidence de la République à Carthage, banlieue nord de Tunis, pour un sit-in de protestation. En dépit de «l'attitude compréhensive» de préposés à la présidence, il a confié qu'il allait porter plainte contre les autorités concernées pour «abus de pouvoir». Bouazza ben Bouazza (AP)